Le collectif Nuna’a a ti’a a officiellement demandé à Édouard Fritch d’ouvrir des discussions sur une nouvelle « fête du pays ». Comme le Tavini, dont il est très proche, le collectif contre les injustices estime que le 29 juin, jour « de l’annexion du fenua par la France », est une date trop clivante pour rassembler tous les Polynésiens.
Alors que les discours et la musique de la « fête de l’autonomie », commençaient à résonner à Paofai, ils étaient une trentaine à se recueillir silencieusement à Tarahoi, ce lundi après-midi. Autour de la stèle de Pouvana a Oopa les banderoles du collectif Nuna’a a ti’a ia tu ma te hau, créé voilà quelques semaines pour « lutter contre toutes les injustices » et, au passage, soutenir le bras de fer d’Oscar Temaru avec la justice. Un collectif proche, donc, du Tavini, qui en est d’ailleurs adhérent, mais qui accueille aussi en son sein une vingtaine d’associations, culturelles, citoyennes ou environnementales… Certains responsables de ces organismes s’étaient donc joints, hier, au recueillement à Tarahoi et à la marche vers la présidence. Objectif : remettre à Édouard Fritch – ou en l’occurrence à son chef de cabinet, le président étant justement aux célébrations de Paofai – une demande officielle « de changement de date pour la fête du pays ».
Le débat n’est pas neuf : l’organisation d’une « fête de l’autonomie » le 29 juin – elle a été lancée en 1985 par Gaston Flosse – est depuis toujours dénoncée par les indépendantistes, qui y voient même une forme de provocation. « Le 29 juin 1880, c’est l’annexion de la Polynésie par la France, c’est une date de violence, de deuil, de perte de notre souveraineté », appuie Tutea Mollon, porte-parole du collectif et aussi directeur du développement éducatif social et culturel à la mairie de Faa’a. « Cette date n’a aucun sens : aucun statut d’autonomie n’a jamais été voté ou promulgué ce jour-là, elle ne représente rien, complète le député Tavini Moetai Brotherson. Et surtout c’est une date clivante : une partie de la population fête l’autonomie et l’autre est en deuil. Si on veut vraiment une fête du Pays, il faut choisir une date qui puisse faire consensus ».
Le collectif assure pourtant ne pas vouloir raviver les vieilles oppositions. Il s’agit de « discuter sereinement, et avec tout le monde, d’une alternative ». « Et pour ça, on a besoin du président Édouard Fritch, pour créer ces discussions », estime Tutea Mollon.
Le 20 novembre, date de « tous les Polynésiens« ?
Dans le courrier remis à la présidence, Nuna’a a ti’a propose une autre date : le 20 novembre, choisie « par les différentes associations culturelles que nous avons consultées ». Une date qui correspond à l’arrivée de Matarii I Ni’a – l’apparition de la constellation des Pléiades dans le ciel polynésien – et donc de la saison de l’abondance dans le calendrier traditionnel. « Cela correspond aussi à la Journée mondiale de l’enfance, ce qui est aussi un symbole très positif pour tout le monde », insiste le porte-parole, qui se dit « tout à fait ouvert à d’autres propositions ».
La présidence n’a pas encore répondu à la requête, mais Moetai Brotherson espère bien voir ce débat relancé. « Édouard Fritch aime à se présenter comme un président rassembleur, qui discute avec tout le monde, pointe-t-il. Finalement, on lui tend la main pour le faire, à lui de faire ce pas-là ». « Un pas vers la paix, un pas vers le rassemblement, un pas vers l’Histoire », lit-on sur la lettre de Nuna’a A Ti’a.
Pour le Tavini, une journée de deuil, mais aussi de célébration du résultat des municipales
Ce discours sur le 29 juin, a résonné un peu plus fort, quelques heures plus tard, du côté de Faa’a. Comme tous les ans, le Tavini avait réuni ses militants à la stèle pour célébrer la mémoire de « tous ceux qui sont tombés pour combattre la colonisation ». « Le 29 juin restera toujours un journée de deuil dans ce pays », insiste Oscar Temaru. Les indépendantistes se recueillent, donc pour ce 140e anniversaire de « l’annexion de la Polynésie par la force ». Mais n’en oublient pas la politique : la soirée de ce lundi a été l’occasion de célébrer les victoires Tavini à Manihi, Raivavae, et bien sûr à Paea. « Faa’a n’est plus toute seule », s’enthousiasme une militante. S’ajoutent des alliances fructueuses à Arue, où la liste d’union conduite par la Tahoera’a Teura Iriti l’a emporté, et des communes associées remportées à Taha’a ou Huahine. Pour le maire de Faa’a, les résultats « relancent une dynamique au niveau du parti », qui doit maintenant « analyser les résultats », mais surtout « retourner sur le terrain » pour se restructurer. Au premier rang, Tony Géros est particulièrement mis à l’honneur, au lendemain de sa victoire à Paea. Un événement « attendu depuis 24 ans » et qui va permettre, estiment les responsables du Tavini, de « faire bouger les choses » dans toute l’agglomération de Papeete. Le futur successeur de Jacquie Graffe reconnait que ce 29 juin, malgré le deuil, a une saveur toute particulière. Les résultats de ces municipales laissent pourtant un goût amer à certains, du côté de la capitale. En s’alliant avec Tauhiti Nena, le Tavini, dont la candidate Chantal Galenon avait maintenu sa candidature malgré ses maigres chances de victoire, aurait pu conquérir Papeete. « Ce sont des élections locales, avec des décisions qui sont prises localement », plaide Oscar Temaru. Le député Moetai Brotherson parle, lui, de « regrets », sans s’aventurer dans des explications. Il se désole, au passage, de l’attitude et des paroles du tavana Michel Buillard dimanche soir. |