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Rencontres du 1er mai : « On a l’impression que le gouvernement est toujours en campagne électorale »


Le gouvernement a reçu ce mercredi 1er mai les grandes centrales syndicales, qui avaient présenté une liste de revendications communes. Pouvoir d’achat, fonds de soutien aux licenciés, faux-patentés… Moetai Brotherson a assuré que de nombreuses réflexions étaient lancées au gouvernement et a fait quelques annonces sur des actions imminentes. Pas suffisant pour les syndicats, qui décrivent un exécutif « démuni » face à la situation socio-économique, des réponses floues, et des décisions qui peinent à être prises… Plusieurs organisations se disent prêtes à faire monter la pression.

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Chacun sa cérémonie pour ce 1er mai. Le gouvernement avait bien proposé un programme passant par des poses de gerbes communes entre élus et représentants des salariés, puis un repas avec tous les partenaires sociaux… Mais les syndicats ont, pour la plupart, leurs petites habitudes pour la Fête du Travail. La CSTP-FO est donc allée rendre hommage aux travailleurs disparus au monument aux morts, où A ti’a i mua s’est rendu plus tard, quand Moetai Brotherson, certains de ses ministres et quelques autres syndicalistes se sont rendus sur la stèle de Pouvana, devant l’assemblée. Pas plus de « lentilles – punu pua’atoro » partagé à midi : seuls quelques entrepreneurs ont répondu à l’invitation. Qu’importe : dans cette journée symbolique, c’est la discussion qui compte. Et discussion il y a eu, pendant de longues heures, avec les syndicats ce mercredi matin.

Les cinq grandes centrales du Pays – qui ont été rejoints, à l’invitation du gouvernement, par des syndicats représentatifs du secteur public – avaient adressé depuis plusieurs jours une liste de revendications à l’exécutif. Cherté de la vie, emploi local et salariat déguisé, opposition à la réforme de la CST, gouvernance et financement de la PSG, mise en place d’un fond d’aide pour les salariés licenciés, financement de logements salariés, sauvetage du CHPF, de l’OPH et de l’OPT… Tout un programme, et autant de discussions qui devront être poursuivies hors fête du Travail.

Pouvoir d’achat : demandes « claires », réponses « moins claires »

Sans surprise c’est sur le pouvoir d’achat et la cherté de la vie que les échanges se sont le plus longuement arrêtées. Le gouvernement a tenu a rappeler qu’il n’était pas inactif sur le sujet, citant la suppression de la contribution pour la solidarité – que tous les syndicats ne demandaient pas et dont l’effet sur les prix reste à démontrer -, ou le soutien public au prix du carburant, et donc au tarif de l’électricité… Côté avenir, Moetai Brotherson a de nouveau parlé des réflexions menées sur les PPN – « elles portent moins sur un élargissement de la liste que sur les modalités » -, a annoncé la mise en place de bourses complémentaires pour tous les étudiants polynésiens – un public particulièrement précaire et touché par la hausse du coût de la vie -, d’une aide publique à l’accès aux domaines privés aujourd’hui inexploitables – une « première », qui doit permettre de faire bondir la production locale… Le président a aussi évoqué des facilités règlementaires et financières pour la construction de logements intermédiaires.

Loin d’être suffisant pour les syndicats, d’après qui la lutte contre la cherté de la vie ne passe pas par quatre chemins. Outre l’augmentation générale des salaires – les +2,8% surprise du Smic ce 1er mai sont salués, mais « insuffisantes -, les représentants des salariés attendent toujours que soit actionné le levier fiscal. Or, depuis les journées prospectives de l’économie de février, peu de chose semblent avoir bougé sur ce brûlant dossier. « On voit bien que les réponses étaient difficiles. Nos revendications sont claires, les réponses sont moins claires, regrette Patrick Galenon, de la CSTP-FO. Il faut étudier, il faut réfléchir, il faut se réunir…. Et puis on a un peu l’impression qu’ils sont toujours en campagne électorale : ‘ne vous inquiétez pas’, ‘vous allez voir’… Je n’ai pas eu les réponses que j’attendais ». 

Contrôler les marges, une question de « courage » pour Lucie Tiffenat

Les syndicats ont aussi interpellé l’exécutif sur un autre aspect du même dossier « Vie chère » : les marges, jugées abusives dans un certain nombre de secteurs. Moetai Brotherson dit avoir déjà ouvert la discussion avec les patrons sur davantage d’encadrement, mais elle n’aboutira pas tout de suite. « Je peux pas vous dire que ça y est on va contrôler toutes les marges, il faudrait déjà être en position de pouvoir le faire, augmenter le nombre de contrôleurs, revoir les systèmes d’information… liste le président. Mais ce sont des réflexions sur lesquelles il ne faut pas s’interdire d’aller ». Seule mesure concrète qui pourrait être prise rapidement : le conditionnement des exonérations fiscales accordées aux produits locaux à des marges plafonnées. Pour Lucie Tiffenat, le manque d’action sur ce sujet n’est pas dû au manque de volonté du gouvernement. « Je crois qu’ils sont démunis parce qu’en fait, il y a aussi le patronat, des gros blocs qui détiennent une part importante du PIB, et ceux là ils ne vont pas se laisser faire, ça sera difficile pour le président de faire plier ces gens là, estime la cheffe de file d’Otahi. On leur a suggéré d’aller voir et contrôler les marges. Est ce qu’ils vont avoir le courage de le faire ? Là est toute la question ».

Faux-patentés : plus de contrôle ? Pas forcément pour Moetai Brotherson

Le gouvernement avait, justement, choisi de rencontrer aussi les représentants patronaux pour ce 1er mai. Aucune annonce supplémentaire n’est sortie de l’après-midi de discussions, mais plusieurs sujets ont été communs à ceux de la matinée. Notamment celui de la lutte contre le salariat déguisé et ces faux-patentés. Application de la règlementation, protection des travailleurs, équilibre des comptes sociaux, concurrence déloyale sur certains marchés… Ce problème, qui ne ferait qu’empirer et dont le Cesec s’est autosaisi, a de multiples implications. Et pour beaucoup de représentants, côté patrons comme salariés, l’affaire est simple : l’inspection du travail – et son « unique inspecteur » travaillant sur le sujet – doit être renforcée, pour contrôler davantage et mieux sanctionner. « 20 CDD pendant 6 mois, chaque personne contrôle deux ou trois entreprises dans la journée, ça va vite », résume Patrick Galenon.

Moetai Brotherson, n’est pas de cet avis : « ça n’est pas en augmentant le nombre de contrôleurs que vous allez trouver ces 6000 à 8000 patentés, c’est en ayant une meilleure connexion entre les systèmes d’information de la DICP, de la CPS et d’autres services administratifs, qui n’existent pas aujourd’hui, qu’on va pouvoir avancer ».

Là encore, pas de quoi contenter les syndicats, qui disent ne pas avoir eu les réponses escomptées sur d’autres sujets, comme le fonds d’aide aux licenciés, la crise de l’hôpital public, le soutien à l’OPT ou l’OPH ou même les évolutions de salaires dans le pays. Les grandes centrales vont-elles accentuer la pression par un mouvement, menace déjà brandie depuis plusiuers semaine ? « C’est pas une question de pression, c’est une question d’intelligence : nous avons fait nos revendications. Je ne sais pas si ça se situe en jours, en semaines ou en mois, mais dans quelque temps, si on n’a pas les réponses, qu’est ce que vous voulez qu’on fasse ? », interroge Patrick Galenon. Avant de prévenir : « prendre le pouvoir, c’est une chose, c’est facile. Le conserver c’est plus difficile ».

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