Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, était de passage au fenua avant de se rendre en Nouvelle-Calédonie. Invité de la rédaction de Radio1 ce vendredi, il a évoqué les Jeux olympiques – il est membre du comité organisateur -, mais surtout l’emploi, la cherté de la vie, ou encore la protection sociale. Pour le patron des patrons, la sortie de crise ne peut passer que par le développement de l’activité des entreprises et l’emploi qu’elle génère, tout en respectant le dialogue social.
C’est la première fois que le président du plus important syndicat d’employeurs de France se rend dans les collectivités françaises du Pacifique. Geoffroy Roux de Bézieux, dont le mandat s’achève en juillet prochain, a réparé cet oubli. Également membre du comité organisateur de Paris 2024, sa première visite a été réservée à Teahupoo ; le comité organisateur va se joindre à l’effort de solidarité en faveur des sinistrés. Il souligne également la particularité des épreuves olympiques à la presqu’île : «Ce n’est pas le site qui s’adapte aux Jeux, ce sont les Jeux qui s’adaptent au site. Plus de concertation avec la population, moins d’artificialisation des sols, pas de construction d’hôtel. C’est un projet très original, des Jeux qui se glissent dans le paysage, en quelque sorte, je ne sais pas si tout le monde s’en rend compte. »
La séquence « JO » évacuée, Geoffroy Roux de Bézieux a remis son costume de patron pour rendre visite à plusieurs entreprises locales : celles du port de pêche, l’élevage de crevettes Aquapac à la presqu’île, Tahiti Oil Factory, NSI, Bylie, le supermarché Tamanu, EDT, le CHPF, SOS Oxygène… Il se dit particulièrement impressionné par la filière pêche et son potentiel : pêche labellisée durable, construction locale des thoniers, débouchés locaux et internationaux. Il a pu constater également que l’activité et le développement des entreprises sur Tahiti est inhibée par le problème de circulation, « c’est une réflexion collective que le Pays doit avoir ».
Contre le contrôle des prix et des marges
Sur la cherté de la vie, le président du Medef n’est pas, on s’en doute, un adepte de la régulation des prix ou des marges : « On l’a oublié, dans les années 60 et 70 il y avait un contrôle des prix en métropole, et il y avait une inflation très forte. » En tout état de cause Geoffroy Roux de Bézieux pense que l’inflation, toujours très forte en 2023, amorce une décrue. La bonne réponse aux marges élevées, que certains qualifient d’abusives, c’est la concurrence qui fait baisser les prix, répond le patron des patrons. Quant au « partage de la valeur », sujet sur lequel il a beaucoup travaillé pendant son mandat, il se garde de proposer un copié-collé du mécanisme qu’il a soutenu en France pour les entreprises de moins de 50 salariés, et se satisfait de la « prime pouvoir d’achat » que les entreprises polynésiennes ont la possibilité, mais pas l’obligation, d’accorder à leurs salariés.
« Changer de narratif » pour gommer la mauvaise image de la défiscalisation
Geoffroy Roux de Bézieux a pu constater qu’en Polynésie, on parle beaucoup d’investisseurs étrangers mais beaucoup moins d’investisseurs métropolitains. « Je pense qu’il y a une forme de communication à faire et j’en prendrai ma part, parce que je vais rentrer et pouvoir raconter une autre histoire. »
Geoffroy Roux de Bézieux n’aime pas le mot « défiscalisation », « qui a assez mauvaise presse en métropole », mais il aime bien l’idée, celle d’un mécanisme de compensation des désavantages structurels d’une économie insulaire. « C’est vrai que dans l’imaginaire, notamment de Bercy, c’est pas forcément un bon investissement derrière, et même, ça peut avoir une connotation de ‘combine’ ». Une question de « narratif » à changer pour espérer convaincre le ministre de l’Économie et des finances, « qui n’est pas très chaud » pour la prolonger au-delà de 2025.
La TVA sociale en Polynésie : « deux erreurs »
Pour le patron du Medef, « l’idée de faire porter une partie de la protection sociale par la TVA n’est pas un projet absurde. » Mais le gouvernement sortant a fait selon lui deux erreurs : erreur de calendrier – « il ne faut pas le faire quand l’inflation explose » – et erreur de mécanisme, sans récupération possible.
Les équilibres sociaux doivent malgré tout s’appuyer sur l’activité, et pour Geoffroy Roux de Bézieux, « le problème de la Polynésie aujourd’hui, c’est qu’il n’y a que 53% de la population potentiellement active, entre 18 et 62 ans, qui travaille. Dix points de plus, ce sont des recettes de cotisations, ça remet tous les régimes à l’équilibre. » Pas forcément impossible, dit-il en évoquant les 1,7 million d’emplois créés en métropole depuis le Covid. Dans ces conditions, il lui parait peu judicieux de créer une caisse de chômage, soulignant que la France s’apprête à resserrer les boulons de l’assurance chômage, « parce que petit à petit on a créé un système où les gens sont incités à ne pas travailler. »
Parmi les possibilités de développement, Geoffroy Roux de Bézieux évoque les opportunités offertes par le haut-débit et le décalage horaire. Pas pour des centres d’appel, qui de toute façon s’implantent dans des pays où le coût du travail est moindre, mais pour des métiers qui demandent non seulement une veille constante mais aussi des compétences plus techniques, comme la cybersécurité.
Geoffroy Roux de Bézieux a rencontré vendredi matin Édouard Fritch, avec qui « on a beaucoup parlé de logement, parce qu’il y a une réflexion en ce moment autour de Action Logement pour loger les salariés », dit-il. (Action Logement est un mécanisme financé par les entreprises en fonction de leur masse salariale et par l’État, ndr). Une rencontre avec Moetai Brotherson était prévue ce vendredi après-midi.