C’est une affaire d’agression sexuelle sur mineure qui a occupé l’audience du tribunal de ce mardi matin. La victime avait cinq ans quand son oncle s’est livré à des attouchements sur elle. Il a été condamné à cinq ans de prison dont un an de sursis, assortis d’un mandat de dépôt.
Marie* est désormais âgée de 35 ans, et si elle se présente à la barre ce mardi, c’est pour « que ce ne soit plus un secret. » Un secret qu’elle a gardé jusqu’en 2016 où, n’en pouvant plus, elle est allée à la gendarmerie pour dénoncer des faits d’agressions sexuelles commis sur elle alors qu’elle n’était âgée que de 5 ans. L’auteur de ces actes, Robert*, le mari de sa demi-sœur, Monique*. Celle-ci l’avait prise sous son aile alors que Marie n’était qu’une toute petite fille, et leur père absent.
En la personne de Robert, Marie avait trouvé un père de substitution. Mais sous l’effet de l’alcool et du paka, celui-ci est passé de figure paternelle à une figure qui hantera Marie jusqu’à ce jour. Celle d’un homme qui a détruit son enfance, sa vie de jeune fille et aussi sa vie de femme.
Cela a commencé un soir alors que Monique s’était absentée. « Je dormais quand il est venu dans la chambre. Il m’a caressée puis il m’a écarté les cuisses violemment et il m’a fait un cunnilingus. J’ai pleuré », racontera-t-elle lors de sa déposition à la gendarmerie. « La deuxième fois, il a recommencé la même chose, mais je me suis débattue et il m’a frappée et a tenté de me pénétrer avec son sexe. J’ai eu très mal. Il n’a pas pu me pénétrer, mais il a éjaculé sur moi et m’a essuyé avec ma culotte. » Une autre fois, il la force à lui faire une fellation, « mais c’était trop gros, il l’a quand même mis dans ma bouche et a éjaculé. J’ai vomi. Et après, il a voulu me mettre son sexe dans les fesses, mais il n’a pas pu. » Durant les actes, elle faisait le vide dans sa tête. « Quand il faisait cela, je pensais à des dessins animés. » Bien évidemment, une fois ses actes commis, Robert, lui disait de ne rien dire à sa sœur, sinon, « elle va te virer de la maison », et la petite Marie, 5 ans, avait peur de se retrouver abandonnée.
Mais un jour, voyant que Monique était en colère après Robert car celui-ci fumait du paka et buvait pas mal, Marie saute sur l’occasion pour vider son sac. « J’ai un secret, mais Robert m’a dit que si je te le dis tu allais te mettre en colère. Il m’a violée. » Monique cherche à en savoir plus, « il t’a pénétrée avec son sexe ? » « Il a essayé mais il n’a pas pu, alors il a mis ses doigts. » Monique lui dit alors de garder cela pour elle et va voir Robert. Celui-ci nie, mais à force d’insister Monique arrive à le faire avouer. Toutefois, elle se gardera d’aller dénoncer les faits : « je n’ai pas voulu le dénoncer car c’est le père de mon fils et aussi parce que j’ai voulu les protéger tous les deux. Depuis que j’ai su ce qu’il avait fait, je ne la laissais plus seule avec lui », dira-t-elle aux gendarmes lors de son audition en 2016.
« C’est comme si le diable avait pris possession de moi »
Robert, alors entendu par les gendarmes, expliquera ses actes par, « c’est comme si le diable avait pris possession de moi », avouant « j’ai toujours voulu me dénoncer, mais ma femme m’en a toujours empêché, et je suis soulagé d’en parler aujourd’hui. » Pour autant, il niera les fellations et les doigtés, expliquant, « Marie ne se rappelle pas tout, elle invente certaines choses. »
Ce mardi à la barre, Robert éprouve des remords : « ce n’est pas bien ce que j’ai fait, c’est mauvais. » « Comment en arrive-t-on à faire cela à une gamine de cinq ans ? » s’interroge et l’interroge le juge. « J’avais perdu la tête ». L’interrogeant sur les faits qu’il a nié, , « vous pensez qu’elle a inventé tout cela ? » « Oui, je n’ai pas fait cela. J’ai dit ce que j’avais fait mais pas ça » « Vous arrivez à dénombrer le nombre de fois où cela s’est déroulé sur un an ? » « Cinq ou six fois », estime Robert tête baissée. Quant au chantage exercé sur la gamine, « je n’ai pas dit ça », affirme-t-il.
« Au final, vous en pensez quoi de tout cela ? » « Ce n’est pas bien et Marie a dû avoir du mal à vivre avec cela. »
« Je veux juste que ce ne soit plus un secret. »
Alors qu’habituellement les victimes d’agressions sexuelles refusent de se présenter à la barre pour témoigner, souvent par honte ou par peur de revivre les faits, ce n’est pas le cas de Marie. À peine le juge lui demande si elle accepterait de témoigner, qu’elle se lève et se dirige d’un pas décidé à la barre. « Vous confirmez les tentatives de pénétration et les fellations ? » « Je maintiens tout ce que j’ai dit. Au début, il était saoul ou il avait fumé du paka, peut-être qu’il ne s’en souvient plus », affirme-t-elle d’une voix franche et claire. Sur le chantage qu’il exerçait sur elle, elle explique : « il disait que si je disais à ma sœur ce qu’il faisait, elle allait me chasser. J’étais petite et j’avais peur. Je voulais qu’elle me garde à la maison et qu’elle continue à m’aimer. »
« Vous attendez quoi de cette audience ? » « Malgré tout je les aime bien. Je ne pardonne pas ce qu’il m’a fait, car depuis j’ai des relations horribles avec les hommes. Mais pour ma sœur, je ne lui en veux pas. Ce que je j’attends de l’audience, c’est que ce ne soit plus un secret. Je ne veux pas d’argent, je veux juste que ce ne soit plus un secret. »
Le juge s’adresse alors à l’accusé. « Vous l’avez entendue? Vous avez entendu ce qu’elle vient de dire ? Vous restez sur votre position ? » « Je n’ai plus rien à ajouter », répond l’homme.
« Ces faits sont suffisamment graves pour détruire la vie d’une petite fille. »
Pour l’avocate des parties civiles, « lorsque Marie a dénoncé les faits, assez longtemps après les avoir subis, c’est que c’était lourd à porter, et c’est toujours lourd pour elle. (…) Ces faits sont suffisamment graves pour détruire la vie d’une petite fille ou d’une femme. Et les conséquences sont dramatiques. Elle n’est pas capable d’avoir de relations stables, elle est dans l’incapacité d’avoir une vie normale, et aujourd’hui, elle va pouvoir ôter toute cette culpabilité qui pèse sur elle. » Elle conclut en s’adressant au juge, « grâce à votre décision, elle va pouvoir se reconstruire. »
« C’est depuis l’âge de sept ans que la victime attend cela. C’est sa quête, elle n’est pas dans la vengeance, mais elle ne veut plus porter seule ce secret ! » attaque la procureure qui poursuit à l’adresse de l’accusé, « les faits que vous avez commis sont sordides…. Son corps a été réduit au rang d’objet sexuel. » Elle réclame cinq ans d’emprisonnement dont deux de sursis avec un mandat de dépôt.
Pour l’avocat de la défense, la tâche se révèle ardue, pas grand-chose à quoi se raccrocher pour plaider la mansuétude du tribunal, si ce n’est l’enfance de l’accusé. « Il a été frappé violemment par son père, lui et sa sœur ont vu leur père pointer un fusil sur la tête de leur mère. Il a même été balancé par une fenêtre par son père du premier étage de leur maison. » Il s’interroge, « peut être que cela a forgé sa personnalité et le fait qu’il a dérapé ? » Il poursuit : « il n’a pas nié les faits, et cela contribue à la reconstruction de Marie, et il a dit plusieurs fois qu’il regrettait. »
Avant d’aller délibérer le juge donne la parole à Robert. « Pardon Marie, pardon pour ce que je t’ai fait. » Il a été condamné à 5 ans de prison dont un de sursis assorti d’un mandat de dépôt. Et son nom figurera au registre national des délinquants sexuels.
À la vue de l’escorte qui arrivait pour emmener Robert, Marie fond en larmes. Elle se dirige vers lui, et lui glisse « je suis désolée. » « C’est normal, je paye pour ce que je t’ai fait », lui répond-t-il avant de partir menottes aux poignets. Quant à Monique dont elle n’avait plus de nouvelles, elles vont renouer leurs liens, d’autant que Marie a adopté un bébé auquel elle a donné le deuxième prénom de sa sœur.
* prénoms d’emprunt