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Colloque sur le nucléaire : une histoire à « écrire », mais des débats encore vifs

Une quinzaine de chercheurs présentent depuis ce matin, à l’Université, leurs travaux sur l’histoire et l’impact du CEP en Polynésie. Une histoire encore très sensible : dans la lignée de Jean-Marc Regnault, plusieurs intervenants ont débattu ce matin certaines conclusions des historiens. Notamment l’affirmation selon laquelle ni la construction de l’aéroport de Faa’a ni l’arrestation de Pouvanaa a Oopa n’était en lien direct avec les essais. 

Lire aussi : 15 chercheurs publient la première grande synthèse sur l’histoire de la bombe française

Trois jours de discussions pour trois ans de recherches et 30 ans d’essais. Le colloque « Histoire et mémoires du CEP : un deuxième contact » a débuté ce mercredi matin à l’Université de la Polynésie. Devant une salle comble, une quinzaine de chercheurs, de l’UPF ou d’universités métropolitaines, ont commencé à se relayer pour présenter leurs recherches sur l’histoire du CEP, son impact économique, social ou environnemental au fenua, ou son héritage actuel. Ce travail interdisciplinaire, passé par des ouvertures d’archives autant que par des récoltes de témoignages d’acteurs du centre d’expérimentation, avait été initié en 2018. Le Pays avait alors chargé la Maison des sciences de l’homme du Pacifique « d’écrire l’histoire du CEP ». Un chantier majeur, qui se poursuit « sans ingérence » des autorités, « en toute indépendance », précise le président de la MSHP, Éric Conte, en ouverture du colloque. L’ouvrage Des bombes en Polynésie, publié le mois dernier, avait constitué une première synthèse de ce travail, mais « il était évident qu’il fallait présenter ces recherches, et celles qui sont encore en cours, devant les Polynésiens », comme l’explique Renaud Meltz.

Pouvanaa arrêté pour le CEP, un « anachronisme » ?

L’historien, qui avait un temps enseigné à l’UPF et qui est aujourd’hui attaché à l’université de Haute Alsace, a servi de chef d’orchestre au programme universitaire. Restait-il encore des zones d’ombre sur les essais ? À l’entendre, l’ouverture de nouvelles archives – après les déclassifications de Reko Tika notamment, mais certaines de ces archives avaient déjà pu être consultées par certains spécialistes par le passé – a « enrichi » les connaissances sur le CEP. Mais c’est surtout le travail interdisciplinaire et les « nouvelles questions » posées par les chercheurs qui permettent d’éclairer un peu plus cette histoire :

Le sujet, les universitaires le savent, est toujours sensible. Dans la salle, des anciens travailleurs du nucléaire, des victimes des essais, des responsables institutionnels, et « beaucoup de gens qui ont perdu des proches », comme l’a rappelé  l’élue Tavini Eliane Tevahitua. Comme d’autres, elle est venue « écouter », questionner, mais aussi, sur certains points, dénoncer. Car ces recherches et ce colloque ne sont pas exempts de controverses. Jean-Marc Regnault, spécialiste de l’histoire contemporaine de la Polynésie, qui estime ne pas avoir été suffisamment cité dans les travaux de l’équipe universitaire, avait annoncé qu’il boycotterait le colloque. Et au passage dénoncé une « histoire qui régresse » : l’historien estime que les auteurs de Des bombes en Polynésie ont sous-estimé la préméditation de l’État sur l’installation du CEP.

Une critique adressée, lors de son intervention par visioconférence, par Alexis Vrignon. « À plusieurs moments il a été admis, en Polynésie, l’idée que l’affaire Pouvanaa est directement liée au CEP, note l’historien. Et que s’il avait été arrêté en 1958 c’était pour désarmer une éventuelle opposition au nucléaire ». Un « anachronisme » qui ne repose sur aucun document, affirme-t-il, précisant que l’arrestation – « pour des faux motifs » – et l’exil forcé de l’élu avait été fomentés dans le cadre d’une « reprise en main impériale » des colonies du Pacifique par Paris, et pour éteindre les velléités nationalistes. Mais pas en prévision du CEP. Pour Alexis Vrignon, en revanche, les essais ont pesé sur le long éloignement de Pouvanaa a Oopa de son pays : le retour du metua, qui n’aurait d’ailleurs, lui-même, jamais lié son arrestation au nucléaire, était jugé « inopportun » par les militaires. « Ça n’enlève rien à l’arbitraire, à l’injustice, et à l’attitude de Pouvanaa » qui s’est opposé, une fois qu’il en a eu connaissance, aux essais en Polynésie, précise Renault Metz.

« Je lui aurais vomi dessus »

Des affirmations déjà contestées par Jean-Marc Regnault, pour qui le Général De Gaulle préparait déjà, en 1958, « les conditions pour que les Polynésiens ne protestent pas efficacement contre le futur transfert des essais ». Dans la salle, certains militants ont dénoncé cette version de l’histoire avec plus de vivacité. « Si Alexis Vrignon avait été là et pas sur Zoom, je lui aurais vomi dessus », lâche Hinamoeura Morgant Cross. La jeune femme, atteinte d’une leucémie depuis l’enfance et engagée dans le mouvement anti-nucléaire, brandit un portrait de Bruno Barillot, accuse l’équipe de chercheurs de vouloir « minimiser les choses » et « réécrire notre histoire à la sauce de l’État ». Eliane Tevahitua adressera elle, le traitement de la construction de l’aéroport par les chercheurs : « vous croyez sincèrement que l’État aurait fait un aéroport international de plusieurs milliards, qu’on a été exproprié les gens, pour attirer les touristes chez nous ? interroge l’élue, qui insiste toutefois sur la nécessité d’écoutez les arguments des uns et des autres. Moi je ne crois pas du tout ».

Là aussi, Renault Metz précise ses conclusions : la construction de l’aéroport, d’après lui, est décidée par Paris en mai 1957 pour des enjeux économiques – le tourisme comme relais à Makatea -, politique – la défense de la souveraineté française – et stratégique – la volonté de créer des relais dans le Pacifique pour assurer l’influence française dans la région. Mais les documents existants indiquent que ce n’est que plus tard que les militaires verront dans cette piste « une raison de plus de venir en Polynésie ». « L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence », précise toute de même le chercheur, pour qui la confrontation des points de vue historiques « doit avoir lieu », et que ce colloque a aussi vocation à l’animer.

À quand un historien polynésien pour travailler sur le CEP ?

Autre point d’interpellation des chercheurs : l’absence de Polynésiens parmi la quinzaine d’intervenants. « Nous sommes les victimes, mais finalement, l’histoire est encore faite par ceux qui sont venus faire les essais chez nous », pointe Elaine Tevahitua. « C’est pas possible que ce soit que des historiens français qui fassent l’histoire de la Polynésie, convient Renaud Meltz. C’est important que les Polynésiens, qui ont une compréhension intime de l’intérieur de la société polynésienne, écrivent l’histoire du CEP ». 

Raison pour laquelle il a été demandé a l’État de financer une thèse sur le sujet. Un appel à candidature a été ouvert – au niveau national – et Éric Conte et Renaud Meltz soutiennent celle d’un étudiant de l’UPF diplômé en histoire militaire. « On va déposer son dossier cette semaine, et s’il est pris, on aura enfin un doctorant polynésien, qui pourra aller dans les archives à Paris et écrire l’histoire du CEP avec une sensibilité polynésienne ».

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1 Commentaire

  1. tam
    12 mai 2022 à 14h17 — Répondre

    Excusez-moi ?!!!! Apparemment Mr A.Vrignon a manqué un épisode de l’histoire du nucléaire: l’Algérie qui dès les années 1954/55 commence à subir des troubles ( massacres du Constantinois), et cette même année, le commandement français s’inquiétait fortement de l’activité du FLN en Algérie: le dirigeant du FLN (Mr Ramdane Abane) qui a conduit des rencontres pour participer à la guerre pour l’indépendance de l’Algérie en mai 1955, la journée des tomates en février 1956, le massacre de Beni Oudjehane mai 1956 etc…
    Il ne restait que la Polynésie française, alors de grâce Monsieur A.Vrignon ne venez pas réécrire notre histoire et je ne vous parle du sujet du plateau de LARZAC et l’implication de Francois MITTERRAND.

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