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Le bilinguisme : « un atout cognitif majeur »

© Lucie Rabréaud

Une loi pour protéger et promouvoir les langues régionales a été adoptée à l’Assemblée nationale au début du mois d’avril. Si cette loi ne s’applique par en Polynésie française, c’est une bonne nouvelle pour les langues minoritaires dont les locuteurs se battent pour qu’elles vivent. Le sujet ne laisse pas indifférent, la loi a été votée contre l’avis du Gouvernement.

Une proposition de loi pour protéger et promouvoir les langues régionales a été adoptée le 8 avril dernier par l’Assemblée nationale. Une surprise car le Gouvernement n’y était pas favorable. Cette loi instaure deux nouveautés principales : la mise en place de l’enseignement immersif (effectué pour une grande partie du temps scolaire dans une langue autre que la langue dominante) et la création d’un forfait scolaire pour les écoles privées dispensant une scolarisation en langues régionales. Pour Jacques Vernaudon, maître de conférences de linguistique générale et océanienne à l’université de la Polynésie française, « c’est toujours positif d’avoir des dispositifs qui consolident l’existant des langues régionales. C’est une protection essentielle pour que ces langues continuent à vivre mais ce qui permet fondamentalement que des langues vivent est la transmission intergénérationnelle dans les familles ».

Au cours de la discussion, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, s’était opposé par deux fois à l’inscription dans la loi de ces deux mesures (l’enseignement immersif et le forfait scolaire) dont il prévoit « des conséquences en chaîne », rapporte Europe 1. « Nous sommes favorables au développement des langues régionales (…) mais nous avons le droit d’être attentifs aux modalités », a souligné le ministre, dont les échanges furent parfois tendus avec certains députés de droite, est-il encore indiqué par nos collègues. « Cette tension n’est pas nouvelle, elle existe depuis la Révolution française où on a en permanence des mouvements d’oscillation entre d’un côté ceux qui pensent que l’unité nationale ne se forge qu’à travers une seule langue, à savoir le français et d’autres qui pensent que l’unité n’est pas incompatible avec le respect des diversités des langues régionales », explique Jacques Vernaudon.

La loi en l’état ne s’applique pas en Polynésie française mais pourrait inspirer le Pays car les dispositifs les plus ambitieux qui existent actuellement relèvent de la parité horaire : une moitié des enseignements en français et l’autre dans une langue polynésienne. « On pourrait imaginer des dispositifs d’immersion en langues polynésiennes mais dans le contexte polynésien où les langues sont encore bien vivantes dans la société, je pense qu’il faut continuer à privilégier le principe du bilinguisme même en maternelle, c’est-à-dire l’exposition à deux langues précocement. » Apprendre plusieurs langues dès le plus jeune âge est un atout cognitif majeur.

Quand on comprend les atouts pour un enfant d’apprendre plusieurs langues précocement, comment expliquer que certains restent opposés aux dispositifs de cette loi ? La question du financement peut poser parfois problème mais c’est également la concurrence entre les langues qui se joue… Pour certains, être bilingue anglais-français est plus intéressant que tahitien-français mais, comme l’explique Jacques Vernaudon, le bilinguisme fonctionne au mieux que si les langues sont utilisées dans la société. Ils valorisent l’identité des enfants et les ancrent dans la mémoire de leur territoire.

 

Bientôt un ou une premier(e) agrégé(e) en tahitien

L’agrégation de langues de France est une section spécifique de l’agrégation de l’enseignement du second degré qui existe depuis 2018. C’est en 2016 que Manuel Valls, alors Premier ministre, annonce la création d’une agrégation « langue et culture corses » lors d’un déplacement sur l’île. Cette nouvelle spécialité de l’agrégation est finalement créée en mars 2017 par la ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, avec sept langues régionales différentes : le basque, le breton, le catalan, le corse, le créole, l’occitan et le tahitien. En 2018, un premier concours externe s’est déroulé pour trois langues (breton, corse et occitan), avec une place pour chaque. En 2019, un nouveau concours a été organisé pour trois langues. Et enfin, en 2020, le concours ouvert pour deux langues : basque et tahitien. Il y aura donc pour la première fois, un ou une agrégé(e) en tahitien. L’agrégation s’obtient sur concours et il est possible de la passer dans plusieurs domaines : lettres, sciences, histoire, musique, philosophie, économie et gestion, sport, géographie… L’agreg, comme elle est parfois surnommée, est un concours très difficile qui comprend des épreuves écrites, puis orales. Ceux qui l’obtiennent constituent « l’élite » des professeurs français. Pour le second degré, c’est le grade le plus élevé.

Les épreuves de cette première agrégation de langues de France option tahitien auront lieu au vice-rectorat de la Polynésie française du 28 au 30 avril. Trois candidats sont en lice.

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