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90 ans après, le mystère de l’abeille masquée des Tuamotu enfin résolu

Une équipe de chercheurs australiens, hawaiiens et fidjiens a annoncé avoir découvert huit nouvelles espèces d’abeilles Hylaeus, à Fidji, en Micronésie et à Tahiti. De quoi résoudre l’énigme de Hylaeus tuamotuensis, identifiée dès 1934 aux Tuamotu, et qui était jusque là seule représentante du genre dans un rayon de plus de 3 000 kilomètres. L’identification de ses cousines, vivant sur la canopée des forêts, d’où leur discrétion, prouve que l’insecte a pu voguer d’île en île au gré des cyclones et des coups de vent.

C’est un puzzle vieux de 90 ans qui a enfin été complété, en assemblant des pièces des Tuamotu, de Fidji, de Hawaii, de Tahiti ou d’Australie. Et c’est le site web de Frontiers, une plateforme qui regroupe plusieurs dizaines de revues scientifiques « ouvertes », qui s’en est fait l’écho lundi. En 1934, comme le rappelle la revue, l’entomologiste américain Elwood Zimmerman, alors encore étudiant de Berkeley, participe à une mission à Mangareva et aux Tuamotu. Il en rapporte plusieurs dizaines de spécimens d’insectes, dont trois petites abeilles, trouvées sur des fleurs de tahetahe, petits arbustes de la famille des euphorbes.

Les trois abeilles, de 4 mm chacune, sont longtemps restées dans les réserves du Museum d’histoire naturelle de Honolulu. Elles n’en ressortiront que 30 ans plus tard, en 1965, quand un spécialiste reconnu des abeilles, le professeur Charles Michener, analyse et nomme l’espèce. Ce sera Hylaeus tuamotuensis, dit aussi abeille masquée des Tuamotu. Si vous n’en avez jamais entendu parler, c’est normal : les inventaires suivants menés dans l’archipel n’ayant pas identifié l’espèce, elle était jusqu’à récemment considérée comme éteinte.

En haut des arbres plutôt que sur les fleurs au sol

L’article publié voilà deux jours dans la revue « Frontiers in Ecology and Evolution » vient enfin donner des nouvelles de la petite abeille, et proposer une hypothèse sur son parcours vers les îles polynésiennes, jusque là énigmatique. Car les seules cousines connues de Hylaeus tuamotuensis vivent en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Papouasie… Toutes à plusieurs milliers de kilomètres des Tuamotu, alors que les Hylaeus et leurs quelques millimètres volent dans un rayon très limité. Ce tableau de famille vient d’être complété par les auteurs de cette étude, chercheurs dans des universités australiennes, hawaiennes et fidjiennes, qui ont mené des missions dans plusieurs îles du Pacifique à la recherche des chaînons manquants.

Ces îles, beaucoup d’entomologistes y avaient fait des recherches par le passé sans identifier de Hylaeus. Mais les auteurs de l’étude ont eu l’idée de chercher ailleurs : plutôt que d’observer les insectes sur les  fleurs au niveau du sol, ils ont tendu de grands filets sur la canopée des forêts. L’intuition était bonne : huit nouvelles espèces d’abeilles, observées ou prélevées en 2014 et 2019, sont décrites dans l’étude, et l’analyse de leur ADN prouve un lien de parenté avec la mystérieuse masquée des Tuamotu.

« En radeau » jusqu’aux Tuamotu

Hylaeus au « visage droit » ou à « visage découvert » (« straight-faced » et « open-faced »), aux petits points jaunes ou aux points blancs… Six de ces espèces ont été découvertes dans les îles fidjiennes, une autre à Chuuk, en Micronésie… Et une dernière, l’Hylaeus « golden-green », sur le Mont Marau, à Tahiti. Leur existence résout « l’anomalie » des Tuamotu : cette famille de petites abeilles a bien, comme tant d’autres espèces, sauté d’île en île. Comment ? « Les masquées nichent dans les arbres, il est probable qu’elles se soient déplacées ‘en radeau’ sur des morceaux de bois entre les îles, surtout lorsque les cyclones tropicaux emportent des masses de végétaux le long des rivières et vers la mer, explique James Dorey, un des responsables de l’étude, attaché à l’université de Wollongong près de Sydney. Il est également possible qu’elles aient été emportées par des vents violents, mais cela aurait été un voyage beaucoup plus périlleux pour nos petites abeilles. »

Et les scientifiques n’en ont pas fini avec cette famille, puisque les habitudes de certaines de ces nouvelles cousines, qui semblent préférer les fleurs rouges, contrairement à la plupart des abeilles, méritent d’être étudiées pour mieux les conserver. Surtout, l’équipe sait maintenant où chercher pour de nouvelles espèces de Hylaeus : des missions de prélèvement pourraient être menées sur la canopée de Tonga, Samoa, des Cook ou de Wallis-et-Futuna.

 

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