ACTUS LOCALESSANTÉSOCIÉTÉ Pourquoi l’épidémie est plus rapide en Polynésie que partout ailleurs ? Charlie Réné 2020-11-04 04 Nov 2020 Charlie Réné Les derniers chiffres du Covid-19 confirme que le virus circule plus rapidement au fenua qu’en métropole ou que dans toutes les autres collectivités d’Outre-mer. Un constat qui interroge les spécialistes de la cellule Covid. Seule certitude : les gestes barrières et les mesures sanitaires peuvent avoir un impact pour éviter le pire. Mais pourquoi tant de cas ? La question peut être posée à la vue des derniers chiffres de l’épidémie de Covid en Polynésie. Les 338 cas positifs confirmés ces dernières 24 heures font grimper le nombre de cas dépistés à 9 287 depuis le mois de mars. Ce total n’inclut en principe que les personnes symptomatiques, qui ont obtenu un certificat médical pour se faire tester. Les asymptomatiques – nombreux, mais dont la proportion est difficile à estimer – ne sont pas pris en compte. Ni les personnes symptomatiques non testées – quand plusieurs membres d’un même foyer présentent les mêmes symptômes, tous ne sont pas forcément dépistés. Bref, le nombre de Polynésiens contaminés par le Covid pourrait dépasser de « deux à trois fois » le décompte officiel, et donc représenter jusqu’à 10% de la population du pays, comme l’explique le Dr Henri-Pierre Mallet, épidémiologiste de la cellule Covid du Pays. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2020/11/COVID-immunité.wav Des chiffres d’autant plus impressionnants, que la majeure partie de ces contaminations sont récentes : le fenua ne comptait aucun cas en juillet, moins de 2 000 début octobre, et le total a plus que doublé dans les quinze derniers jours. Meilleur témoin de cette dynamique, le taux d’incidence de l’épidémie – indicateur retenu au niveau international – qui continue de s’envoler. 989 cas pour 100 000 habitants la semaine passée aux îles du Vent : c’est deux fois le taux de la métropole… Et cinq fois celui de la Martinique, deuxième collectivité d’Outre-mer la plus touchée, très loin derrière le fenua, mais qui a pourtant été reconfinée depuis déjà quelques jours. Certes, l’incidence est moins forte hors de Tahiti et Moorea (150 dans les autres archipels). Mais le Covid est déjà signalé « en circulation » à Raiatea, Huahine, ou Bora, quand des clusters sont identifiés à Hiva Oa et Tubuai et des cas isolés sont observés dans une dizaines d’autres îles. « Inquiétant », jugent les médecins de la cellule Covid, même si le nombre d’hospitalisations, plutôt stable ces derniers jours, reste le principal indicateur : « Il faut suivre ce qui se passe dans les îles et adapter les mesures ». Le « mode de vie » et le respect des consignes sanitaires Il convient de réagir, donc, mais aussi de s’interroger : pourquoi la Polynésie connait-elle une « première vague » – celle de mars, avec une soixantaine de cas, n’en a pas vraiment été une – si violente ? « C’est une bonne question, à laquelle nous n’avons pas de réponse », répond le Dr Mallet. Le climat, un temps envisagé comme un facteur de ralentissement de l’épidémie ne semble pas jouer. Les mesures de protection sanitaires adoptées en Polynésie ne sont pas moins sévères qu’ailleurs, si ce n’est la Nouvelle-Calédonie. La Réunion, les Antilles ou la Guyane, ont, elles aussi, rouvert leurs vols avec la métropole après le premier confinement, avec un protocole de test moins rigoureux, et le Covid-19 n’y fait en ce moment pas autant de dégâts. Quels facteurs reste-t-il sur la table ? Le mode de vie – le logement, les habitudes familiales et sociales – et le respect « efficace » des consignes sanitaire, explique l’épidémiologiste. « Ca ne veut pas dire que les gens ne veulent pas le faire, mais n’arrivent pas à le faire correctement, estime le Dr Mallet. Parfois on les applique très bien pendant 8 heures, et deux heures le soir, on oublie tout ». Il rappelle au passage que d’autres virus, par le passé, ont connu une propagation fulgurante au fenua. « Pour le chikungunya ou le zika on a aussi eu des épidémies brutales, mais aussi plus courtes que dans les autres pays », note-t-il. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2020/11/COVID-specificité.wav La spécificité de la Polynésie ne s’arrête pas là. Avec 30 morts pour 9 000 cas, le fenua est dans la fourchette basse de la mortalité dûe au Covid dans les statistiques mondiales. Le résultat d’une meilleure protection des matahiapo, comme l’avait suggéré, il y quelques semaines, Jacques Raynal ? Une souche différente ? Ces questions, tous les spécialistes se les posent. Mais pour Adélaïde Tamaku, comparaison n’est pas raison. « Ce qu’il faut retenir comme message, c’est que les gestes sont simples pour éviter la propagation », explique l’infirmière à la brigade de prévention de la plateforme Covid. Distanciation, port du masque, lavage de main… « Ça ne coûte pas grand-chose« , insiste la professionnelle. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2020/11/COVID-spécificité-infirmière.wav C’est le respect de ces consignes qui donnera le ton des prochaines semaines. La saturation hospitalière est bien sûr toujours « un risque réel » d’ici la fin de l’année, mais beaucoup s’interrogent aussi sur le plus long terme. L’épidémie pourrait-elle durer plusieurs mois ? La brutalité de cette première vague n’entame en rien cette possibilité. Rappelant la nature très contagieuse et très peu contrôlable de ce coronavirus, le Dr Mallet entrevoit une épidémie « sur le temps long ». « On peut imaginer que le nombre de cas va diminuer d’ici quelques semaines, mais il y aura de nouvelles vagues, explique-t-il. Ce qu’on peut espérer c’est un niveau d’immunité un peu plus important ». Et donc des vagues de plus en plus faibles dans le courant 2021, en attendant, peut-être, un vaccin. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2020/11/COVID-évolution-longue.wav À noter que le Pays travaille avec des scientifiques extérieurs, via les institutions nationales ou l’OMS, pour affiner ses modèles de prévision de l’épidémie. Ceux dont disposent aujourd’hui les autorités ne permettent pas de dire si la saturation de l’hôpital, et donc l’augmentation potentiellement importante du nombre de décès, sera évitée. « C’est une base de travail, pas un outil pour rassurer ou inquiéter », insiste Henri-Pierre Mallet. Ces modèles montrent surtout que la propagation du Covid peut suivre des trajectoires très différentes en fonction des mesures sanitaires mises en oeuvre. Dix jours après sa mise en place, il serait encore « trop tôt » pour observer les effets, bénéfiques ou non, du couvre-feu. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)