INTERNATIONAL Rousseff aux sénateurs brésiliens : "Votez contre ma destitution" AFP 2016-08-29 29 Août 2016 AFP Brasilia (AFP) – La présidente du Brésil Dilma Rousseff a lancé lundi un dernier appel aux sénateurs pour qu’ils empêchent un « coup d’Etat » en votant contre sa destitution, qui pourrait survenir dès mardi et mettre fin à 13 ans de règne de la gauche dans le géant d’Amérique latine. « Je viens pour vous regarder dans les yeux, messieurs les sénateurs, et dire que (…) je n’ai pas commis les crimes pour lesquels je suis injustement et arbitrairement accusée », a déclaré sur un ton combatif la dirigeante de gauche, suspendue de ses fonctions depuis le 12 mai. La voix calme mais déterminée pour son discours de 45 minutes, Mme Rousseff, accusée notamment de maquillage des comptes publics, a fustigé « un coup d’Etat pour élire indirectement un gouvernement usurpateur » au mépris des 54 millions de Brésiliens qui l’ont réélue en 2014. « Votez contre la destitution, votez pour la démocratie », a-t-elle martelé. « Ce qui est en jeu, c’est l’avenir du Brésil ». La voix brisée à deux reprises par une émotion manifestement sincère, Dilma Rousseff a rappelé son combat contre la dictature : « J’avais peur de la mort, des séquelles de la torture dans mon corps et mon âme (…) mais je n’ai pas cédé. J’ai résisté ». « Aujourd’hui, je ne crains que la mort de la démocratie ». Sa probable éviction mettrait fin à quatre gouvernements consécutifs de la gauche au Brésil. « Ce qui est en jeu, ce sont les conquêtes des 13 dernières années en faveur de la population, des plus pauvres et de la classe moyenne », a affirmé Mme Rousseff. – Conquêtes sociales en danger ? – Elle était arrivée souriante au Sénat, accueillie par plusieurs centaines de ses partisans scandant « Dilma, guerrière de la patrie brésilienne! » avec des pancartes de son Parti des travailleurs (PT). « Je suis venu pour défendre nos droits, les droits que les putschistes veulent nous arracher. Tout ça, c’est une farce, un complot de la droite », a témoigné Luis Saraiva, employé d’un commerce de 43 ans. L’ex-guérillera de 68 ans, emprisonnée et torturée sous la dictature militaire (1964-1985), est venue à ce rendez-vous historique « décidée, préparée pour la bataille », a assuré aux journalistes le député de gauche Silvio Costa. A ses côtés, son mentor politique, l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), le chanteur-compositeur engagé à gauche Chico Buarque et une douzaine d’anciens ministres. Mais tous les pronostics lui sont défavorables : selon les décomptes des médias brésiliens, plus des deux tiers – le minimum requis – des 81 sénateurs voteront pour l’impeachment. La première femme élue à la tête du Brésil en 2010 dénonce un complot ourdi par son ancien vice-président devenu rival, Michel Temer (PMDB, centre droit), 75 ans, qui assure l’intérim depuis sa suspension. Si elle est destituée, il présiderait le pays jusqu’aux prochaines élections présidentielle et législatives fin 2018, malgré son casier – une condamnation pour dons excessifs à des campagnes électorales – qui l’a rendu inéligible pour huit ans. – ‘Un Brésil irréel’ – Après son discours, elle a commencé à répondre aux questions des sénateurs, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête. Les pro-destitution l’ont accusée d’avoir minimisé l’ampleur de la crise frappant la première économie d’Amérique latine. « Vous avez dépensé ce que vous aviez et vous avez demandé aux banques publiques de dépenser ce que n’aviez pas (…). Vous avez vendu un Brésil irréel, les chiffres irréels ont conduit à la perte de confiance des Brésiliens et nous affrontons la plus grave crise financière de l’histoire du pays », a critiqué la sénatrice Simone Tebet (PMDB). « Le vote (des électeurs) n’est pas un sauf-conduit, un chèque en blanc qui autorise un dirigeant à agir au-delà des limites de la loi » de finances, a renchéri le sénateur Ricardo Ferraço (PSDB, droite). En 1992, l’ex-président Fernando Collor avait démissionné la veille du vote au Sénat devant le destituer. Dilma Rousseff a elle choisi de faire face, un courage salué même par ses opposants. « Sa présence est importante parce qu’elle gratifie ceux qui la soutiennent (…), mais aussi parce qu’elle démontre que ce procès est totalement démocratique », a dit à l’AFP le sénateur Raimundo Lira (PMDB). Mais « malgré son discours intéressant et bien élaboré, elle n’a pas la force de modifier la conviction des sénateurs et j’estime qu’elle sera destituée par au moins 59 votes ». Dilma Rousseff a été acculée après sa réélection par une triple tempête mêlant récession historique, crise politique et scandale de corruption au sein du géant Petrobras, éclaboussant la majeure partie de l’élite. Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer attend sa destitution pour s’envoler mardi ou mercredi en Chine pour un sommet du G20. Il tentera d’y redorer le blason du géant émergent latino-américain. © AFP EVARISTO SALa présidente du Brésil Dilma Rousseff, le 29 août 2016 à Brasilia Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)