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Le greffe du tribunal de commerce asphyxié, les entreprises en danger

©CP/Radio1

Depuis l’annonce du transfert au Pays de la compétence sur le Registre du commerce et des sociétés, en juillet 2021, la situation déjà critique de ce service vital pour les entreprises a encore empiré, au point de mettre en péril leur existence. La modernisation du RCS suppose l’adoption de plusieurs textes, à Papeete et à Paris, et le temps législatif s’écoule beaucoup plus lentement que le temps du monde des affaires…

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Dans une note d’information datée du 18 janvier dernier, la directrice des services de greffe judiciaires, en charge du Registre du commerce et des sociétés, fait le point sur les délais de traitement des demandes : un mois minimum pour les extraits Kbis, 9 mois pour les nantissements, 10 mois pour les immatriculations des personnes physiques et morales, et 18 mois pour les formalités de modification ou de radiation. Le greffe « met tout en œuvre » pour satisfaire les demandes dans les meilleurs délais, assure la note, mais le sous-effectif est tel que l’accueil est fermé au public, et le découragement est palpable : « toute relance concernant le traitement de votre demande avant expiration de ces délais ne permettra pas au greffe de les améliorer. »

Sauf qu’à l’expiration de ces délais, certaines entreprises pourraient bien avoir disparu. C’est le cas d’Invest in Pacific, une plateforme de financement participatif présente à Paris, Nouméa, Tahiti, et bientôt en Guadeloupe. En Polynésie, l’entreprise a levé plus de 700 millions de Fcfp (notamment pour Speak Tahiti-Parauparau Tahiti) et doit créer plusieurs sociétés, mais 100 millions sont actuellement bloqués faute de Kbis : « nous sommes dans l’impossibilité de mener nos opérations à bien, parce que l’ensemble de nos partenaires financiers nous demandent le Kbis, qui est l’acte de naissance de la société », explique son dirigeant Nicolas Laurent.

Nicolas Laurent voit sa trésorerie en Polynésie négativement affectée par ce blocage, qui pénalise aussi les investisseurs dont le retour sur investissement est retardé. Sa filiale calédonienne permet à Invest in Pacific de pallier cette difficulté de trésorerie, mais le problème est systémique : « Nous encourageons les Polynésiens à investir dans l’économie polynésienne, donc nous devons leur donner confiance dans cette économie, et nous avons la chance d’avoir une économie dynamique avec de belles perspectives, et là ça ne va pas du tout dans le bon sens. » La Polynésie serait à présent le territoire où les formalités du RCS sont les plus lentes de toute la République, et Nicolas Laurent n’exclut pas une action en référé pour obliger le greffe à délivrer les Kbis qu’il attend depuis plusieurs mois.

Le 7 octobre dernier, les notaires, les experts-comptables, les avocats et la CCISM avaient adressé un courrier commun au président du Pays, soulignant les difficultés rencontrées. Si la proximité des entrepreneurs avec les banques locales leur permet parfois de trouver des solutions « bricolées » de gré à gré pour, par exemple, obtenir un prêt avant d’obtenir le sésame du RCS, il n’en va pas de même pour les entreprises qui sollicitent des bailleurs extérieurs au territoire. Le courrier insistait sur la « bonne volonté » des agents du greffe et du président du Tribunal mixte de commerce, relayait « l’inquiétude » des acteurs économiques, et demandait un calendrier et les modalités du transfert du RCS pour « rassurer » les entreprises. Elles ne le sont toujours pas, comme l’a rappelé Stéphane Chin Loy lors de la présentation de ses vœux la semaine dernière.

Un choix compliqué, et surtout long, à mettre en œuvre

Retour en arrière : une fois acquis le principe du transfert de la compétence au Pays, celui-ci devait décider comment procéder : la création d’un service administratif – comme en Nouvelle-Calédonie qui a placé son RCS sous la houlette de la Direction des affaires économiques, avec des résultats mitigés selon les chefs d’entreprise – ou d’une délégation de service public au secteur privé.

C’est cette deuxième option qui a la faveur du Pays, mais ce n’est pas si simple, explique-t-on de ce côté. Les greffiers des tribunaux de commerce sont des travailleurs indépendants, souvent réunis en GIE, mais ils sont aussi officiers publics et ministériels et leurs tarifs fixés par l’État. C’est donc une « profession réglementée », qui n’existe pas encore en Polynésie et qu’il faut créer par une loi du Pays. Pas de difficulté au fenua, où le processus législatif est, quand on le veut et qu’il n’y a pas d’élections en vue, rapide. Mais il faut aussi que le gouvernement central ponde un texte, loi ou décret, c’est au ministère de la Justice à Paris de trancher. Et le président du Pays aurait, ces derniers jours, adressé un courrier à Éric Dupont-Moretti pour exprimer toute l’urgence de la question.

Une fois cet obstacle législatif levé, le délégataire envisagé serait Infogreffe, le premier service du genre créé en 1986, qui apporterait sa solution informatique « clés en main » compatible au niveau national. Il faudra ensuite recruter les greffiers. Bref, on imagine mal voir le problème réglé et le RCS « api » opérationnel avant la fin de l’année.

 

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