ACTUS LOCALESÉCONOMIE À Makemo, le Pays balaie les restes du fiasco éolien Charlie Réné 2023-12-25 25 Déc 2023 Charlie Réné Après être restées deux ans en activité et avoir rouillées pendant une douzaine d’années à terre, les éoliennes de Makemo vont être évacuées, comme 130 tonnes de déchets laissés par le « projet pilote » de Te Mau Ito Api. Coût de l’opération : 40 millions de francs pour le Pays, qui tourne la page d’une opération coûteuse menée à l’initiative de la Sdep de Dominique Auroy. La concession électrique de l’île est désormais confiée pour 25 ans à une filiale d’EDT qui doit installer, sur l’ancien site des éoliennes, une centrale hybride. Photovoltaïque, cette fois. C’est une page qui s’apprête à se tourner à Makemo, et pas la plus reluisante de l’histoire de l’atoll. D’ici le milieu d’année prochaine, les déchets issus de l’ancienne ferme éolienne devraient avoir été évacués de l’île des Tuamotu. La Direction polynésienne de l’énergie a lancé la semaine dernière un avis d’appel public à concurrence pour trouver le prestataire qui assurera cette lourde tâche. Lourde au sens propre : six cadavres d’éoliennes, totalisant 55 tonnes de mâts, pales, générateurs, nacelles ou haubans, gisent sur le sol depuis une douzaine d’années. S’ajoutent dans les locaux techniques, des transformateur, onduleurs, des pièces de maintenance diverses, des groupes électrogènes et électriques désormais inutilisables, et surtout 400 batteries toujours installées dans leur support en série. 130 tonnes au total, dont 37 de « déchets industriels sensibles » et 77 autres de ferrailles et métaux, que l’entreprise choisie aura six mois pour évacuer et faire recycler, à Tahiti ou en Nouvelle-Zélande. Quinze ans de galère à Makemo Ce chantier, attendu de longue date par les habitants de Makemo, sera financé entièrement sur deniers publics du Pays, pour une somme évaluée, dans le budget 2024, à 40 millions de francs. Une dernière dépense pour un « projet-pilote » qui aura été coûteux de bout en bout pour la collectivité. C’est en 2006 qu’a été créé la la société Te Mau Ito Api, avec à son capital la Spres et la Sedep de Dominique Auroy, grand promoteur du projet. L’idée : doter Makemo, dont la centrale électrique avait brûlé quelques années plus tôt, d’une centrale mixte thermique – éolienne. Une première en Polynésie et qui devait prouver que le modèle était exportable dans l’ensemble des Tuamotu. L’affaire était entendue avec le Pays, qui prend, quelques mois plus tard les deux tiers des parts de la société, désormais « d’économie mixte » et accorde une défiscalisation de 100 millions pour le matériel. Les éoliennes sont livrées fin 2007, et TMIA prend les manettes du réseau électrique de l’île au début de l’année suivante. Dès 2009, les éoliennes connaissent des problèmes techniques : elles seront définitivement couchées en 2011. Les causes sont multiples et débattues : manque d’expertise et d’investissement pour assurer la maintenance, insuffisante dès les débuts du projet, mauvaise prévision financière, obligation de facturer au même prix qu’à Tahiti… Les pertes s’accumulent pour la SEM, pas aidée, comme le note la CTC, par le fait que la commune tarde à lui reverser les redevances électriques – elle sera condamné pour ça – et que Makemo ne puisse pas bénéficier de la péréquation électrique, alors mis en place uniquement entre les concesisons d’EDT. 165 millions pour moderniser le réseau Sans éolienne, la production d’électricité repose uniquement sur des générateurs thermiques, et est rythmée par les pannes et les problèmes d’approvisionnement, quand ce ne sont pas les variations de tension qui font « cramer » les appareils. Les finances de la SEM, elles, sont encore plus déséquilibrées, et le Pays, actionnaire majoritaire, est plusieurs fois appelé à intervenir. En 2016, le gouvernement ne cache plus sa volonté de se débarrasser de la société dont le coût pour les finances publiques – du Pays, mais aussi de l’État – est alors estimé à 387 millions de francs. Une conciliation, un recouvrement de créance, et plusieurs procédures judiciaires plus tard, la liquidation sera finalement prononcée en 2019. Dans le laps de temps, le vice-président Nuihau Laurey, avait dénoncé, comme beaucoup d’autres, un fiasco « énergétique, juridique, financier ». Dominique Auroy lui, estimait toujours en 2019, dans un courrier de réponse à Tahiti infos, que les installations avait prouvé que « l’éolien constituait une bonne alternative pour la production d’électricité dans les Tuamotu ». Depuis lors, c’est le service des énergies, devenu récemment Direction polynésienne de l’énergie, qui assure en direct la gestion de l’électricité à Makemo. Une situation unique en Polynésie, et d’autant plus inédite que la commune continue de gérer en régie la production et la distribution à Katiu, Taenga, Raroia et Takume. Et le Pays sort encore le chéquier : un programme de mise au norme de la distribution à 165 millions de francs est lancé. Mais comme l’avait noté la chambre territoriale des compte en 2021, la DPE n’a vocation qu’a assuré un intérim après cet « échec ». Un premier appel d’offres pour trouver un nouveau concessionnaire électrique ne trouve aucun candidat. Un second est plusieurs fois retardé avant d’être lancé en 2022. Les réformes du cadre règlementaire de l’électricité – et notamment et la mise en place d’une péréquation Pays – ont aidé : un prestataire a fini par être trouvé, en milieu d’année 2023. Cinq pour retrouver le renouvelable Il s’agit d’Énergie de Polynésie (EDP) une filiale d’EDT-Engie créée en 2021 justement pour se positionner sur les renouvellements de concessions dans les îles. Aux manettes depuis le 1er octobre, EDP s’est engagé à étendre le réseau de l’île à des habitations non raccordées, mais surtout à investir dans une « unité de production d’énergie d’origine renouvelable », qui doit couvrir, d’ici 5 ans, la moitié des besoins électriques de l’atoll. Une unité qui doit être installée, justement sur le terrain occupé par les déchets éoliens. Engie n’a pas encore communiqué sur ses plans à Makemo, mais une chose est sûre : après toutes ces années de vent sur le renouvelable, l’atoll s’appuiera plutôt sur l’énergie solaire. L’atoll, qui devait être pionnier, sera finalement un peu en retard sur certains de ses voisins dans sa conversion au renouvelable. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)