ACTUS LOCALESJUSTICE Une audience matinale aux senteurs de paka Pascal Bastianaggi 2020-05-19 19 Mai 2020 Pascal Bastianaggi ©PB Quatre hommes comparaissaient ce mardi au tribunal de Papeete dans deux affaires différentes mais liées, pour offre ou cession de cannabis. Si trois d’entre eux ont été condamnés à 12 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, l’autre a écopé de 12 mois avec sursis. Heimata, 37 ans, Ferdinand, 53 ans et Gilbert, 31 ans ont la main verte. C’est d’ailleurs à cause de cela qu’ils comparaissaient ce mardi au tribunal de Papeete. Ils mettaient leur don à profit non pas pour faire pousser des salades, mais du paka. C’est un certain Johann qui, arrêté pour possession de cannabis, a balancé les trois jardiniers comme étant ses fournisseurs. Des fournisseurs qui avait un bon petit business puisqu’ils arrivaient à tirer de leur culture un chiffre d’affaire plutôt intéressant. Ferdinand a gagné sur trois ans d’activité près de 36 millions, somme grâce à laquelle il paie de temps à autre son cousin Gilbert, doué pour le bouturage. Quant à Heimata, il a engrangé en l’espace de 6 mois environ 600 000 Fcfp. Des graines gardées en souvenir d’un ami disparu Gilbert et Ferdinand allaient acheter chez Heimata des jeunes pousses pour des sommes variant entre 5 000 et 10 000 Fcfp le pot. Des plants que Heimana, grand sentimental, a obtenu en faisant germer des graines qu’il avait conservées comme « souvenir d’un ami disparu.» De leur côté, Gilbert et Ferdinand prodiguaient moult soins à ces jeunes pousses, devenant de véritables spécialistes capables de reconnaître les différentes variétés d’herbe d’un simple coup d’œil. Des docteurs ès botanique qui revendaient les plants arrivés à maturité entre 15 et 20 000 Fcfp. « On ne s’embête pas, explique Ferdinand, on fait juste pousser les plants, les gens viennent et les embarquent. Ça fonctionne de bouche à oreille ». Sur ce qu’il a fait avec l’argent engrangé, 36 millions, il explique l’avoir dépensé en nourriture, en frais médicaux, « des petits trucs comme çà, mais je n’ai pas acheté de voiture, ni rien de spécial. Je vis au jour le jour. » Quant à Heimata, qui lui cultive « pour me faire un peu d’argent. », il a une patente de maçon avec laquelle il s’en sort plus ou moins bien suivant son carnet de commandes. Pas consommateurs, juste planteurs et vendeurs Aucun des trois ne consomment de stupéfiants, ils n’ont pas fait cela pour leur consommation mais bien pour le business, ce qui a tendance à rendre nettement moins compatissants les juges et le ministère public. Même si tous trois ont un casier relativement vierge. Gilbert à une condamnation pour outrage qui remonte à 2008, Heimata lui a une amende de 50 000 Fcfp pour possession de stupéfiants en 2016, et Ferdinand aucune condamnation. Pour l’avocat général, « les faits que vous avez commis sont normalement passibles des assises, (…) et je vais faire en sorte que votre avenir se fasse en dehors des stupéfiants ». Ainsi pour Heimata il a requis 2 ans d’emprisonnement avec un sursis probatoire et un TIG de 240 heures, idem pour Ferdinand et Gilbert 18 mois avec un sursis probatoire et un TIG. À l’annonce des réquisitions, Heimata a lâché « je ne veux pas aller en prison. », Ferdinand lui « je reconnais les faits, j’accepte. » Quant à Gilbert c’est avec un laconique « pour moi c’est bon aussi » qu’il a accueilli les réquisitions. Quand un fonctionnaire arrondit ses fins de mois Pour autant l’heure des délibérations n’avait pas sonné car une autre affaire mettant en cause un de leurs clients était jugée à la suite. Le dommage collatéral de la précédente affaire, a pour prénom Alwis. Et lui aussi avait été dénoncé par le même Johann. Chez lui les gendarmes ont trouvé 110 pieds de cannabis. Son profil est un peu différent des autres car lui a un boulot régulier, il est fonctionnaire. « J’ai eu de mauvaises fréquentations, j’ai vu l’argent que cela rapportait. Ce n’est pas compliqué, suffit de planter. C’est de l’argent facile. » Et de l’argent, il en a eu, puisqu’il a avoué produire 30 plants tous les trois mois qu’il revendait entre 15 et 20 000 Fcfp le pied. Des plants qu’il s’était procurés chez les trois prévenus jugés avant lui. « La légalisation, c’est le renoncement. » « Vous savez que vous encourez une peine de 10 ans de prison ? » l’interroge l’avocat général. « Non », « Et cela vous fait quoi ? », « Je regrette, mais je ne vous cache pas que cela m’a permis de m’en sortir. C’est une décision que j’ai prise pour subvenir à nos besoins. La vie est dure », argumente-t-il. Père d’un enfant de 17 ans qui était au courant de son trafic et qui le questionnait à ce propos, il avait pour habitude de lui répondre que dans certains pays, c’était légalisé mais pas en Polynésie. Il pensait ainsi minimiser ses actes devant sa progéniture. Ce à quoi l’avocat général lui a rétorqué « qu’en France c’était interdit car la légalisation, c’est le renoncement. » Dans la foulée, il a requis contre lui, 12 mois de prison avec un sursis probatoire. « J’assume les conséquences », a conclu Alwis. Après en avoir délibéré le tribunal l’a condamné à 12 mois de prison avec sursis. Quant aux trois pakaculteurs, ils ont tous trois écopé de 12 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)