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Décharge de Mumuvai : la mairie de Faa’a ne se défend même pas


Le tribunal administratif étudiait ce matin un recours de l’association La Planète Brûle contre la décharge de Faa’a, exploitée sans autorisation, sans respect des normes et sans titre de propriété depuis une soixantaine d’années. Le rapporteur public a proposé d’astreindre la commune à obtenir les permis nécessaires sous six mois. Inutile, jugent les requérants : Mumuvai ne sera jamais aux normes, et la mairie d’Oscar Temaru, qui n’était pas représentée et n’a pas déposé de conclusions, n’a jamais respecté les injonctions dans ce dossier.

Pas de représentants de Faa’a au tribunal administratif ce matin. La commune dirigée par Oscar Temaru joue pourtant gros : les juges étudiaient une requête visant à faire cesser l’exploitation de sa décharge municipale, où sont déposés les déchets de la commune depuis 1964. À l’origine du recours, l’association La Planète brûle, qui s’était déjà attaquée en 2022 à la pollution causée par la station d’épuration de Tiapa, à Paea. Avec succès : la commune avait été contrainte de passer à l’action pour faire cesser les rejets d’eaux souillées dans le lagon. Même idée de faire « bouger les choses », mais avec un plus gros morceau : 60 000 mètres carrés de terrain, sur les hauteurs de Saint-Hilaire, où Faa’a enfouit ses déchets en toute illégalité. Ni titre de propriété – le tribunal foncier et les juges parisiens traitent les recours des ayants-droits depuis de longues années -, ni autorisation d’exploitation – évidemment nécessaire pour ce type « d’installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE), ni, par conséquent, d’application des normes en vigueur. Pour La Planète brûle, et son avocat Me Emmanuel Mitaranga, il est grand temps d’ouvrir « une nouvelle ère » : « une ère ou la commune de Faa’a respectera les règles environnementales ».

L’association ne sort pas le dossier de nulle part : les signalements de pollution et de nuisances olfactives sont sur la table depuis au moins 20 ans et dès 2014, une information judiciaire avait été ouverte par le parquet pour des faits de « pollution, d’exploitation non autorisée d’une installation classée, et dégradation du bien d’autrui ». Elle est toujours en cours. En 2018, la Chambre territoriale des comptes avait recommandé la fermeture pure et simple d’un site accusé de dégrader le milieu naturel, des sols au lagon en passant par les eaux de rivière, de représenter un danger pour les riverains ou les agents municipaux.  Ainsi qu’un coût exorbitant pour la commune, la seule de Tahiti à ne pas avoir adhéré au syndicat Fenua Ma spécialisé dans le traitement des déchets.

Et pourtant le rapporteur public n’a pas conclu à une obligation de cessation d’activité, mais à une « régularisation ». Le magistrat relève que ce n’est pas au juge administratif de faire fermer un tel site mais à une juridiction civile pleinement compétente en matière d’installation classée. Si les juges administratifs suivaient ce raisonnement, Faa’a aurait six mois pour déposer une demande d’autorisation ICPE, avec une astreinte de 100 000 francs par jour de retard.

« On ferme et on fait un golf »

Rentrer dans les clous plutôt que de fermer le site ? Difficilement imaginable pour Me Mitaranga, qui se félicite tout de même de voir le rapporteur public faire droit à son recours. Parce que Faa’a n’a pas la maitrîse foncière de Mumuvai, parce que plusieurs décennies de déchets mal traités et non triés – 700 000 tonnes d’après une estimation de 2022 – s’y sont accumulées, et parce que la gestion actuelle est loin de répondre aux obligations réglementaires.

« Faire une demande d’ouverture d’installation classée, pour l’association La Planète Brûle, ne résoudra pas le problème. Ce qu’il faut que la commune de Faa’a fasse, c’est adhérer au syndicat Fenua Ma pour que ses déchets soient traités au CET de Paihoro, explique l’avocat. Tout ça est très documenté, le CET a la capacité technique et la capacité de stockage pour ça. » Des études du syndicat suggèrent effectivement qu’il n’y a pas de « difficultés techniques rédhibitoires » pour intégrer Faa’a. Mais que ce nouvel adhérent, et ses 30 000 habitants, feraient tout de même baisser de deux à trois ans l’espérance de vie de Paihoro, aujourd’hui estimée à plus d’une décennie, et que les autorités travaillent à rallonger. « C’est un autre débat, plus large, sur la gestion des déchets en Polynésie », reprend le conseil de l’association. L’urgence, à l’entendre, est bien de mettre fin aux pollutions liées à l’exploitation de Mumuvai.

« On ferme et on fait un golf », lance l’avocat devant les juges. L’idée n’est d’ailleurs pas de lui. Oscar Temaru, golfeur invétéré, et qui milite depuis des décennies pour l’ouverture d’autres parcours à Tahiti, a déjà fait ouvrir un practice et un 9-trous sur des anciens sites d’enfouissement réhabilités en amont de la décharge actuelle. Et parle encore fréquemment d’étendre ce petit golf à terme.

« Cela fait 60 ans qu’on philosophe », place à l’action

L’autre raison pour laquelle une injonction de mise aux normes pourrait être inefficace, c’est l’attitude de la mairie de Faa’a dans ce dossier. La seule réponse aujourd’hui accordée à l’association a été des accusations d’être « partiale » et « téléguidée ». Les services municipaux assuraient bien en janvier au micro de Radio1 avoir modernisé, ces dernières années, le site, ses liners, ses évacuations ou ses protocoles de prévention des incendies. Mais la mairie n’avait pas l’intention de défendre son action au tribunal : pas représentée à l’audience, elle n’avait pas pris d’avocat et pas non plus déposé de conclusions dans ce dossier… Rien de nouveau. Faa’a n’avait déjà fait que peu de cas de l’ouverture d’une information judiciaire pour pollution. Et son tavana avait, en 2018, balayé les critiques de la Chambre territoriale des comptes dans une lettre cinglante.

« Ça fait des années que cette situation perdure, la commune n’a jamais réagi, et elle ne réagira semble-t-il, pas même s’il y a une injonction », reprend Me Mitaranga, qui a invité Victor Hugo dans son argumentaire : « Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action”, écrivait l’auteur. Or dans ce dossier « cela fait 60 ans qu’on philosophe ».

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Jt Vert 29/05/2024

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