ACTUS LOCALESPOLITIQUE Nouvelle-Calédonie : le projet de loi constitutionnelle voté par les députés après un débat tendu Charlie Réné 2024-05-14 14 Mai 2024 Charlie Réné Après deux longues soirées de débat, l’Assemblée nationale a fini par voter le texte contesté de dégel du corps électoral. 351 députés, de la majorité présidentielle, de droite et d’extrême-droite ont voté cette réforme qualifiée « d’impératif démocratique », puisqu’elle va permettre à des milliers de résidents calédoniens de voter pour la première fois aux provinciales. 153 élus de gauche, en revanche, ont refusé ce « passage en force » de l’exécutif sur un texte refusé par les indépendantistes. Ils accusent Gérald Darmanin, d’avoir « abandonné la neutralité de l’État » au profit des loyalistes, et d’être responsable des tensions actuelles sur le Caillou. La réforme, déjà votée au Sénat, ne devrait pas être confirmée tout de suite en Congrès à Versailles : l’État espère un retour des indépendantistes à la table des négociations. Pour la deuxième soirée consécutive, le projet de réforme constitutionnelle sur le corps électoral de Nouvelle-Calédonie a emmené les députés loin dans la nuit. Les débats, qui ont fréquemment viré à l’affrontement politique auraient d’ailleurs pu durer plusieurs heures de plus, voire être encore une fois reportés au lendemain si la minorité de gauche, opposée au texte, n’avait pas retiré en bloc ses amendements, aux alentours de 23 heures, heure de Paris. Pas par courtoisie : une bonne partie des 220 amendements n’étaient que des prétextes allonger la discussion. Pour tenter de convaincre la majorité présidentielle de reporter le vote d’après la gauche. Pour faire « obstruction » pour Gérald Darmanin. Mais tout le monde, à Paris, en convenait : les émeutes que connait Nouméa depuis plus de 48 heures et qui se sont poursuivies la nuit dernière imposaient de ne pas laisser le Caillou dans l’incertitude plus longtemps. Ce texte, déjà étudié au Sénat, mais qui doit, pour être applicable, être voté lors d’un Congrès réunissant les deux chambres du Parlement, met fin au « gel » du corps électoral provincial obtenu voilà plus de 15 ans par les indépendantistes. Une manière pour le FLNKS ne lutter contre la « dilution » de la population Kanak par les arrivées d’électeurs métropolitains. Depuis lors, seuls les citoyens inscrits sur les listes électorales calédoniennes avant 1998 – date de l’Accord de Nouméa – peuvent choisir les élus des assemblée de Province et du Congrès calédoniens. Le texte voté cette nuit doit permettre à environ 25 000 résidents du Caillou – installés depuis plus de 10 ans ou natif du pays – de participer aux prochaines élections, programmées pour la fin de l’année. Ce qui devrait donner un avantage important au camp anti-indépendantiste. « Passage en force » et ministre « plus légitime » Sur les 504 députés qui se sont exprimés sur la réforme, 351 ont voté pour. Il s’agit de l’essentiel des groupes liés à la majorité présidentielle, à la droite ainsi que les élus du RN. Un groupe de député du Modem, ainsi que les élsu du groupe centriste Liot ont toutefois voté avec la minorité de gauche (La France Insoumise, PS, GDR), pour un total de 153 voix contre le texte. Des opposants qui ont plusieurs fois, pendant ces deux jours de débats, dénoncé un « passage en force » du gouvernement, un « texte incendiaire » qui rompt avec cette réforme avec la culture du consensus qui fait loi sur le dossier calédoniens depuis les accords de Matignon de 1988 et les évènements sanglants qui les ont précédés. Seuls les loyalistes – dont un des représentants, Nicolas Metzdorf, a été désigné rapporteur du texte, alors que les lois constitutionnelles sont habituellement portées par les présidents de commission des lois – soutiennent en effet ce dégel. Les indépendantistes, s’ils n’y ont jamais entièrement fermé la porte, le conditionne à des négociations plus larges sur la poursuite du processus de décolonisation, le rééquilibrage économique, des décisions sur la filière nickel, et l’évolution institutionnelle. Cet « accord plus large » est d’ailleurs « voulu par tous », comme l’ont noté les différents groupes de l’assemblée et le texte voté prévoit même qu’en cas de protocole signé, une autre modification constitutionnelle pourraient intervenir avant les élections de décembre. « Qui y croit vraiment ? » a interrogé Bastien Lachaud, député de la France Insoumise pour qui il s’agit seulement de mettre sous pression le camp indépendantiste et de donner une majorité confortable au camp loyaliste dans les institutions calédoniennes. Aucun doute, pour lui, comme pour les autres élus de gauche : Gérald Darmanin, qui porte ce texte pour le gouvernement, a une responsabilité dans l’explosion de violence que connait le Caillou et prend le risque d’y effacer complètement 40 ans de processus de paix. « Vous assumerez les conséquences de vos actes », ont plusieurs fois lancé les groupes d’opposition. Pour eux, comme pour Tematai Le Gayic, vu la situation à Nouméa, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer est devenu « illégitime » par sa prise de partie systématique pour les Loyalistes. Il doit être dessaisi du dossier au profit de Matignon comme l’ont déjà demandé, dans une tribune, les trois anciens Premiers ministres Manuel Valls, Jean-Marc Ayrault et Édouard Philippe. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/05/NC-Tematai-sur-Darmanin.wav Une « étape » et une « main tendue » Du côté des partisans de la réforme, on se félicite d’une « victoire pour la démocratie ». « Il n’est plus acceptable qu’aujourd’hui la proportion des électeurs exclus du droit de vote aux élections provinciales et du Congrès s’élève à pratiquement 20 % », a estimé le député LR Philippe Gosselin. Le député Renaissance calédonien Philippe Dunoyer a parlé de ce texte comme d’une « étape » dans la construction de l’avenir calédonien. Emmanuel Macron a en effet déjà précisé qu’il ne convoquerait pas un Congrès à Versaille « dans la foulée » pour entériner la réforme constitutionnelle. Et a plutôt invité à Paris les loyalistes et indépendantistes pour reprendre des négociations qui patinent depuis plus de deux ans. En fin de séance, Gérald Darmanin, au front pendant ces deux jours de discussion, et qui n’a pas hésité à accusé les opposants aux texte de faire le jeu des émeutiers de Nouméa, a ainsi rappelé que « le gouvernement tend la main à un accord global ». Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a aussi regretté au micro « qu’il n’y ait pas eu unanimité sur les bancs de l’Assemblée nationale pour condamner les actions contre les policiers et les gendarmes. on aurait pu croire que les pillages, d’incendies et de menaces de morts étaient une pression sur les élus de la République. Malheureusement, les élus de la France insoumise et du groupe GDR ont considéré que ça faisait partie du débat qui devait se dérouler. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/05/NC-DARMANIN.wav Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)