Alors que les manifestations anti-masque, anti-pass ou anti-vax n’avaient que peu attiré à Tahiti, la loi sur l’obligation vaccinale a plus largement rassemblé contre elle. Ce samedi matin, ils étaient environ 2500 devant la présidence et sur l’avenue Pouvanaa. Les organisateurs, reçus par le Haut-commissariat et par des représentants de la plateforme Covid n’ont pas obtenu d’avancées concrètes mais assurent vouloir continuer le combat.
Marée blanche sur l’avenue Pouvanaa A Oopa. Depuis la présidence jusqu’au commissariat central en passant par les abords du Cesec, ce sont environ 2500 personnes – un chiffre sur lequel semblent s’accorder les autorités et les organisateurs – qui ont répondu à l’appel à manifester. Un rassemblement vêtu de blanc, « statique et pacifique », et qui avait fait l’objet d’une déclaration en bonne et due forme auprès du Haussariat, par les membres d’un « collectif citoyen » baptisé Te ora o te fenua. Pendant l’essentiel de la matinée, la DSP et les organisateurs ont bien veillé à ne pas entraver la circulation sur l’avenue. Il a en revanche été beaucoup plus difficile – pour ne pas dire impossible – de faire respecter la distanciation sociale et les regroupements par dix. Dans la foule, plutôt compacte, la plupart des participants portent leur masque. Et, en vaste majorité, ne sont pas vaccinés.
« Liberté de choix » et liberté de doute
Sur les banderoles, et dans les slogans, un mot qui revient : « liberté ». « Notre objectif premier reste le même : obtenir la suppression de cette loi sur l’obligation vaccinale, et regagner notre liberté de choix », répète Brenda Hoffman, une des membres du collectif, formé à l’initiative de Vairea Toomaru. Deux autres revendications étaient sur la table – « l’interdiction de la vaccination Covid pour les mineurs » et « l’accès aux traitements » contre le virus – mais le collectif avait veillé à interdire tous messages « provocateurs, haineux, politiques ou antivax ». Sur ce dernier point, la réussite n’est pas totale : si la plupart des manifestants disent « ne pas s’opposer au vaccin en lui-même », la tribune improvisée sur le rond-point a été l’occasion pour des représentants de groupes plus politisés ou plus radicaux, d’asséner à la foule que le « vaccin tue », ou que « le virus est dans les piqûres ». « On s’attendait à ce type de déclaration, mais on peut dire que scientifiquement, il n’y a pas assez d’éléments qui prouve que des gens décèdent du vaccin », pointe Brenda Hoffman, qui confie elle-même « avoir des réserves » sur les données et les informations avancées par les autorités en matière de vaccination et d’épidémie. C’est le cas de la plupart des personnes présentes. « J’ai lu beaucoup de choses, et comme j’ai une santé fragile j’ai peur de ne pas supporter ce vaccin, explique Tehina, secrétaire dans un établissement de santé. Ce que je subis aujourd’hui au travail, c’est des accusations – ‘si tu vas pas te faire vacciner, tu protèges pas ta famille’ – et la menace de devoir payer une amende, que je ne pourrais pas payer. Aujourd’hui je suis un peu rassurée de voir que je ne suis pas la seule dans ce cas là et que des groupes peuvent m’aider ».
Discussions constructives
Une petite délégation représentative du collectif a été reçu, en milieu de matinée, au Haut-commissariat. Les discussions, qualifiées de « très constructives » ont surtout eu à voir avec les recours contre la loi, lancés par des associations et syndicats devant le tribunal administratif et le conseil d’État. Mais c’est bien du côté du Pays, compétent en matière de Santé, que les manifestants espéraient obtenir des avancées. La délégation n’a pas été reçue par le président Édouard Fritch – une nouvelle qui a engendré des huées et des appels à la démission dans la foule -, mais par des représentants de la plateforme Covid et de la direction de la Santé. Le gouvernement semble avoir choisi de renvoyer les revendications juridiques sur un terrain sanitaire, mais là encore, le dialogue est salué par la délégation. Les représentants des autorités ont rappelé les chiffres qui motivent l’appui à la campagne de vaccination – seulement 3,7% de schémas vaccinaux complets parmi les patients admis en réanimation ces dernières semaines – et répondu à certaines questions techniques des manifestants. « Surtout on a pu faire passer nos doléances, et ils vont les transmettre », explique Brenda Hoffmann qui, peu après le rendez-vous, à midi, appelle les manifestants à se disperser dans le calme. Une minorité n’est pas de cet avis, rompant, en fin de matinée, avec l’ambiance bon enfant qui dominait jusqu’alors. Mais les organisateurs leur assurent que ce rassemblement est « un point de départ plus qu’une fin en soi ». « C’est une première étape que l’on vit avec succès, même si le Pays pour l’instant reste sur sa position, en disant que la vaccination est l’unique solution en terme de protection contre le Covid-19 » résume la porte-parole. Des réunions avec d’autres collectifs présents ce samedi matin sont prévus dans les prochains jours, et des demandes de rencontres avec différents élus et représentants institutionnels vont être émises.