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100 millions pour rendre le golf de Tahiti « plus sexy » pour les joueurs… Et les investisseurs


En 2025, l’Egat, l’établissement public qui gère le golf d’Atimaono, bénéficiera, en plus de ses 150 millions de francs de subvention annuelle, d’une dotation de 100 millions pour « réhabiliter » son 18 trous. Des dépenses qui font grincer des dents, certains rappelant que la Chambre territoriale des comptes avait invité le Pays à réfléchir sérieusement à la privatisation du site de Papara. Mais l’un n’exclut pas l’autre : d’après le directeur de l’Egat, ce relooking orienté vers Tahiti 2027, doit surtout élever le « standing » du golf pour attirer les investisseurs. Un projet de complexe touristique à Atimaono, pas le premier, a d’ailleurs été récemment présenté à la présidence.

C’est une question qui revient régulièrement dans les rangs de l’assemblée : que faire de l’Egat ? Créé en 1985 pour assurer le développement d’immenses terrains domaniaux entre Papara et Papeari, l’établissement public pour la gestion et d’aménagement de Teva semble certes sorti des années de gestion « désastreuse » – pour ne pas dire crapuleuse dénoncées en 2018 par la Chambre territoriale des comptes. Mais l’Epic, dont les comptes avaient été mis un temps « sous surveillance » et dont les activités ont été recentrées sur la gestion du golf d’Atimaono, reste largement déficitaire. Lors de l’analyse du budget 2025 à l’assemblée, la semaine dernière, les 150 millions de dotation de fonctionnement annuelle ne sont pas passées inaperçues, Nuihau Laurey proposant de la réduire d’une vingtaine de millions pour créer « l’électrochoc », la « prise de conscience » sur le manque de viabilité financière de l’établissement de Papara. Avant de rappeler deux des revendications majeures du rapport saignant de la CTC : réfléchir à la pérennité de l’Egat, et à la privatisation du golf.

Le gouvernement ne semble pourtant, de prime abord, pas aller dans le sens d’un retrait d’Atimaono. La partie « investissements » du même budget comporte en effet une ligne, beaucoup moins discutée la semaine dernière, de 100 millions de francs au bénéfice de l’Egat. Une dotation exceptionnelle qui doit lui permettre de « réhabiliter » son 18 trous, en vue notamment des Jeux du Pacifique, qui se dérouleront sur ce parcours.

Parcours « reshapé », inondations évitées, arrosage automatisé

Un grand chantier jugé « nécessaire » par le directeur de l’établissement Hermann Meuel et pas seulement à cause de Tahiti 2027. Certes, le golf « Olivier Bréaud » a déjà bénéficié, sur deniers publics, d’importantes modernisations ces dernières années, pour tenter « d’élever son standing » et de moderniser ses infrastructures. Il y a eu l’achat, coûteux, de machines d’entretien spécialisées pour les greens et fairway, la refonte du practice, la construction du nouveau club house, inauguré début 2023… Une fois les nouveaux vestiaires et sanitaires – qui font d’ailleurs, eux aussi, l’objet d’une rallonge de 3 millions de francs au budget 2025 – terminés, et la zone d’entrainement un brin « améliorée », le golf pourra présenter « des services au complet », assure le directeur.

Mais le parcours de 18 trous lui-même – le golf accueille aussi un compact de 9 trous – n’a jamais réellement subi de grands travaux. « Aujourd’hui on a besoin de le réhabiliter pour le rendre plus accessible et, j’allais dire, plus sexy pour le golfeur, et également de remodeler un peu, parce que le parcours n’a quasiment pas bougé depuis 54 ans, reprend Hermann Meuel, qui a pris son poste en 2018. Donc il y a un shaper qui doit venir pour nous donner des conseils, et ça va être une de nos priorités, pour les Jeux du Pacifique 2027, mais aussi pour réhausser le parcours et développer notre activité commerciale ».

Les plans exacts de ce « remodelage » doivent encore être affinés, mais il s’agira notamment, entre 2025 et 2026, de mettre en place un meilleur drainage sur les parties les plus basses du parcours (les trous n° 10, et 11 et 12 sont fréquemment inondés), de faciliter la circulation en modernisant et en étendant le réseau de « car-paths » pour voiturettes, aujourd’hui jugé « un peu chaotique ». Et surtout de moderniser les trous eux mêmes : déplacement de bunkers, arrosage automatique des greens, adaptation éventuelle de la longueur et du « par » de certains trous pour rendre le niveau de difficulté plus « cohérent »… Après les dérives des prestations de service du golf avant 2017, le directeur assure que la plupart des travaux seront fait « en régie ». Et qu’il s’agit de « trouver un équilibre pour rendre la compétition plus excitante sur le parcours pour les visiteurs, tout en contentant nos clients habituels ». Le golf, malgré un passage de 300 à plus de 550 adhérents depuis 2018, doit impérativement attirer des touristes pour espérer approcher de l’équilibre financier.

Un projet de « complexe touristique » avec « villas golfiques » et marina

Ce besoin d’activité touristique pour rendre le golf de Tahiti viable économiquement, personne ne l’ignore, surtout pas les élus de l’assemblée. La semaine dernière, Moetai Brotherson avait répondu à la proposition d’amendement de Nuihau Laurey en rappelant qu’il « n’existe pas un golf au monde qui soit bénéficiaire en étant qu’un golf, sans activités connexes ». « Pour qu’un golf soit bénéficiaire il faut des villas golfiques, un complexe hôtelier, une zone d’activité », expliquait le président, comme l’avait fait Hermann Meuel en commission sans réellement être contredit.

Mais le chef du gouvernement a cette fois ajouté qu’un « projet sérieux », porté par un consortium d’investisseurs locaux « connus et qui ont de l’expérience dans l’immobilier, le tourisme ou la gestion de prestations nautiques » lui avait été présenté. « Ces investisseurs sont venus me rencontrer à la présidence pour me présenter ce projet de zone d’activité sur le domaine d’Atimaono, avec plusieurs zones, une partie culturelle, une partie bien-être santé, une partie nautique avec la mise en place d’une marina, des villas golfiques, également une intégration agricole, décrit-il. Evidemment les promoteurs y croient très fortement et je crois réellement que c’est vers ça qu’il faut qu’on s’oriente pour cette zone là ».

Mais pas question bien sûr de construire un complexe touristique en laissant le golf à un établissement public. Comme le confirme Hermann Meueul, le projet de réhabilitation a aussi pour objectif de mettre le site aux « standards internationaux » qui permettraient à des investisseurs de l’utiliser pour attirer de la clientèle étrangère. Et donc, au passage, de mettre le golf en gestion privée. La double réflexion proposée par la CTC sur la pérennité de l’Egat et le transfert de la gestion du golf est donc bien entamée. Les critiques de l’établissement public l’ont bien compris : Nuihau Laurey avait accepté, la semaine dernière, après avoir insisté sur la nécessité de tenir au courant les élus de Tarahoi de l’avancée du projet, de retirer son amendement, et donc de voter les subventions de l’Egat en l’état.

Reste à savoir si ce projet – pas le premier ni le dernier sur un site de 75 hectares qui a déjà beaucoup fait fantasmer – se concrétisera ou pas. En attendant l’établissement public tente de gonfler son chiffre d’affaires, qui atteint aujourd’hui 90 millions de francs par an. « On a fait un gros effort localement, avec des résultats, mais on manque de golfeurs touristes, c’est là dessus qu’on travaille, reprend Hermann Meuel. On a engagé des partenariats avec des tours opérateurs, des agences de voyage, des hôtels. On a pris des publicités à l’entrée de Tahiti sur notre compagnie aérienne Air Tahiti Nui. On a quelques résultats, pas mirobolants, mais d’ici quelques mois, nous allons pouvoir vendre directement des tee times sur la plateforme GolfNow, qui est très présente aux Etats-Unis. C’est notre marché de prédilection : rien que sur la côte californienne il y a à peu près 20 millions de golfeurs. »

Comme l’a déjà fait plusieurs fois fait remarquer Oscar Temaru – grand habitué du parcours d’Atimaono où il a sa voiturette – attirer un tourisme de niche n’est pas chose aisée, vu la concurrence internationale et le manque de parcours en Polynésie. « Des vacances golfiques, ça nécessite au moins trois 18 trous à portée, et des activités complémentaires près des golfs pour le reste de la famille », confirme le directeur de l’Egat.

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