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Bilinguisme, himene, harcèlement et rénovations… Le cap de rentrée du ministre de l’Éducation

À quelques jours du retour en classe, Ronny Teriipaia a adressé aux équipes pédagogiques une « lettre de rentrée » de huit pages. Le ministre y annonce une « task force » pour construire les futures « écoles immersives », promet une meilleure promotion des langues, de la culture et de l’identité polynésienne dans les programmes… L’ancien instituteur, agrégé en reo Tahiti, veut aussi donner plus de place aux himene à la famille et à l’entreprise dans le système scolaire, demande une grande mobilisation sur le cyber-harcèlement, et annonce un plan Marshall de rénovation des écoles.

Le « ministre des élèves, le ministre des parents d’élèves, le ministre des personnels de l’éducation ». C’est ainsi que se définit Ronny Teriipaia, qui promet, dans sa lettre de rentrée de ne « pas faire table rase du passé » mais d’instaurer des « priorités nouvelles » dans sa politique d’éducation. Parmi celles-ci, le développement du « sentiment d’appartenance » des élèves dans leurs établissements. L’ancien instituteur demande ainsi aux directeurs de mettre en place des « temps d’intégration » à la rentrée, des « moments fédérateurs » à la veille des vacances, de préparer des « protocole d’accueil » particuliers pour les élèves des îles et des internats… Ce « sentiment d’appartenance » passe aussi, pour le premier agrégé en « langues de France option tahitien », par une meilleure valorisation des langues, de la culture, de l’histoire et de la géographie polynésiennes dans les enseignements. Et par un outil beaucoup mis en avant pendant la campagne du Tavini : les écoles immersives, où une partie importante des enseignements se ferait en tahitien.

Task force sur le bilinguisme

Pour mener à bien ce projet, Ronny Teriipaia a constitué une « task force » constituée de cinq « experts » des langues et des cultures du pays, et qui travailleront avec les inspecteurs du premier degré et du second degré chargés. « Si une grande partie de la population polynésienne est en contact avec une ou plusieurs langues polynésiennes, celles-ci sont de moins en moins pratiquées en famille, précise le ministre. Le rôle de l’école doit être majeur dans la décennie à venir car elle concourt à la préservation et à la transmission de notre patrimoine linguistique et culturelle. L’objectif est d’améliorer la connaissance de nos langues et culture polynésiennes, et d’encourager leur pratique au quotidien. Leur enseignement renforce l’estime de soi et, en gestion coordonnée avec celui du français, il contribue pleinement au développement langagier, affectif et intellectuel des élèves ». Le gouvernement compte aussi sur les retours d’expérience nationaux et internationaux sur les écoles bilingues à parité horaire – en Bretagne, en Alsace ou au Pays Basque, par exemple – sur la recherche et sur des « enquêtes de terrain » en Polynésie pour faire avancer leur projet. Et le ministère demande déjà aux équipes pédagogiques de « créer un écosystème favorable » à l’apprentissage des langues de l’école au lycée.

Orero au bac, himene de la maternelle au lycée

Pour allier ces objectifs culturels et linguistiques, Ronny Teriipaia demande aussi à mettre en avant le himene. « Nous devrons être en mesure de faire chanter nos chants traditionnels à l’ensemble des élèves de la Polynésie de la section des grands de maternelle à la terminale voire au-delà » martèle-t-il. Une rencontre annuelle entre école sera organisée, sur le modèle heiva Taure’a pour la danse. Quant au ‘ōrero, les élèves du Diadème seront les premiers à pouvoir le choisir en option en seconde, avec comme objectif une épreuve du bac dédiée en 2026. Le ministre assure vouloir travailler directement avec les inspecteurs et formateurs, pour faire entrer davantage dans les programmes « l’identité » de la Polynésie et son histoire « des migrations jusqu’à aujourd’hui » en passant par le fait colonial et le fait nucléaire. Outre les « nouvelles ressources pédagogiques », et des liens plus fort avec les ressources du musée de Tahiti et des îles, le responsable promet un concours inter-établissements sur la connaissance de l’histoire, de la géographie et de la culture de la Polynésie ainsi que plus d’incitation aux certifications et aux échanges internationaux.

Heures de soutien et de devoirs à l’emploi du temps

Autres grandes priorités du nouveau ministre : la lutte contre le décrochage scolaire, et le « recentrage de l’école sur les apprentissages ». De ce côté là, il s’inscrit dans la lignée de sa prédécesseure Christelle Lehartel, elle aussi ex-institutrice, mais aussi dans le même effort que le ministère de l’Éducation nationale. Les réformes des collèges et des lycées professionnels seront appliqués à la rentrée – de même que la revalorisation financière du métier d’enseignant qui les accompagne – et une heure de soutien en français et en math, de même que des plages horaires pour faire les devoirs feront leur apparition dans l’emploi du temps de tous les élèves de sixième dès la rentrée. Dès le début 2024, des « stages de réussite » et de remise à niveau devraient être organisés aux retours de vacances. « Dans le second degré, la priorité sera donnée au remplacement de courte durée, ajoute la lettre. Chaque professeur volontaire pourra être rémunéré dans le cadre du Pacte pour effectuer 18 heures de remplacement dans sa discipline ». Comme l’avait fait Moetai Brotherson pendant la campagne, Ronny Teriipaia réaffirme sa « confiance » dans les formations préprofessionnelles, comme les CJA, et dans la voie professionnelle dont la carte de formation devrait s’étoffer. Le ministre, sans surprise, veut faire avancer le projet de campus des métiers de la mer, sans précision sur la forme, le financement ou la localisation de ce campus. Le responsable veut aussi renforcer les exigences en matière de lutte contre les addictions, d’éducation au développement durable, de promotion du sport-santé…

Mobilisation générale sur le cyber-harcèlement

Le ministre de l’Éducation s’attarde surtout sur la question du harcèlement, et plus précisément du cyberharcèlement, difficile à repérer par les adultes, « mais source de grande souffrance pour les élèves, particulièrement pour les plus jeunes de primaire et de collège, particulièrement aussi pour les filles ». Chaque établissement devrait prendre le temps, dans les jours suivant la rentrée, de mener une heure de sensibilisation sur le sujet, et les classes seront encouragées à participer aux concours « Non au harcèlement », pour le secondaire, et au concours « Mascotte » pour les plus jeunes. À ces dispositifs nationaux s’ajoute celui des « Ambassadeurs contre le harcèlement » et l’obligation d’afficher dans les lieux de vie scolaire et les salles de classe les contacts de signalement des faits de harcèlement (40 46 29 29 /  stopharcelement@education.pf / messenger « STOP harcèlement Pf »). « Un vade-mecum de prise en charge de l’enfant en danger va être diffusé, précise le ministre. L’attention de tous les personnels d’éducation et enseignants est attirée sur le respect de l’interdiction de l’utilisation des téléphones portables en collège ». Outre les travaux sur l’alterité (« égalité fille-garçon, le respect du handicap, l’éducation contre le racisme, la grossophobie et l’homophobie devront figurer dans tous les règlements intérieurs »), les ouvertures d’espaces d’écoute « Margaret’s place » se poursuivront, à commencer par celui du lycée de Bora Bora. Pour Ronny Teriipaia, la famille doit aussi avoir un plus grand rôle au sein de l’école : « Ma feuille de route en matière de coéducation est de rendre effectifs les droits d’information et d’expression des parents, d’encourager la participation des parents à la vie de l’école et de l’établissement, de construire une véritable coopération entre les parents et l’école ».

Des annonces de rénovations à la fin de l’année

Enfin, cette longue lettre de rentrée annonce un plan « Marshall de rénovation des écoles ». « Le parc immobilier scolaire de la Polynésie est vétuste car la majorité des constructions datent d’avant 1990 et nécessitent une rénovation et une restructuration, pointe le ministre. Nos 35 établissements ont besoin de travaux ». Après Arue, Atuona, Mataura et Tubuai, et Taiohaequi bénéficient tous de nouveaux locaux ou équipements lors de cette rentrée, une programmation pluriannuelle de travaux sera annoncée en fin d’année 2023. « Toutes les ressources seront mobilisées, précise Ronny Teriipaia, les ressources propres du budget de la Polynésie, et les programmes financés par l’État, que ce soit au titre de la dotation globale d’investissement, du fonds exceptionnel d’investissement, et de l’agence nationale de rénovation urbaine ».

 

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