ACTUS LOCALESJUSTICE Ils appellent les gendarmes qui découvrent de l’ice à leur domicile Pascal Bastianaggi 2020-01-03 03 Jan 2020 Pascal Bastianaggi ©Pascal Bastianaggi Un couple comparaissait jeudi au tribunal pour usage, transport, offre et cession de stupéfiants. En l’occurrence de l’ice. La femme, tête pensante du couple, a été condamnée à 4 ans de prison dont un avec sursis ; son compagnon a écopé de 2 ans dont six mois de sursis. Ils ont tous deux été maintenus en détention. Le 1er janvier les gendarmes étaient appelés pour une agression qui s’était déroulée au domicile d’un jeune couple. Arrivés sur les lieux, les gendarmes prennent la déposition de la jeune femme, Milaine T., qui leur explique que deux hommes se sont présentés chez eux casqués et les auraient molestés avant de prendre la fuite. Alors qu’elle était auditionnée, un des gendarmes remarque un « bong » sur le comptoir de la cuisine. S’ensuit alors une perquisition qui mettra à jour 10 grammes d’ice conditionnés dans des sachets ainsi qu’un bon nombre de sachets vides prêts à l’emploi, une boite d’ice cream remplie de paka, une balance de précision, cinq smartphones et 370 000 Fcfp en liquide planqués sous un matelas. Une prévenue arrogante Dans le box des accusés, Taumata C. 28 ans, le concubin est plutôt du genre effacé, Milaine T. 30 ans, plutôt le genre « grande g…. ». Visiblement dans le couple, c’est « elle qui porte la culotte » selon l’expression consacrée. Froide, arrogante, sourire aux lèvres, faire profil bas ce n’est pas dans sa nature. Même le procureur Danielsson, pourtant maître dans l’art de faire trembler et baisser les yeux des prévenus, n’a pas franchement réussi à la faire plier. Fanfaronnade ou tout simplement jeune femme qui en a vu d’autres après la mort du père de ses trois enfants et une tentative de suicide avortée. Difficile de se faire une idée. Décontractée, elle explique qu’elle est sans profession et qu’elle consomme environ 0.50 gramme d’ice par semaine et que cela fait seulement six mois qu’elle s’est lancée dans le trafic. Pour se fournir, rien de plus simple, elle contacte par téléphone un certain « Pablo » à qui elle passe commande d’un paquet de litchis. Un paquet d’un gramme à 100 000 Fcfp. Ses clients, à part quelques réguliers qui viennent à domicile, c’est à la sortie des boites de nuit qu’elle les trouve. Elle reconnait qu’entre le mois de novembre et décembre, elle aurait fait 1 500 000 Fcfp de bénéfices avec lesquels elle a payé le loyer et acheté un scooter neuf à 800 000 Fcfp, ainsi que des bijoux et des parfums haut de gamme. Des doses de 0.10 gramme vendues 10 000 Fcfp Plus inquiétant, ce sont les prix qu’elle pratique. Á la barre elle a déclaré vendre la dose de 0.10 gramme d’ice à 10 000 Fcfp, soit la moitié du prix habituellement pratiqué. Est-ce du « dumping » pour tuer la concurrence, ou bien l’ice circule-t-elle à profusion en cette période de fêtes, d’où une baisse des prix conséquente et inquiétante ? « Vous pensez quoi du trafic d’ice ? » la questionne le juge Bonifassi. Elle lève les yeux au ciel, frondeuse, mains dans les poches et moue dédaigneuse. « Ben aujourd’hui je me rends compte que ca me fait me retrouver là. » « Qu’est ce que tu ressens quand tu prends de l’ice ? » intervient le procureur Danielsson. « Ca me fait du bien, ca me fait maigrir et je fais du business », assume t-elle froidement, une lueur de défi dans le regard. « Triste Polynésie » De quoi faire réagir le procureur qui démarre au quart de tour et fait trembler les murs du tribunal de sa voix de stentor. « Triste Polynésie, celle qui rentre dans ce fléau qu’est l’ice. » Désignant la prévenue, « Voici la nouvelle Polynésie, celle des menteurs, de l’arrogance, des fa’a’oru, je pleure de voir cela et je me fâche de voir cela. » Voyant que sa diatribe n’a que peu d’effet sur elle – « Je peux dire ce que je veux, tu t’en fous royalement » – il se tourne alors vers la famille de Milaine présente dans la salle. « Cela arrange la famille, ce trafic. Elle en profite et personne ne lui dit d’arrêter. Triste Polynésie. » Et de conclure, « La Polynésie dans laquelle j’ai vécu est en train de disparaître. » Les membres de la famille baissent la tête de concert, tandis que Milaine toise le procureur d’un regard noir. Évoquant le cas de son concubin, il admet que celui-ci « travaille et qu’on peut, peut-être, le récupérer. » Employé comme manœuvre, il gagne le smig, et reconnaît consommer et vendre de l’ice « un petit peu de temps en temps » et que c’est sa concubine qui lui fournit la marchandise. Contre Milaine T. le procureur requiert quatre années de prison dont un an de sursis, son maintien en détention et pour Taumata C., deux ans de prison dont six mois avec sursis, maintien en détention, et saisie de leurs biens. Tous les deux auront un sursis mise à l’épreuve de deux ans dès leur sortie de prison. Un réquisitoire que le tribunal a suivi à la lettre. 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