FLEUR DES CHANTS – La consommation de la petite fleure printanière, symbole de la journée du travail, a baissé durant deux années de suite.
Les Français se détournent-ils du muguet du 1er mai ? Les achats de petites fleures à clochettes blanches, traditionnels le jour de la Fête du travail, ont reculé de 1% en 2014 après une baisse inédite de 7% déjà intervenue en 2013, pour atteindre un montant total de 26,6 millions d’euros, selon une étude de TNS Sofres pour FranceAgrimer publiée mercredi.
>> Perte de tradition ? Effet de la crise ? Désamour passager ? Eléments d’explication.
Un effet secondaire de la crise ? En épluchant les chiffres de vente du muguet, une chose saute aux yeux : les achats en pots ont bondi de 20% en 2014, alors que les achats de brin, majoritaires, ont chuté de 19%. Ce qui donne un élément d’explication à la baisse générale des ventes : la volonté de faire des économies.
« Cela s’explique sans doute par la nette augmentation des achats en grandes surfaces qui proposent un choix important de pots de muguet, y compris basiques, à prix modéré, mais peu de brins », décrypte-t-on chez FranceAgrimer, organisme public qui étudie le secteur agricol français. En clair, pour faire des économies, les Français préfèrent acheter moins cher en grande surface, et ils préfèrent acheter en pot pour garder leur muguet plus longtemps. « Avec la crise, les Français jugent que les fleurs ne sont pas une priorité », analyse-t-on encore chez FranceAgrimer. « Du coup, si vous achetez un pot le 1er mai cette année, vous pouvez encore l’utiliser l’année suivante ».
Une perte de tradition. Mais selon Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du Travail, le changement est toutefois « beaucoup plus culturel et beaucoup plus profond ». Et la baisse des ventes de muguet serait directement liée à la perte de valeur symbolique du 1er mai.
« L’achat du muguet le 1er mai est une tradition liée à la Fête du travail, qui correspond à un syndicalisme d’usine, industriel. Cet achat est très symbolique, très militant », décrypte le spécialiste du monde syndical. Et d’enchaîner : « Or, le syndicalisme change. La CGT, le PCF, ils avaient fait du muguet un symbole. La CGT et le PCF s’affaissent, le muguet aussi. Si la tradition ne se perdait pas, on ne verrait pas une hausse des achats en pot. Le muguet, il s’achète en brin, pas en pot ! »
Chez FranceAgrimer, également, on se dit convaincu que « la tradition se perd ». Et le boom des achats en pot de la petite fleur des chants partisans est, là encore, un élément probant. « Les pots peuvent s’acheter le 2 ou le 3 mai. L’achat d’un brin se fait seulement le 1er mai, sous le coup d’une impulsion ». Les plus de 50 ans, plus attachés à la traditions, achètent d’ailleurs à eux seuls près de la moitié des brins.
Des chiffres à nuancer. La tradition sera-t-elle un jour perdue à jamais ? Il est encore trop tôt pour le dire. D’autant que les chiffres publiés par FranceAgrimer ne tiennent pas compte des ventes à la sauvette, qui n’entrent pas dans les statistiques. « Cette étude repose sur un panel déclaratif d’acheteurs dans le circuit commercial classique (grandes et moyennes surfaces, fleuristes, jardineries, etc.) mais ne couvre pas ce qui est vendu dans la rue par des particuliers ou offert à partir de la cueillette des jardins). Il est donc très difficile d’analyser la baisse globale des ventes », précise-t-on chez l’organisme. En outre, la consommation de muguet dépend du climat et de la qualité des plantes. Et, selon les spécialistes, le muguet de 2015 devrait être un grand cru, bien meilleur qu’en 2014.
>> Petit rappel historique. Le 1er mai 1561, le roi Charles IX reçoit un brin de muguet en guise de porte-bonheur (l’origine du donateur fait débat, mais il s’agit à l’origine d’une tradition des Celtes, qui portaient le muguet en porte-bonheur). Le roi de France en fait alors une tradition officielle : tous les ans à la même date, le roi offrira du muguet aux dames de sa cour. La tradition deviendra populaire à partir du 1er mai 1900 : à cette date, les grands couturiers français organisent une fête dans la capitale, et distribuent du muguet à toutes les dames présentes.
Et en 1907, la tradition populaire s’accompagne d’une tradition ouvrière. Le 1er mai étant aussi, depuis 1889, le jour de la fête du travail. Et le muguet devient le symbole des défilés syndicaux. La CGT, notamment, le brandit en emblème des revendications ouvrières, à la place de l’églantine, qui faisait office de symbole jusqu’en 1907.
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ZOOM – Pourquoi offre-t-on du muguet le 1er mai ?