ÉCONOMIEINTERNATIONAL Pour faire des économies, l’Etat a gaspillé 346 millions Europe1 2015-02-11 11 Fév 2015 Europe1 © PEDRO ARMESTRE/AFP FIASCO – La Cour des comptes dresse un bilan au vitriol de la tentative avortée d’instaurer un logiciel de paie unique des fonctionnaires, baptisé programme ONP. « Échec patent d’une particulière gravité « , « ressources dépensées en pure perte », « ampleur des dysfonctionnements administratifs », etc. : dans son rapport annuel, la Cour des Comptes n’a pas de mots assez durs pour dénoncer le fiasco que fut le projet de refonte du circuit de paie des agents de l’État. Ce qui devait permettre une simplification a viré au casse-tête à cause d’une « accumulation des insuffisances, individuelles et collectives ». Un « contre-exemple calamiteux d’investissement » qui a tout de même coûté 346 millions d’euros. >> LIRE AUSSI – L’État renonce à son logiciel de paye unique © PASCAL PAVANI/AFP Le programme ONP, l’espoir d’une simplification. La rémunération des fonctionnaires est un véritable casse-tête, et pour cause : chaque ministère, chaque corps d’Etat a ses spécificités, ses règles de rémunérations propres, sa mutuelle, etc. Résultat : chaque corps d’Etat a son propre service de ressources humaines chargé de s’occuper de la rémunération des 2,7 millions d’agents publics. Une dispersion des moyens coûteuse et qui compliquait la lisibilité, d’autant que les différents logiciels de paie utilisés par l’Etat dataient des années 1970. L’Etat a donc décidé en 2007 de lancer le programme ONP, pour « Opérateur national de paie ». L’objectif est simple : centraliser et automatiser la gestion de la paie de tous les fonctionnaires grâce à un outil informatique unique, qui serait relié à chaque corps d’Etat. Dans le détail, un nouveau calculateur, le SIPaye, devait être directement alimenté par les systèmes d’information pour les ressources humaines (SIRH) de chaque corps d’Etat. © LEON NEAL/AFP Un fiasco total. Sur le papier, cette réforme semble évidente et doit permettre de libérer 3.800 postes. Sauf que l’opération simplification va rapidement virer au cauchemar : problèmes techniques, complexité immense des règles de rémunérations, défauts de conception, etc. Sans oublier que les ministères censés inaugurer ce nouveau système ont rapidement jeté l’éponge. Le gouvernement décide donc en mars 2014 d’abandonner ce projet et de conserver le système actuel. « Un échec coûteux » qui aurait tout de même coûté environ 346 millions d’euros et laisse « des incertitudes persistantes sur le devenir de la chaîne de paie ». En clair, l’Etat a dépensé de l’argent en pure perte et risque de connaitre de nouveaux problèmes puisque son outil actuel est vieillissant. Pourtant, l’Etat aurait pu tirer des leçons du projet Louvois, qui était censé réformer le système de paie des militaires : lancé en 1996, il a accumulé les bugs, n’a jamais fonctionné correctement et fut abandonné en novembre 2013. >> LIRE AUSSI – L’armée abandonne le logiciel Louvois de paie des soldats © Michael Bocchieri/GETTY IMAGES NORTH AMERICAAFP Les raisons d’un échec. Elles sont nombreuses. A commencer par « des objectifs trop nombreux » : au lieu de progresser par palier, cette réforme a voulu tout changer d’un coup et a généré plus de problèmes qu’elle n’en a résolus. D’autant que chaque corps d’Etat a sa propre culture, ses habitudes, qu’il était difficile de prendre en compte dans le futur logiciel ou de faire évoluer. Pour ne rien arranger, la Cour des comptes pointe « une gouvernance défaillante ». Les responsables du projet étaient trop nombreux et éparpillés, avec des objectifs très différents, et leur coordination insuffisante. Et pour enfoncer le clou, le contrôle des travaux est jugé « insuffisant », une lacune d’autant plus inquiétante que l’opérateur chargé de concevoir ce méga-logiciel n’était visiblement pas au point. Et ce n’est pas fini puisque le projet ONP a également rencontré des problèmes de ressources humaines : « la direction de l’opérateur a été fragilisée par une vacance de 25 mois du poste de secrétaire général, par l’instabilité de la fonction de chef du département informatique – quatre changements de responsable en cinq ans –, et par l’absence, jusqu’à fin 2012, d’un cadre ayant une expérience réussie d’un projet comparable », pointe la Cour des comptes. Ajoutez-y un manque d’autorité du comité stratégique chargé de suivre ce projet, des corps d’Etat peu impliqués et un suivi insuffisant des coûts et vous comprendrez pourquoi la Cour des Comptes parle d’un fiasco : l’argent dépensé n’a pas servi à grand-chose et l’Etat doit toujours moderniser son système de paie, qu’il soit centralisé ou non. >> Retrouvez les autres compte-rendus du rapport annuel de la Cour des comptes : • Les transports en commun, une bombe financière à retardement ? • MuCEM de Marseille : une réussite à l’avenir incertain • Baisse du déficit à 4,1% : « incertaine », prévient la Cour des comptes Source: Europe 1 Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)