ACTUS LOCALESÉCONOMIE Agences immobilières : le Pays fait la chasse aux « pratiques tarifaires excessives » Delphine Barrais 2024-02-16 16 Fév 2024 Delphine Barrais La soixantaine de détenteurs de la carte d’agents immobiliers ont reçu début février un projet d’arrêté du Pays visant à encadrer leur rémunération. Plafonds sur les taux de commission, frais maximum au mètre carré pour les locations… Les professionnels s’interrogent sur la légalité de telles mesures et pointent qu’elles ne permettront en rien de faire baisser les prix de l’immobilier. Le courrier du ministre de l’Économie et du budget, Tevaiti Pomare, est arrivé la semaine dernière chez les agents immobiliers. Il contient une copie du projet d’arrêté accompagné d’un courrier qui explique : « Dans un contexte de lutte contre la cherté de la vie, le gouvernement de la Polynésie française envisage d’introduire des mesures visant à encadrer la rémunération des personnes exerçant les activités d’entremise et de gestion des immeubles et fonds de commerce sur le territoire. Cette démarche vise à fixer les pratiques tarifaires liées aux ventes et à la location des biens immobiliers tout en offrant une protection contre d’éventuelles pratiques tarifaires excessives. » Aujourd’hui, les prix pratiqués sont librement choisis par les agents. Une liberté à laquelle sont visiblement attachés les professionnels, qui ne cachent pas leur scepticisme face à ce projet d’encadrement. D’abord sur sa faisabilité juridique. « La première question qu’on se pose est-ce que l’on peut réguler et imposer des plafonds dans un marché concurrentiel, en liberté d’application de tarif » note Hugues Cochard, de Reva Immo, qui s’étonne que les honoraires d’agents – « une toute petite partie du prix des biens fixés par les propriétaires » – soient pris pour cible pour limiter les prix de l’immobilier. Jacques Menahem, fondateur de Sotheby’s international Realty note lui que le gouvernement, pour introduire sa démarche, fait référence aux lois sur l’encadrement des services de grande consommation. « On n’est pas du café, du chocolat ou du sucre », s’agace-t-il. Plafonds déjà respectés, marché « autorégulé » L’arrêté, s’il entrait en vigueur, serait-il attaqué ? À voir. Car les plafonds de commission envisagés par le texte sur les ventes n’ont pas l’air de beaucoup inquiéter. 750 000 francs pour les biens de moins de 20 millions, aujourd’hui très rares, 7% pour les achats de moins 45 millions, 6,5% en dessous de 70 millions, 6% jusqu’à 95 millions et 5,5% au delà… Des tarifs qui seraient déjà équivalents ou supérieurs aux prix pratiqués. « Le tarif en tant que tel ne change pas tellement car ce sont les tarifs conseillés et appliqués par la grande majorité des agences, reprend Hugues Cochard qui assure que le marché s’autorégule par la concurrence. C’est une mesure qui, à notre avis, n’aura pas beaucoup d’effet ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/02/Immobilier-01-hugues-Cochard.wav Reste que cet encadrement, s’il entrait en vigueur, pourrait à terme se durcir, et les taux maximum fixés aujourd’hui pourraient facilement être diminués par arrêté. « Or, si cela arrive, nous ne pourrons plus rien dire car nous aurons accepté une première fois la régulation » note Jacques Menahem. Le problème avec les frais d’agence pour les locations Autre point qui interpelle : la limitation des frais d’agence pour les services « d’entremise en matière de location ». Des frais qui s’élèvent généralement à un mois de loyer partagé entre le propriétaire et le locataire et qui sont ramenés par le projet d’arrêté à un maximum de 2 220 Francs maximum par mètre carré de surface habitable. « Je pense que c’est une erreur pour deux raisons, reprend Jacques Menahem dont l’agence s’est taillée une place de choix dans le secteur du haut-de-gamme. Quelqu’un qui loue une maison de 200 mètres carrés en bord de mer à Punaauia a les moyens de payer les frais d’agences plus élevés que les mêmes 200 mètres carrés au fond de la vallée de Orofero, avec tout le respect que j’ai pour cette population. Deuxièmement, 80% du parc n’est pas métré, qui va métrer le parc, qui va contrôler ce métrage ? Cela laisse l’ouverture à des fraudes. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/02/Immobilier-02-Jacques-menahem-1.wav « D’autres solutions » pour agir sur les prix de l’immobilier Thomas Vigo, fondateur d’Hémisphère Sud Immo, jeune agence qui communique justement sur ses frais fixes et ses moindres commissions, n’est pas plus convaincu par le projet. Et pourtant, « des solutions existent pour agir sur le prix de l’immobilier » assure-t-il. Le professionnel cite notamment la sortie de l’indivision, qui malgré quelques avancées sous la précédente mandature doit être encore facilitée pour libérer du foncier. Ou encore la régulation du AirBnb, qui paupérise le parc privé et participe à la montée des prix. Interrogé il y a quelques jours, le ministre des Finances Tevaiti Pomare préférait pourtant voir dans l’explosion de ce type de logements saisonniers un bienfait pour le développement touristique plutôt qu’un facteur dans la crise du logement. Et quitte à réguler le secteur des agences immobilières, pour Thomas Vigo, c’est plutôt au « salariat déguisé » que les autorités devraient s’attaquer. L’arrêté doit entrer en vigueur trois mois après sa publication au Journal officiel. Ce pourrait être pour le mois de septembre. Dans l’attente, les professionnels de l’immobilier, comme des autres principaux secteurs d’activité du fenua, sont invités à participer le 27 février à une journée organisée par le ministère de l’Économie et des Finances sur la réforme fiscale. « Comment adopter la fiscalité aux enjeux de notre société, son développement, son devenir ? », voilà la thématique. Qui pourrait donner lieu à beaucoup de débats. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)