À l’occasion de sa mise en vente à la galerie Walk of Arts, l’artiste a eu l’occasion de retrouver Te mau Atua api, une œuvre traitant de l’arrivée du christianisme au fenua, qu’il n’avait pas vu – pas plus que le public, d’ailleurs – depuis 28 ans. Gotz en profite pour nous faire part de ses projets, entre bande-dessinée et art abstrait.
Retrouvailles, il y a quelques jours, à la galerie Walk of Arts de Papeete. Le « concept store » du quartier du commerce met en vente, pour le compte d’un particulier, Te mau Atua api, un grand format mêlant peinture, gravure et collage, signé par Gotz en 1994. L’artiste s’était alors installé au fenua depuis trois ans, et ce grand format avait fait partie de sa toute première exposition polynésienne. Pas de photo, pas de trace : l’œuvre avait rapidement été achetée par un particulier, et l’auteur, pas plus que le public d’ailleurs, n’avait eu l’occasion de la recroiser. Ce fut le cas, il y a quelques jours, puisque Gotz a accepté, à la demande de la galerie, d’offrir à Te mau Atua api une « petite restauration », un « rafraîchissement » pour ne pas laisser ce travail à quelqu’un qui connaitrait moins les techniques qu’il a utilisées.
Une « pièce majeure » pour la galerie
Et pourtant pour le peintre, illustrateur, et plasticien, ni surprise, ni frisson nostalgique lors de ces retrouvailles près de 30 ans après. L’œuvre a pourtant de quoi saisir sur la forme, interpeller sur le fond. Mais le quinquagénaire a une mémoire « assez exceptionnelle » des ses travaux passés et quand il retrouve l’un d’eux après tant d’années, c’est surtout avec un œil de technicien : « Est-ce que la toile a tenu avec le temps ? Est ce que mes techniques sont valables sur la durée ? C’est plutôt ce genre de choses que je regarde », précise le résident de Moorea. Des questions d’autant plus intéressantes en l’occurrence que Te mau Atua api est, comme beaucoup des travaux de Gotz à cette époque, un assemblage complexe, un travail « chargé » : « chargé tant au niveau ‘mana’ qu’au niveau technique, parce qu’il y a beaucoup de matière et d’éléments qui sont fixés dessus », précise-t-il, et qui ont chacun une idée à symboliser.
Lors de ses premières années au fenua, Gotz avait beaucoup travaillé sur les « nouveaux et les anciens dieux », fait des recherches sur les mythes polynésiens ou sur l’arrivée de l’Évangile. C’est là la thématique même de Te mau Atua api, à la fois le témoin d’une période de l’artiste et celle d’une vision de l’histoire du pays, comme le note la galerie qui voit dans cette œuvre une « pièce majeure ». Des missionnaires aux visages de cadran de montre au Christ brisé et plein d’aura qu’ils portent à bout de bras, en passant par le personnage en maro, que le peintre aurait emprunté à un dessin de Bobby, lui-même inspiré par les motifs d’une tombe de pharaon… Tout dans l’œuvre, visible au quartier du commerce, est sujet à observation, à interprétation… et pourquoi pas à discussion.
Art abstrait et super-héros
Des discussions que Gotz laisse à d’autres pour se focaliser sur ses projets futurs. Après la double exposition du mois de décembre, l’artiste veut continuer son chemin vers l’abstraction, entamé voilà une dizaine d’années. « C’est un chemin très long et très difficile, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Mais le succès qu’ont rencontré mes oeuvres et la façon que j’ai découvert de pouvoir travailler, cette forme de liberté que j’ai trouvé dans l’abstraction, m’encourage à continuer dans ce sens-là. »
Moins de tableaux, de plus grands formats, et une exploration qui se poursuit, donc, pour l’artiste de Moorea qui ne compte pas, a priori, exposer une nouvelle fois avant 2024.
À côté de ce travail, Gotz continue de s’investir dans la bande dessinée, notamment au travers de A Power, qui présente les « aventures épiques dans le Pacifique » de super-héros « made in Tahiti ». D’abord pensé comme un pastiche des comics des grands auteurs américains – Jack Kirby en particulier -, la BD a trouvé son propre chemin, en intégrant les personnages de la série Pito Ma dans un conte fantastico-écologique, où les pouvoirs, les vilains et les intrigues évoquent aussi bien Marvel que les légendes traditionnelles du fenua. A Power, qui compte déjà plusieurs histoires, plusieurs héros et même un « prequel » est à découvrir gratuitement en ligne. Gotz se dit même impatient d’avoir davantage de retours de lecteurs sur ce projet, qui visiblement lui tient à cœur.