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Dixit 2021 : l’économie polynésienne en temps de pandémie

 

Très attendu chaque début d’année, le magazine Dixit met en vente son édition 2021 mercredi 27 janvier. Plus de 320 pages en papier glacé pour cette revue économique, sociale et culturelle de Polynésie française entièrement réalisée au fenua et tirée à 4 000 exemplaires. Signe particulier : les nombreux témoignages de chefs d’entreprise, mais pas seulement, pour comprendre « de l’intérieur » comment les décideurs ont vécu la crise sanitaire et les conséquences qu’ils en tirent. Entretien avec sa fondatrice et coordinatrice éditoriale, Dominique Morvan, qui sera aussi l’invitée du journal de midi de Radio1 mercredi.

Comment faire le bilan d’une « annus horribilis » 2020 alors que la crise sanitaire a rebattu les cartes de l’économie, sans encore les redistribuer ? C’est le dilemme auquel a été confrontée l’équipe éditoriale du magazine Dixit au moment de préparer cette nouvelle édition.  Il a donc été décidé de « donner la parole à celles et ceux qui l’ont vécu en première ligne », avec moins de dossiers mais plus d’entretiens que les années précédentes. Seize entretiens, avec des personnalités qui portent parfois un regard différent sur l’actualité, comme Père Christophe ou la psychologue clinicienne Sylvie Couraud, ou encore Luc Tapeta, qui était en charge de la logistique du PC de crise du Pays. On retrouve aussi la parole d’acteurs économiques majeurs, le PDG d’Air Tahiti Nui Michel Monvoisin, le président du Medef Frédérick Dock, le PDG d’EDT-Engie François-Xavier de Froment, la directrice générale du groupe éponyme, Nancy Wane, le PDG de l’OPT Jean-François Martin, et Sonia Aline, de Radio1, Tiare FM et SA Production, porte-parole dans cette édition des organisateurs de spectacles et d’événements.  Et toujours, bien sûr, les données les plus récentes sur les entreprises polynésiennes, leurs chiffres d’affaire, et leurs effectifs. Dominique Morvan, fondatrice et coordinatrice éditoriale, nous parle du Dixit 2021.

Cette édition se démarque car vous avez choisi de donner la parole des chefs d’entreprise et des personnalités touchées par la crise sanitaire et économique. Avez-vous le sentiment qu’ils comprennent la nécessité du changement ?

« C’est ce qui transparaît en tout cas, à différents degrés. Déjà, ils ont quasiment tous dit oui à mes demandes d’entretien, ce qui montre qu’ils ont compris la nécessité de communiquer. »

Est-ce que la dépendance de l’économie polynésienne au tourisme est remise en question ?

« Non, franchement non. On a du mal à imaginer que le modèle économique puisse changer. La plupart des personnes que j’ai interviewées continuent de penser que l’activité principale restera le tourisme. Or le fait est que c’est loin d’être une réalité pour 2021. En 2019, on était revenu au niveau d’avant la crise financière de 2008, et là, même si on peut imaginer que ce sera un peu plus rapide, on a entendu que le tourisme pourrait mettre 4 ou 5 ans à rebondir, mais pour la première fois ce matin un professionnel m’a parlé de 8 ans. »

Le plan de relance présenté par le gouvernement polynésien leur semble-t-il adéquat ?

« Je les ai interviewés pour la plupart entre septembre et novembre, c’étaient des mesures d’urgence, même si on parlait de relance ou de rebond, c’était plus de la sémantique qu’une réalité. On ne voit pas encore de faillites, mais les entreprises ont tenu jusqu’ici grâce aux aides, elles tiennent maintenant grâce aux prêts, ce n’est pas du tout, du tout la même chose… »

La crise a mis en exergue le télétravail. Les entreprises et les salariés sont-ils prêts ?

« Toutes les personnes interviewées, que ce soit Olivier Kressmann (VP du Medef) ou Claude Panero (directrice du CHPF) – parce que le télétravail a été très utile, pour travailler avec les médecins des îles quand les îles étaient fermées – ne se posent même plus la question si c’est souhaitable ou pas, c’est nécessaire. Après, Oliver Kressmann a vu assez rapidement les avantages et les inconvénients. Donc il faut envisager de mixer télétravail et travail pour que l’employé reste connecté à un esprit de groupe, à son activité ou son service puisque les fonctionnaires aussi sont concernés. Le code du travail va évoluer, parce qu’on réalise qu’on est entré dans une nouvelle ère, où on va peut-être enchaîner virus sur virus, c’est ce que disent beaucoup de scientifiques, donc il faut qu’on évolue sur notre façon de travailler. »

La réforme du code du travail est au programme du gouvernement pour 2021. Faut-il craindre, comme le disent déjà certains syndicalistes, que la crise fasse pencher la balance du côté du patronat ?

« Les entreprises sont pour beaucoup un genou à terre et toutes les personnes que j’ai rencontrées étaient soucieuses de l’avenir de leurs employés autant que de celui de leurs sociétés. La plupart me disaient qu’il y a une cohésion qui s’est faite, ça passait d’ailleurs souvent par les comités d’entreprise plutôt que par les syndicats. J’ai l’impression que les syndicats aujourd’hui ont perdu de vue leur but, et que peut-être parfois le comité d’entreprise joue plus ce rôle de relais d’expression. Pour moi, la grève de Carrefour, c’est le reflet exact de ce qu’il ne faut plus faire. Les employés de Carrefour se sentent probablement floués, on n’a pas une vraie défense de l’employé. Pour moi, les syndicats continuent de fonctionner avec des façons d’être qui ne sont plus du tout de ce siècle. Il faut un dialogue social, mais il ne faut pas que ce soit systématiquement la peur qui dicte la voie à suivre, la peur d’un blocage de plusieurs semaines ou d’une perte de chiffre d’affaires, on dirait que c’est le seul levier aujourd’hui. »

Parmi les personnalités que vous avez interviewées, quelles sont celles qui vous ont le plus touchée, celles qui vous ont paru le plus pertinentes ?

« C’est Père Christophe, parce qu’il est toujours là où on ne l’attend pas. Il a toujours ses petits coups de gueule, mais il dit aussi des choses tellement essentielles. J’ai beaucoup aimé l’interview de Luc Tapeta, parce que c’est quelqu’un de très sérieux qui peut être parfois un peu sombre, on l’a vu dans son travail sur la protection sociale généralisée. Mais quand il raconte comment ils se sont organisés pour faire venir le matériel médical pendant tous les mois de confinement et de fermeture des frontières, pour moi c’est un thriller, c’est passionnant. Sur le management, Régine Jouvin dit des choses très intéressantes, elle parle notamment d’un problème qui est hyper important, c’est l’absentéisme et les habitudes qui ont été prises. »

Cette édition du Dixit respecte son ADN, celui d’une publication de référence qui recense les entreprises, leurs chiffres d’affaires, leurs effectifs. Est-ce facile d’obtenir et de compiler toutes ces données, alors qu’on a parfois l’impression d’un manque de transparence ?

« Oui, c’est facile, mais il faut dire que ça fait des années que Sylvie Jullien-Para, une journaliste rigoureuse, n’est dédiée qu’à ça. Elle travaille pendant quatre mois chaque année sur le recueil et le traitement des données. Ce sont de échanges par email, par téléphone, sur une base qui est celle de l’ISPF et du greffe du tribunal. Après, elle fait des recoupements avec les directeurs financiers et les chefs d’entreprise, et s’il y a des incohérences, elle veut comprendre. Il peut par exemple y avoir des groupes, qui regroupent les chiffres d’affaire de plusieurs entités. D’année en année, on creuse toutes ces données-là, on avait aussi rentré les banques, les assurances, c’est intéressant parce que ce sont d’énormes entités. »

Le Dixit est toujours imprimé en Polynésie, est-ce un choix ?

« Nous sommes partenaires avec Multipress depuis 1984, le Dixit a toujours été imprimé localement. Il y a 10 ans, j’imaginais que nous passerions en version exclusivement digitale dans les 5 années suivantes. Mais d’année en année, je me suis aperçue que les gens tenaient à la version papier, à cette odeur d’imprimerie, même les jeunes. Mais on va aussi passer en digital, le site est en cours de création. »

 

 

 

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