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26 milliards de chantiers : le port autonome pousse les murs pour se moderniser

Jean-Paul Le Caill est directeur du port autonome de Papeete depuis 2018.

Le terminal de croisière est bientôt terminé, le quai au long cours est en pleine rénovation, l’appel d’offres pour le creusement de la passe va bientôt être lancé… Mais le port autonome de Papeete n’en a pas fini avec les grands chantiers. Son directeur, Jean-Paul Le Caill, parle de l’extension de la zone de commerce international, qui va impliquer de déménager certains entrepôts, des administrations qui doivent « libérer les quais », de la construction du quai numéro 6, ou encore de la création d’un pôle de réparation navale à Fare Ute. Moderniser, regrouper, rationaliser l’espace… Des questions vitales pour le port qui veut aussi s’interroger, au plus long terme, sur la présence des pétroliers sur son emprise.   

Au port de Papeete, les grues et bétonnières sont là pour rester. Alors que les dernières touches sont apportées au terminal de croisière – il doit être livré d’ici le mois d’avril – les ouvriers s’activent déjà depuis de longs mois l’autre côté de la rade, sur le chantier du quai au long cours, qui a pris près d’un an de retard par rapport au planning initial. Il faut dire que le port autonome est très vigilant sur ce projet : c’est sur ce quai, vieux d’une soixantaine d’années, que sont déchargés tous les conteneurs qui approvisionnent le fenua. Impossible, donc d’en barrer l’accès. Les cargos, depuis l’année dernière, accostent dans la moitié sud et seront, après la livraison de la première phase de rénovation en juin, redirigés sur l’autre partie du quai. Boyer et ses prestataires feront le trajet inverse. D’ici le début de l’année 2025, la zone de commerce internationale disposera d’un quai neuf, plus profond, 14,5 mètres au lieu de 11. Un quai, surtout, assez solide pour que les grues puissent opérer au plus près des cargos – les quatre derniers mètres leurs sont aujourd’hui interdits par mesure de sécurité – et ainsi atteindre les dernières rangées de conteneurs sans problème.

Couplé à cette rénovation, l’approfondissement de la passe de Papeete devrait faire l’objet d’un appel d’offres international d’ici quelques mois. Un chantier chiffré, comme celui du quai au long cours, entre 4 et 5 milliards de francs (en comptant le confortement de certaines digues) et qui malgré les doutes de Moetai Brotherson qui juge cet élargissement « pas dans l’air du temps », devrait bien commencer courant 2026. L’année suivante, donc, la nouvelle classe de porte-conteneurs de la CMA-CGM, à la capacité doublée par rapport aux cargos actuels, et qui seront plus en phase avec les nouvelles normes environnementales du trafic maritime international, pourront entrer et décharger à Tahiti. Mais ce ne sera pas la fin des travaux pour le port autonome, loin de là. « On est dans une phase de transformation sur dix ans », rappelle le directeur de l’établissement Jean-Paul Le Caill, qui a fait valider, entre 2021 et 2023, un schéma directeur qui liste des grands projets à mener jusqu’à 2032.

Moins de commerçants et moins d’administrations près des quais

Derrière la rangée de grue des acconiers, c’est la zone du terminal de commerce international qui est visée par ce plan décennal. Une zone qui, d’après le directeur, n’est « pas encore saturée », mais, au vu de la croissance de l’activité, risque de l’être « si rien n’est fait », « dans les dix prochaines années ». « À court terme, il y a des projets que l’on peut mener pour optimiser la zone existante, note le responsable, citant la possibilité d’empiler les conteneurs sur un étage supplémentaire, le quatrième, ou de généraliser une gestion informatisée des conteneurs par GPS, comme le projettent déjà deux aconiers. Mais on aura quoiqu’il arrive besoin de place supplémentaire. »

Là encore, le schéma directeur a montré la direction : le terminal doit doubler sa surface en s’étendant vers la zone d’entrepôts attenante, entre le bâtiment des douanes et celui de la flotille administrative. Certains de ces locaux sont loués par le port à des entreprises, d’autres font l’objet de conventions, qui sont « pour la plupart arrivées à échéance ». Tous ceux qui n’ont pas vocation à travailler dans le terminal international devraient être invités à déménager hors de l’emprise du port. « Ce sont des bâtiments qui sont aujourd’hui essentiellement consacrés à faire du stockage, reprend Jean-Paul Le Caill. Je pense que le stockage commercial, il faut qu’il se fasse à l’extérieur. Ça nous permettra d’agrandir la zone de commerce pour que dans les 20 prochaines années, on n’ait pas de problème de stockage ou de travail à l’intérieur. »

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Autre gros projet, encore plus avancé sur le papier : la construction du quai numéro 6, dans la continuité du poste d’amarrage de l’Aranui – bientôt rejoint par un sistership, l’Aranoa. Cette fois, c’est aux armateurs locaux que le chantier – là encore estimé à un peu plus de 4 milliards – doit donner une bouffée d’air : le nouveau quai de 230 mètres de long va accompagner le renouvellement progressif de la flotte et l’arrivée de nouveaux bateaux le Na hiro e pae pour la SNA, mais aussi le Hawaiki Nui II, le Nukuhau II le Mareva Nui II ou le Vaitere 2, puis 1, entre autres. Il ne suffit pas de creuser et construire le quai, « Il faut rendre toutes les esplanades de bord de quai aux armateurs pour la manipulation des marchandises », reprend le directeur du port autonome. Et pour ça il faudra aussi déplacer les services administratifs qui y sont situés. Le Centre des métiers de la mer est déjà en déménagement vers Arue, « des solutions sont identifiées » pour les Affaires maritimes et les douanes. Même la direction du port prévoit de déménager, normalement pour s’installer dans les locaux de l’ex-Sopom, près du Fare Tama Hau de Fare Ute. « Quand on a un espace limité comme celui du port de Papeete, on a n’a pas besoin de mettre des bâtiments administratifs à proximité de la mer et des zones d’activité », insiste Jean-Paul Le Caill.

Entrepôts sur trois étages et pôle de réparation à Fare Ute

Des études doivent aussi être lancées cette année pour moderniser les entrepôts existants sur les quais des goélettes. L’idée serait de les remplacer par des bâtiments sur trois niveaux qui permettraient d’empiler les zones de stockages, les bureaux et les parkings, et ainsi gagner de la surface au sol. Il s’agit aussi de mettre à profit les immenses toits de la zone pour gagner, grâce à des panneaux photovoltaïques, en « autonomie énergétique ». Dans son effort de meilleure gestion de son domaine, l’établissement passe en outre en revue ses locataires et leurs activités pour inviter à partir – ou facturer davantage, lire ci-dessous – les entreprises qui ne proposent pas de services « essentiels » à la vie du port. Moderniser les structures, rationaliser l’espace… Et regrouper les activités. Un projet, moins avancé, consiste à installer en lieu et place des cuves d’hydrocarbures de Fare Ute – déjà en partie démantelées et qui doivent finir de l’être d’ici la fin 2026 -, un « pôle de réparation navale. « Il n’en existe pas à Papeete. On a une petite activité, du côté de Technimarine, il y a une autre petite activité qui est la cale de halage, qui date de 1947 puisqu’elle a été réalisée dans le cadre du Plan Marshall… liste Jean-Paul Le Caill. Mais ce sont des outils qui sont aujourd’hui un peu dépassés. »

Dépassés sur le plan technique – 800 tonnes maximum pour la cale de halage, « c’est pas gros » – mais aussi sur le plan environnemental : « les systèmes de traitement des déchets datent d’une époque où on était pas très sensible à tous les problèmes de pollution », note le directeur. Ce nouveau pôle, donc, pourrait prendre forme une fois que les terrains des dépôts de carburant seront entièrement dépollués et intégrerait la cale de halage, forcément modernisée. « Il y a des propositions qui ont été faites dans le cadre du schéma directeur, mais c’est un sujet complexe et potentiellement très coûteux, précise le dirigeant. Pour l’instant, on se limitera aux études et la création de ce pôle s’inscrira peut-être dans un deuxième schéma directeur qui viendra pour la décennie suivante. »

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Des « réflexions » à venir sur la localisation des stocks d’hydrocarbures

Les projets, visiblement, ne sont pas prêts de se tarir pour l’établissement. Et son directeur encourage à les préparer au « très long terme ». Alors qu’une nouvelle citerne à carburant est en construction sur la digue de Motu Uta, et qu’une nouvelle sphère de gaz géante doit lui emboiter le pas, Jean-Paul Le Caill invite les autorités du Pays à s’interroger, dans le cadre d’un futur schéma d’aménagement, sur la présence des pétroliers sur le domaine du port. Pour gagner en espace, mais aussi en sécurité : « On a tous en tête l’accident qui a eu lieu au Liban et régulièrement, certaines personnes attirent l’attention sur le risque que présentent les dépôts d’hydrocarbures dans l’axe de la piste, rappelle-t-il. Il faudra un jour étudier la possibilité de déplacement de ces activités d’hydrocarbures, en tout cas celles qui n’ont pas besoin d’être sur le port ». « D’ailleurs il y a déjà un industriel qui met des hydrocarbures en dehors du port de Papeete parce qu’il a pas eu la place, reprend-t-il, en référence au nouveau terminal gazier de Mana Ito, filiale du groupe Moux, à Hitiaa. Comme quoi c’est possible. »

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26 milliards de projets et des capacités d’auto-financement qui « permettent de les mener »

Le port autonome a déjà bouclé les financements et contracté les emprunts – courant pour certains sur 50 ans – relatifs au terminal de croisière, à la rénovation du quai au long cours, au creusement de la passe et au quai numéro 6 (4,2 milliards de francs)… Mais ces sommes ne représentent que 40% de l’enveloppe totale, estimée à 26 milliards de francs en 2020, consacrés aux projets du schéma directeur 2022 – 2032. Pour le reste – notamment pour l’extension du terminal de commerce international, la modernisation des entrepôts des goélettes, le déplacement des services administratifs… – la direction assure que l’établissement public a les moyens de « mener à bien ses projets ». « Ce sont des projets sur 10 ans, et la capacité d’autofinancement du port, elle est entre 1,2 et 1,5 milliard par, détaille Jean-Paul Le Caill. Il n’y a pas de gros problèmes pour trouver des financement complètement aire pour mener les autres projets », précise le responsable.

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Une « mise à jour des tarifs » du port en préparation

C’est une demande constante de la chambre territoriale des comptes : optimiser les recettes de l’établissement public, et notamment ses recettes domaniales, qui, comme dans la plupart des ports français, représentent environ 40% des entrées financières. Jean-Paul Le Caill le reconnait : la gestion des locations des espaces et des entrepôts du port a été historiquement négligée. « Depuis 5 ans on a augmenté de recettes domaniales de 20% rien qu’en mettant à plat notre patrimoine, en regardant ce qui existait, qui payait, qui ne payait pas, parfois parce qu’on ne savait même pas que c’était loué, explique le directeur. On a mis de l’ordre dans tout ça. » La deuxième étape va être lancée : la mise à jour des tarifs. « Il faut qu’on ait des tarifs qui correspondent aux activités de chacun », précise le responsable. Parmi les pistes à l’étude, la création de barèmes différenciés entre « ceux qui ont vocation à travailler sur le port » et « ceux qui peuvent y être s’il y a de la place, mais dont l’activité n’est pas essentielle au port ».