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Inflation : pour Florent Venayre, l’encadrement des prix « ne va pas régler le problème »


Alors que l’inflation ne semble pas près de ralentir, l’assemblée va étudier ce jeudi une loi qui renforce les pouvoirs de contrôle des prix par le gouvernement. Un texte déjà critiqué au Cesec, notamment par le patronat et qui relève, pour le professeur d’économie de l’UPF Florent Venayre, d’une volonté « d’affichage » politique. Le risque : limiter encore la concurrence dans le pays. Mieux vaut, à l’entendre, lutter contre les ententes entre entreprises, mieux cibler les dépenses publiques… et prendre son mal en patience du côté de l’inflation. 

À lire : « Économie : le retour à la réalité va être difficile »

Adoptée en Conseil des ministres en mars dernier, la loi sur l’encadrement doit être présenté ce jeudi à l’assemblée de la Polynésie. Un texte qui vient préciser et codifier le régime juridique de l’encadrement des prix des PPN et des PGC – comme l’avait demandé dès 2019 l’Autorité de la concurrence. Ou encore redéfinir la notion de bien « produit ou fabriqué » en Polynésie, étape indispensable à une réforme attendue de la Taxe de développement local (TDL). Mais, cette loi, si elle est adoptée jeudi à Tarahoi, viendra surtout élargir les capacité de contrôle du gouvernement sur les prix, en cette période d’inflation record.

Un « retour en arrière »

Un renforcement déjà pointé du doigt dans l’avis non qualifié, mais au ton particulièrement critique, rendu par le Cesec le 29 mars dernier. L’institution consultative avait notamment dénoncé l’extension du pouvoir d’encadrement des tarifs produits et services « essentiels au développement économique de la Polynésie française ». La notion couvre notamment « les hydrocarbures, le fret interinsulaire, la manutention portuaire ou encore le coprah » mais peut, en l’absence de barrière règlementaire, être étendue par le Conseil des ministres « de manière unilatérale et sans concertation », avait estimé le Cesec. Plus besoin, en outre, d’attendre que les prix bondissent pour agir : l’exécutif n’aura plus à mettre en avant des chiffres d’inflation exceptionnels sur tel ou tel produit, agir « contre des risques » de hausse en fixant des plafonds de prix ou de marge. Une capacité désormais limitée à six mois non renouvelables, et à laquelle s’ajoute un « régime de liberté encadrée », qui pourrait soumettre les variations de prix d’autres produits à une formule de calcul ou une homologation administrative lorsque cet encadrement est jugé « nécessaire à la protection du pouvoir d’achat des usagers ou au développement économique de la Polynésie ». Aucun doute pour les représentants patronaux du Cesec, il s’agit d’une atteinte « grave » au principe de liberté tarifaire, pourtant rappelé dans le projet de loi.

Une inquiétude qui semble être partagée par Florent Venayre, auteur d’un article sur ce projet  : « Ça veut dire que tous les mercredi on peut contrôler tel ou tel prix » sans avoir à le motiver par des études chiffrées. Un « retour en arrière », considère le professeur de sciences économiques de l’UPF, alors que l’effort de ces dernières années portait justement sur la mise en place – avec un succès certes mitigé – des mécanismes concurrentiels en Polynésie. « Je ne veux pas faire de procès d’intention au gouvernement, mais on est assez clairement dans un affichage où il y a des problèmes inflationnistes et où on dit : on va contrôler les prix, dormez en paix braves gens, note le professeur d’université. Dans le meilleur des cas c’est ça, et dans le pire des cas, c’est une réelle volonté de contrôler les prix de vente aux consommateurs, sauf qu’on ne connaît absolument pas les coûts d’approvisionnement des entreprises. Donc si une entreprise connait un coût qui est de plus en plus grand et qu’on lui contrôle sa capacité de revente, ce qu’elle va tout bêtement faire, c’est arrêter d’importer le produit en question ».

« Ça ne marche jamais »

Le risque pèse surtout, pour l’universitaire, sur la concurrence : « quand la puissance publique se met à vouloir contrôler les prix, c’est de les uniformiser, théoriquement on pourrait avoir un déport sur la concurrence en qualité, sur de l’apport de service…, précise-t-il. Dans la réalité, on va peut-être avoir de la concurrence molle, des phénomène de collusion tacite, avec les mêmes niveaux de prix, et qui ne changent pas ».

L’enseignant-chercheur de l’UPF l’assure : une économie « plus administrée, avec plus d’intervention du politique, avec plus de contrôle de prix », « ça ne marche jamais ». La priorité, en cette période d’inflation mondiale serait au contraire de promouvoir les mécanismes concurrentiels, notamment en « traquant les comportements d’entente ». Pour s’assurer d’une compétition profitable au consommateur, il faut « empêcher les entreprises de se mettre d’accord sur des prix qui pourraient être abusifs ».

« Se préparer » à l’inflation, plutôt que de lutter

Reste que l’inflation, elle, est toujours là, au niveau mondial (7,5% sur un an en zone euro et 8,6% aux États-Unis) et local : 6,2% de hausse de l’indice des prix à la consommation sur 12 mois au fenua et +8,7% pour la seule alimentation. Rien n’indique que cette poussée ne va pas se poursuivre : « on va subir une inflation, plus ou moins forte, et qui est à mon avis complètement impossible à prévoir, reprend Florent Venayre. Il y a trop de facteurs en jeu, mais de fait il faut s’y préparer ». À l’entendre, les mesures déjà prises par le gouvernement ne vont pas dans le bon sens. Et notamment le coûteux « tampon » sur les prix des hydrocarbures : plus de 5 milliards de francs dépensés pour adoucir les prix à la pompe, et 9 milliards prévus sur l’année qui « ne vont pas favoriser le changement de comportement ou la transition énergétique ». « On peut essayer de lisser les hausses de prix pour éviter les montées brutales, mais pas les contenir avec de l’argent public », reprend l’économiste. Certes, l’objectif du gouvernement d’épargner les consommateurs et certains professionnels (comme les pêcheurs ou le transport maritime intérieur) est louable. Mais « on observe beaucoup de déclarations d’intention, puis de rétropédalage », note-t-il, « tout ça n’est pas de nature à contrer des effets de déséquilibres mondiaux qu’on va quoiqu’il arrive subir ».

 

PPN, PGC… Des aides mal ciblées ?

Autre préconisation du professeur de sciences économiques : travailler d’urgence sur les dépenses. Celles de la protection sociale – la TVA sociale, censée la renflouer, n’a que peu contribué à l’inflation actuelle, mais a tout de même « déséquilibré » certaines entreprises et rapports commerciaux – autant que celles de la collectivité. Il s’agit pour lui de mettre en place des mécanismes d’incitation plus clairs – sur les modes de transport, la santé – ou encore en ciblant davantage les aides publiques en direction des familles les plus nécessiteuses plutôt que d’aider tout le monde. « On a une habitude de long terme d’avoir une forme d’intervention sociale qui est saupoudrante, comme avec les PPN et les PGC, qui touchent tous les consommateurs et pas spécialement ceux qui en ont besoin, explique-t-il. Je pense en tant qu’économiste qu’il vaut mieux cibler les véritables besoins, les personnes en difficultés et diriger vers ces personnes-là l’aide sociale plutôt que de faire des mécanismes plus généraux ».

Le projet de loi ne propose pas d’évolution de ce côté-là, mais la liste des PGC et PPN, elle, devrait être revue en Conseil des ministres « sur la base de l’enquête « budget des familles » et en « prenant en compte l’évolution des consommations, la situation économique polynésienne actuelle et les difficultés qui en résultent aujourd’hui ».

 

Rapport Sur Le Projet de Loi Du Pays Relative Aux Conditions Dencadrement Des Prix de Certains Produits Ou… by CharlieRéné on Scribd

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