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À Taravao, le solaire s’installe à la ferme

La société Mahana O’hiupe a battu le premier pieu, ce vendredi, de sa future centrale photovoltaïque de Taravao, 8 fois plus puissante que la plus grosse installation solaire actuelle dans le pays. Installée sur 12 hectares dans une zone agricole, elle doit permettre la cohabitation entre production électrique et élevage bovin, les 25 000 panneaux devant même fournir de l’ombre aux bêtes. Un concept que ses promoteurs pensent déjà à multiplier.

Des premiers pieux et beaucoup de promesses ce vendredi, sur les collines surplombant le lycée de Taravao. Dans ces grands espaces de prairie parcourus par de troupeaux de bétail, les quelques bosquets, grands arbres et cocotiers seront bientôt rejoints par 25 000 panneaux solaires. Car c’est ici, sur une parcelle de 12 hectares appartenant à Jonui Maau-Raoulx et sa famille, que devrait entrer en fonction la première grande ferme photovoltaïque de Polynésie. Jusque là c’est une toiture d’hypermarché qui abritait la plus grande installation solaire du fenua, avec une puissance de 1,2MW en crête. À Taravao, c’est un peu plus de 10MWc qui sont équipés. De quoi couvrir la consommation, sur l’année, de 5 100 foyers et « éviter de brûler 3 millions de litres de gazole dans la centrale de Punaruu » comme le chiffrent les promoteurs. Des kWh qu’il faudra tout de même attendre : les pieux battus ce vendredi – les concepteurs de la centrale ont choisi d’éviter le béton pour laisser un maximum d’espace pour paître – ne sont là que pour mener des tests d’arrachage dans quelques semaines. Et s’assurer que la structure pourra tenir des vents cycloniques. La construction ne commencera réellement qu’en juin prochain, pour un raccordement prévu en août 2024.

À l’ombre des panneaux

Cette centrale, première des quatre qui vont éclore dans le sud de Tahiti après l’appel à projets lancé par le Pays début 2021, est portée par des membres des familles Siu et Lausan (Yune Tune), par Vincent Law et par le couple Bailey, tous regroupés, avec le propriétaire du terrain, au sein de la société Mahana O’hiupe. Pour répondre aux « défis énergétiques et alimentaires de la Polynésie », mais aussi au système de notation des candidats proposé par le gouvernement, qui favorisait les doubles utilisations du foncier, ils ont opté pour des panneaux solaires perchés entre 2,5 et 4 mètres de hauteur et dont les rangées seront « suffisamment espacées » pour laisser l’herbe pousser. Un « défi », reconnaît-on chez Sunzil, spécialiste du photovoltaïque lié aux groupes TotalEnergies et EDF, et qui, malgré des centrales construites partout ailleurs dans l’outre-mer, n’avait pas encore testé la cohabitation entre panneaux et bovins.

Du côté Jonui, on « attend de voir », mais Gérard Siu, lui, se veut on ne peut plus rassurant. « C’est un bon concept, parce que ça va permettre aux bêtes de mieux manger, s’enthousiasme l’entrepreneur, qui a pris la présidence de la société après le décès de sa sœur Linda, longtemps moteur dans le projet. Les panneaux vont leur fournir de l’ombre en milieu de journée, qui va leur permettre de rester dans le champ plutôt que d’aller toutes sous un arbre où elles ne font rien ». Cette option « agrisolaire », c’était une condition sine qua non pour le propriétaire, éleveur, avec qui les discussions ont commencé il y a près de deux ans : « J’ai exigé qu’il y ait toujours des vaches », insiste-t-il. « On est content de pouvoir amener notre pierre à l’énergie renouvelable du pays, complète sa fille. On y va, et on pourrait avoir d’autres projets ».

« On espère en faire d’autres »

Les 73 hectares de la propriété permettent effectivement d’imaginer beaucoup de choses, comme le glissent les représentants de Mahana O’hiupe. « On a fait le maximum que permettait l’appel à projet, mais à l’avenir, on peut agrandir le « tuyau », et augmenter la puissance de 50% sans infrastructures supplémentaires » précise Gérard Siu. En cas d’extension, l’agrisolaire, idée aussi explorée par plusieurs tavana des Raromata’i, qui se sont associés avec le spécialiste Akuo pour monter des projets de serres photovoltaïques, sera toujours de la partie. « L’idée c’est que l’indépendance énergétique ne se fasse pas au détriment de l’indépendance alimentaire, explique le directeur de la société, Patrick Lang. Avec ce projet on a un peu résolu cette équation, on en est extrêmement fier, et bien sûr, on espère en faire d’autres ».

Quand ? Si le rythme de construction des fermes solaires devrait surtout, à Tahiti, être fixé par le Pays et ses appels à projets, c’est aussi du côté de la Tep et du réseau de transport de l’électricité qu’il faut se tourner. D’après son Pdg, Hervé Dubost-Martin, les installations actuelles seraient suffisantes, à quelques « adaptations » près, pour absorber les 30 MWc de production qui vont naitre dans la zone (deux projets d’Engie Renouvelables Polynésie, et Manasolar du groupe Moux, du côté de Teva i Uta). Mais il faudra « redimensionner » une partie du réseau, ou, mieux, le soulager grâce à des systèmes de batteries, pour en accueillir davantage. Car la future centrale de Hiupe n’accueille des batteries que pour « lisser » sa production dans la journée : la nuit et les jours trop nuageux, les 25 000 panneaux ne produisent pas.

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