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La violence comme seule expression

Ce jeudi, le tribunal avait à juger un homme pour deux affaires. L’une portant sur des violences avec menace d’une arme envers des gendarmes, l’autre sur des violences envers sa concubine. Il a été condamné à quatre ans de prison dont un an de sursis.

Si l’on était dans une quelconque bourgade des USA, Hiro*, 27 ans, ne serait pas présent à la barre pour son procès, mais à la morgue. Sa compagne enceinte de deux mois serait veuve et le bébé à venir, privé de son père. Heureusement pour lui, on est à Tahiti, un pays où les forces de l’ordre réfléchissent avant de défourailler.

Le 8 septembre à Faa’a des gendarmes sont appelés par les mutoi de la commune. Un homme jette des bouteilles et des cailloux sur la voie publique et il est armé. La crosse de son arme dépasse de son pantalon.

Les gendarmes se rendent sur les lieux et aperçoivent l’individu retranché dans une maison abandonnée. De là, à la vue des gendarmes, il les insulte. Il sort, et dans un premier temps se saisit de la crosse de son pistolet, mais ne le sort pas. Les gendarmes font les sommations d’usage qui n’ont pas d’effet sur lui.

Au bout de quelques instants, il sort son arme et la pointe sur eux. Le temps s’arrête. Les forces de l’ordre réitèrent les sommations et au bout d’un instant qui semble une éternité, il obtempère. Il se jette au sol à plat ventre et jette son arme au loin. Une arme factice qui tire des plombs. Hiro est maîtrisé.

En garde à vue, il déclare que le matin des faits il s’est énervé à cause de personnes qui, sur le parking du Croissant d’Or, le regardaient et le narguaient. Il s’est alors emparé de bouteilles en verre et de chez lui, du 1er étage, il les a lancées sur eux.

C’est là que les mutoi sont intervenus, mais dès qu’ils ont vu l’arme, ils ont appelé les gendarmes. Une arme qu’il brandissait « pour leur faire peur. Je voulais qu’ils croient que j’avais une vraie arme. Je l’utilise pour dissuader les gens de venir m’emmerder. »

« Quand je les ai vu sortir leurs fusils, j’ai vu qu’ils ne jouaient pas la comédie. »

Á la barre, Hiro, mâchoire carrée, carrure imposante, et muscles saillants, s’explique. « J’ai menacé les gendarmes et ils m’ont dit de me mettre au sol. J’ai sorti mon arme en la pointant vers eux pour leur dire que c’était du plastique. Mais ils ne m’ont pas cru. C’est quand je les ai vu sortir leurs fusils que j’ai vu qu’ils ne jouaient pas la comédie. Je les ai menacés pour qu’ils me laissent tranquille. »

« Pourquoi vous avez réagi comme cela, questionne le juge Léger, cela aurait pu mal tourner. Les gendarmes étaient en état de légitime défense. Vous aviez consommé quelque chose ? » « Rien ».

« Rien ». C’est bien là tout le problème de Hiro. Il démarre au quart de tour, s’emporte pour un oui ou pour un non, surtout pour un non, et il pète les plombs. Son cerveau se met en berne et ce sont ses poings qui lui dictent sa conduite. Ce qui nous amène à la deuxième affaire pour laquelle il comparait aussi ce jeudi.

Violent envers sa concubine

Alors sous contrôle judiciaire pour l’histoire qui s’est passé à Faa’a, le 4 décembre à Hitiaa O Te Ra, Hiro remet çà. Les gendarmes recoivent un appel qui leur signale qu’une personne sur la route vocifère et a brisé un luminaire qui se trouvait sur le mur d’enceinte du temple protestant, ainsi que le portillon d’entrée. Mais son accès de violence ne s’arrête pas là. Alors que sa concubine, enceinte de deux mois, l’accompagnait, il la met à terre et la tire par les cheveux pour la forcer à monter dans le bus.

Si à la barre, elle se montre peu prolixe car mal à l’aise et angoissée, lors de son audition à la gendarmerie, elle vide son sac. Ensemble depuis trois ans, elle explique que quelque mois après le début de leur relation, Hiro a changé. Il est devenu violent, s’engueule tout le temps avec les voisins, casse tout et la bat tous les jours. « J’ai peur, il crie pour rien. Je l’aime, mais cela ne plus continuer comme cela.» 

« Je veux juste que la violence s’arrête.»

En entendant les propos de sa concubine, lus par le juge, Hiro debout dans le box des accusés, dans une tenue bariolée qui tranche avec l’austérité de la robe de son avocate, verse quelques larmes. « Qu’est ce que vous attendez de cette audience ? » demande le juge Léger à la jeune femme. Pas de réponse. « Vous voulez reprendre la vie commune avec lui ou vous éloignez de lui ? » « Je veux qu’il se fasse soigner. Je ne veux pas me séparer de lui, je veux juste que la violence s’arrête. »

Un casier judiciaire émaillé de violences

Á son casier dont la virginité s’arrête en 2014, sept condamnations. Vols, stup et surtout violences. Des violences pour lesquelles il a passé un an en prison. « C’était pour quoi ? », l’interroge le magistrat, « C’était un anniversaire, ils n’ont pas voulu de moi, alors j’ai foutu la merde.»

Son expertise psy révélera rien de particulier, sinon qu’il a été élevé par ses grands-parents qui ne le maltraitaient pas, mais « me tapaient pour de bonnes raisons. » Pas de psychose particulière, juste hyperactif. Il peut être dangereux, mais est conscient de son comportement. Toutefois, il semble addict au cannabis qu’il consomme depuis l’âge de 12 ans.

« Vous pensez avoir un problème avec la violence ? » « Avant oui. Mais depuis que je suis en prison, j’ai compris que cela ne mène à rien. Ca va mieux, je commence à m’apaiser. » Petit détail, il a la main droite bandée car énervé, il a préféré taper dans un mur plutôt que sur son codétenu.

Pour la partie civile, Hiro est « dangereux, il me fait penser à un liquide inflammable auquel il ne faut pas approcher une flamme. Il a préféré taper sur un mur que sur son codétenu. Il faut qu’il se soigne. (….) Il ne faut pas toucher aux gendarmes. Á Los Angeles, vous seriez mort. » Hiro acquiesce.

Deux ans de prison dont un de sursis requis

Pour le procureur Danielsson, évoquant la première affaire pour laquelle Hiro est devant le tribunal, « Le contexte polynésien a évolué dans le mauvais sens. Désormais dans les affaires on trouve pas mal d’armes et les gendarmes sont au courant que les risques ont grandement évolués. Vous avez d’une part le prévenu qui sait qu’il brandit une arme factice et des gendarmes qui prennent la situation au sérieux. L’infraction est caractérisée. Á la distance d’où ils étaient, ils ne pouvaient pas se rendre compte que c’était une arme en plastique. Je vous demande de le déclarer coupable. »

Sur la deuxième affaire, « Sa personnalité est inquiétante. Il est dangereux pour les autres. Ce garçon a besoin de soins et il le sait. Un psychologue peut l’aider. » Deux ans de prison avec un an de sursis avec obligation de soins sont requis à son encontre.

Pour la défense, Hiro est « sur le fil du rasoir, mais il ne faut pas le faire tomber dans la fosse. Il n’a pas de travail et une énergie qu’il a besoin de dépenser. Á 27 ans, c’est encore un adolescent, car on ne joue pas aux gendarmes et aux voleurs à son âge. » Sollicitant la clémence du tribunal, elle ajoute que concernant les violences faites à sa concubine, « Il regrette, il demande à avoir des soins. »

Quatre ans de prison dont un an de sursis

Une clémence que ne lui accordera pas le tribunal en allant au-delà du réquisitoire du procureur. « Le tribunal considère que les atteintes sur les gendarmes sont d’une particulière gravité. En fonction des deux procédures à votre encontre, le tribunal vous déclare coupable et vous condamne à quatre ans de prison dont un an de sursis avec obligation de soins et de suivre une formation. Vous êtes maintenu en détention.» Il sera aussi dans l’obligation de verser 223 000 Fcfp au titre de préjudice moral aux gendarmes.

 

*Nom d’emprunt

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