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‘Ori tahiti à l’Unesco : « Pour nous, cette fois, c’est la bonne »

De retour d’un déplacement en métropole, la vice-présidente Éliane Tevahitua a fait le point sur la relance de l’inscription du ‘ori tahiti au patrimoine immatériel de l’humanité. L’optimisme est de mise après les discussions avec plusieurs responsables nationaux, qui doivent rendre un rapport sur les différentes candidatures de cette procédure : ganterie de Millau, carnaval guyanais ou cognac… La compétition sera rude, et c’est le Président de la République qui aura le dernier mot, avant un débat en 2026 devant l’Unesco. En 2018, il avait donné la priorité à la yole martiniquaise plutôt qu’au ‘ori tahiti. 

Comme Minarii Galenon et Tavini Teai mercredi, la vice-présidente a tiré ce matin un bilan de sa dizaine de jours de visite en métropole. De Paris à Londres, la membre du gouvernement en charge, notamment, de la Culture et de l’Environnement, a parlé de restitution d’archives, de prêts de nouveaux objets au musée de Tahiti, notamment des to’o de la collection Pomare et de précieux ti’i ramenés par les navigateurs européens. Elle a aussi évoqué la restitution de restes humains polynésiens à leur île, ou encore de résidences d’artistes à Paris. Mais « l’objectif essentiel » de ce voyage, c’était bien de faire avancer le dossier du ‘ori tahiti vers une inscription au patrimoine immatériel mondial de l’Unesco.

Se relever après une « très grande déception »

Un dossier qui n’est pas neuf, puisque le gouvernement d’Édouard Fritch et de Heremoana Maamaatuaiahutapu avait obtenu, en 2017, l’inscription du ‘ori sur l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français. Une étape obligatoire pour prétendre à la reconnaissance internationale, sollicitée dès l’année suivante auprès de l’État, qui peut soutenir un dossier devant l’Unesco tous les deux ans. Cette première tentative s’était soldée par un échec et une « très grande déception » parmi les défenseurs de cette inscription, au premier rang desquels le Conservatoire artistique de Polynésie française, qui avait participé à la préparation du dossier. Pas de nouvelle tentative, donc, ces dernières années, jusqu’à ce que le gouvernement Brotherson et Éliane Tevahitua ne se décident à relancer la procédure. Le 21 février, alors que la vice-présidente s’apprêtait à partir vers Paris, le conseil des ministres renouvelait d’ailleurs officiellement son soutien a cette candidature. Cette fois-ci, c’est la bonne ? « Pour moi oui, pour toute la délégation qui m’a accompagnée aussi, c’est la bonne, explique-t-elle, relatant des échanges enthousiasmants avec les responsables parisiens sur ce dossier. Maintenant, la décision en reviendra au président de la République. »

Avant l’Élysée, il faudra d’abord attendre le rapport du Comité du patrimoine ethnologique et immatériel, attendu entre avril et mai de cette année, et qui doit porter un regard sur l’ensemble des dossiers prétendant à l’inscription internationale. Car le ‘ori n’est pas seul : la ganterie de Millau, le carnaval guyanais, ou encore le cognac, un adversaire de poids veulent aussi leur nom à l’Unesco. Éliane Tevahitua et Fabien Dinard, qui faisait partie de la délégation en métropole, estime toutefois que le passage devant le comité national s’est « très bien passé ». « C’est un super bon dossier, et je pense que nous avons fait très bonne impression, s’enthousiasme le directeur du conservatoire. D’ailleurs ils ne nous ont posé que cinq questions, car tout était dans l’exposé. »

Pas de candidature commune avec les autres danses polynésiennes

Un dossier très riche avait déjà été préparé en 2017 et 2018, mais les procédures ont évolué, les points d’intérêt aussi. La nouvelle version met l’accent sur les bénéfices d’une inscription en termes de développement durable, sur le caractère social et éducatif de la danse, les retombées économiques de sa pratique, son rayonnement international, et insiste sur le caractère central du ‘ori Tahiti dans la culture traditionnelle. « Le ‘ori, ça n’est pas que la danse, c’est aussi la musique et le chant, la promotion de la langue, qui est très importante pour nous, l’artisanat pour les costumes… » liste le responsable du CAPF. Lors des auditions précédentes, le comité avait suggéré de se rapprocher d’autres pays polynésiens pour présenter une candidature internationale, beaucoup plus facile à faire inscrire à l’Unesco. Hors de question, tant pour le gouvernement que pour le Conservatoire : « les danses de Samoa, de Tonga ou le hula hawaiien n’ont rien à voir avec le ‘ori Tahiti. »

Le comité aurait, cette fois, été très sensible au caractère vivant de cette pratique culturelle : le conservatoire, avec ses 1 400 élèves, la moitié des effectifs étant inscrits en danse, serait « la plus grosse école d’arts traditionnels de la République ». « On voit l’engouement qu’a notre jeunesse pour le ‘ori Tahiti et pour la culture traditionnelle, ils sont en train de se réapproprier leur identité, continue Fabien Dinard. et c’est très important pour eux, parce qu’il nous ont dit qu’en France, ça ne marche pas, le parcours culturel à l’école. Nous ça fonctionne, les parents reviennent à l’école pour partager leur savoir… On est en pleine réappropriation culturelle. »

L’Unesco pas avant 2026

La ministre de la Culture, Rachida Dati, elle aussi, aurait été sensible à ce discours. C’est elle qui sera la destinataire du rapport du comité du patrimoine, et qui formulera, auprès d’Emmanuel Macron, une recommandation. Le chef de l’État pourra toutefois se faire son propre avis. C’est ainsi que l’Élysée avait choisi, en 2018, la yole martiniquaise, alors que le ‘ori semblait favori. Ce choix pourrait attendre la fin d’année, et ce ne sera qu’une étape dans la procédure : pour convaincre le comité international et l’Unesco, le Pays et le conservatoire devront lancer un long travail de précision du « bien » à classer, avec notamment la création d’un répertoire et d’une classification des pas. Si inscription il y a, « ce ne sera qu’en 2026 », précise Eliane Tevahitua.

Une inscription pour quoi faire ? Créer un « label international » autour du ‘ori. Pour protéger la pratique, normaliser son enseignement, avec peut-être, à terme, des agréments à obtenir pour les écoles, et pour éviter que le succès mondial de cet art ne le dénature. « Aujourd’hui il y a plus de pratiquants à l’extérieur du pays que d’habitants dans toute la Polynésie, rappelle le directeur du conservatoire. Il faut que tout ces gens sachent que s’ils veulent trouver le vrai ‘ori, il faut venir ici, et pas à Los Angeles, Tokyo ou Paris. »

À noter que le passage devant l’Unesco des Marquises, qui visent, elles, une inscription sur la liste distincte du Patrimoine mondial – au titre des biens mixtes naturels et culturels – est toujours prévu pour juillet prochain. L’assemblée générale aura lieu à New Delhi, en Inde. « Les autorités de l’État nous ont réitéré l’assurance de leur fort soutien dans ce dossier », précise Eliane Tevahitua.

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