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Recensement général agricole : les chiffres d’un secteur en déclin continu

L’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF), en présence des ministres de l’Agriculture et de l’Économie, a dévoilé ce jeudi les premiers résultats du recensement général agricole. Le précédent remontait à 2012. Avec 4 080 exploitations agricoles, dont presque 1 200 entièrement dédiées au coprah, le fenua a perdu 22% de ses exploitations en 11 ans. 9 500 personnes y travaillent, soit 6 000 de moins qu’en 2012. Les données recueillies doivent servir à mieux orienter les politiques publiques de ce secteur en déclin continu.

Évaluer l’évolution de l’agriculture polynésienne, orienter les politiques publiques et alimenter le registre de l’agriculture créé en octobre 2023 sont les objectifs de ce travail, effectué sur le terrain d’août à décembre 2023 par 60 enquêteurs, munis de tablettes pour géolocaliser les exploitations et ainsi affiner le système d’information géographique de la Direction de l’agriculture.

Certains enquêteurs ont même sillonné les Tuamotu en voilier durant trois mois, pour faire un focus sur les cocotiers polynésiens : « Pour nous, ce qui était important c’est d’avoir un regard sur la cocoteraie, ce travail de recensement n’avait jamais été réalisé. C’est une volonté forte du gouvernement de développer le cocotier, mais pas que dans le coprah, mais dans toutes les filières complémentaires, notamment dans les Tuamotu de l’Est où c’est la ressource primordiale », explique le ministre Taivini Teai.

Le recensement a donc dénombré 4 080 exploitations agricoles, dont 1 194 consacrées exclusivement au coprah. Un chiffre inférieur de 22% à celui de 2012, soit une perte annuelle de 2% des exploitations, dans la norme nationale. Les surfaces consacrées aux cultures végétales (hors cocoteraies) totalisent 3 135 hectares, répartis entre les îles du Vent (43%), les Marquises (27%), les Îles Sous-le-Vent 18% et les Australes (11%).

Cultures maraîchères en progression, cultures vivrières, fruitières, florales et aromatiques en recul

Les cultures maraîchères ont progressé depuis le précédent recensement, tant en nombre d’exploitants (+7%) qu’en surfaces cultivées (+15%). En revanche, on note sur les 11 dernières années une baisse de 46% du nombre de cultivateurs de produits vivriers (taro, manioc, fei, etc). Le nombre de cultivateurs de fruits a, lui, baissé de 30% mais la surface cultivée a augmenté de 4%. Les exploitations de feuillages et cultures florales baissent en nombre d’exploitations mais augmentent leurs surfaces, tandis que les cultures de plantes aromatiques (comme notamment la vanille) et médicinales baissent sur ces deux indicateurs.

Élevage :  tendance stable ou à la hausse

Les élevages les plus nombreux sont les élevages porcins, et ils se développent. On compte cette année 453 exploitations et 16 000 animaux. Viennent ensuite les apiculteurs, ils sont 212 et le nombre de ruches a doublé depuis 2012, année d’arrêt des importations de miel. On compte aussi 126 élevages de volailles, qui produisent 43,6 millions d’œufs par an. Là aussi, du développement : l’épidémie de salmonellose a suscité l’installation de petits élevages dans les îles. Taivini Teai souligne que le gouvernement veut encourager cette filière, tant pour les poules pondeuses que pour les poules de chair. Enfin on dénombre 176 élevages bovins et un nombre stable de 4 500 animaux, mais la filière a besoin d’amélioration génétique. Deux abattoirs vont être construits, l’un à Raiatea, l’autre à Nuku Hiva.

9 500 personnes travaillent dans l’agriculture, 6 000 de moins qu’en 2012

Les exploitants agricoles ont en moyenne 49 ans, un âge qui reflète toujours le peu d’attractivité de l’agriculture pour les jeunes, malgré des formations bien présentes sur le territoire.

La population active dans ce secteur est évaluée à 9 568 personnes (c’est 6 000 de moins qu’en 2012), représentant 5 051 équivalents temps plein (ETP). 61% de l’emploi en ETP est fourni par les chefs d’exploitation et co-exploitants, 21% est fourni des membres de la famille. 80 % des chefs d’exploitation indiquent que leur travail sur l’exploitation est leur activité principale, mais seulement 25% d’entre eux le fait à temps complet. 10% exercent une activité salariée, 4% sont retraités, les autres sont commerçants, pêcheurs ou artisans.

Enfin 31% des exploitants agricoles sont des femmes, un chiffre en augmentation par rapport à 2012.

Des agriculteurs sans formation initiale agricole

En 2012 50% des agriculteurs disaient ne pas avoir été au collège. Ils ne sont plus que 29% aujourd’hui. 30% sont allés jusqu’au lycée, contre 19% en 2012, et 6% ont un niveau post-Bac.

En revanche – c’est dû à l’âge moyen encore élevé – 91% des chefs d’exploitation n’ont pas suivi de formation initiale agricole. La Direction de l’agriculture constate d’ailleurs que beaucoup d’exploitants sont en « demande de renseignements technique plus que d’aides matérielles ». Seulement 17% de ces chefs d’exploitation ont suivi un module de formation continue.

Préparer le statut de l’agriculteur et son intégration dans la protection sociale pour motiver la jeunesse

Pour le ministre de l’Économie, Tevaiti Pomare, ce recensement est le support de réflexion sur le futur statut de l’agriculteur, et sur l’évolution de la protection sociale généralisée. Si 8 agriculteurs sur 10 se disent satisfaits de leur métier, les jeunes restent peu intéressés. C’est souvent l’aspect « familial » qui les freine. « On ne valorise pas assez le métier », dit Tevaiti Pomare. Le ministre espère que la perspective d’avoir une couverture sociale motive davantage les jeunes à s’orienter vers le secteur primaire.

Avec davantage de formations initiales et continues disponibles, une couverture sociale digne de ce nom, un soutien accru aux coopératives peu prisées des générations précédentes, et l’objectif d’ouvrir 800 hectares de nouvelles terres agricoles, le Pays espère motiver les plus jeunes et créer la relève.

 

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1 Commentaire

  1. Claude Alix
    12 juillet 2024 à 11h25 — Répondre

    Alors que tous s’entendent pour que notre secteur primaire participe à une meilleure autosuffisance alimentaire, reste tout de même un problème majeur, qui handicape et obère de nouveaux développements d’avenir.

    Notre cocoteraie, telle quelle est exploitée aujourd’hui, est un frein, pose problème.

    Cette monoculture « coloniale » a transformé les atolls, rasé les forêts et fait des dégâts considérables sur l’environnement sans compter le mode de vie des populations.

    Elle perdure à grands frais , artificiellement, dans un consensus général.
    Le coprah est payé largement en dessous du prix marché , pour l’export, mais on paye plein pot tous les produits que l’on consomme sur place. …?

    Ce non sens économique est anachronique et ne va pas dans le sens de la stratégie du Pays.
    Garder le système tel quel est un choix parfaitement politique .

    Il faut fixer les populations dans leurs îles et cela justifie cet immobilisme coupable…
    Cet amortisseur social avéré parasite le primaire au plus haut niveau et on pourrait envisager de cesser un mélange des genres pour se poser les bonnes questions.

    Récolter du coprah, c’est mieux que rien mais les jeunes aspirent à des revenus supérieurs.
    Est ce un bon amortisseur social?

    Peut -être pourrait on envisager d’aider sérieusement tous les projets expérimentaux,, cultures innovantes sur sites , par principe. Un vase communiquant , à subventions constantes.

    Les fosses à taros des Tuamotu existent toujours et ne demandent qu’à produire de nouveau. Des publications d’un passionné du sujet permettent de prendre connaissance des méthodes et pratiques nécessaires et suffisantes.

    Des matières organiques compostées pour nourrir la fosse et de beaux taro frais neuf mois après.

    Planter entre les arbres, à la place de , les possibilités sont nombreuses.

    Figuiers, pitayas, kavas, … le moindre nombre d’insectes nuisibles est un avantage et les plantes sont saines.

    Des séchoirs « modernes », révolutionnaires ici, à fruits, poissons, etc, sont visibles sur internet avec un peu de recherche. Ils sont susceptibles d’aider à vendre en transformant et en amenant une valeur ajoutée.

    Il serait utile de constituer un catalogue de « possibles » et de le rendre consultable pour tout un chacun. Dans l’exploitation du milieu par les ascendants et les solutions des autres sociétés mondiales, il y a de quoi faire.

    S’agissant des nombreux produits dérivés du cocotier, ils pullulent de part le monde , mais , ne sont pas exploitables localement, pour la plupart.
    Je vois mal les exploitants passer d’un arbre à l’autre pour récolter le suc des fleurs afin de produire du sucre.
    De la même façon, on peut noter qu’ici, on paye l’huile de coco vierge à des prix astronomiques. Protéger la production locale, c’est bien, mais contre productif à certains égards…
    De l’huile alimentaire au prix du cosmétique, la conso ne va pas exploser…

    Si l’on passe à une vision pragmatique et à court terme, il est essentiel d’avoir un peu d’ouverture d’esprit et de prospecter le reste du monde.
    Répertorier, évaluer, filtrer les produits et exploitations diverses et variées reste à faire et à faire connaitre…

    Certaines solutions ne seront pas adaptables ou rentables par rapport à des coûts de main d’œuvre dérisoires, mais d’autres mériteraient d’être étudiées.

    Des films en fibres biodégradables pour couvrir les sols agricoles, toutes les tailles et formes de pots , du charbon de noix pour la filtration, l’inventaire est riche…
    Remplacer le plastique , c’est bon pour les sols et avec un soutien du pays, pourquoi pas? A vérifier.

    En Inde, certaines tâches peuvent être mécanisées et des machines très spécialisées
    seraient efficientes localement pour être raisonnablement compétitifs sur le prix . (débourrer, traiter les fibres industriellement, , etc…)

    Des toitures en niau, je n’en voie plus et pourtant pour avoir vécu sous ce type de couverture, c’est un bon matériau qui mériterait d’être valorisé.

    Des bonbons coco et confiseries dans un beau packing, Hawaii en vend aux touristes en volume, pourquoi pas nous?

    En conclusion, ôter le cocotier qui vous aveugle, de votre œil, et votre vision s’améliore.

    Enfin, on peut progresser et espérer des solutions innovantes ou même du passé pour nourrir mieux et offrir des revenus plus satisfaisant aux futurs entrepreneurs.

    Cette analyse peut heurter mais ce n’est qu’une opinion, à charge pour les personnes de pouvoir ,de porter une réflexion plus globale et plus experte sur ces sujets.

    Le gouvernement s’est doté d’un Ministre de l’Agriculture dynamique, de qualité et je lui souhaite bien du courage au vu du travail considérable qui lui incombe avec cet héritage d’un autre temps qui s’est imbriqué dans la vie des Polynésiens jusqu’à devenir traditionnel et culturel.

    Bonne réflexion,

    Claude

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