ACTUS LOCALESÉDUCATION

Ronny Teriipaia : « il faut rappeler aux parents que les premiers éducateurs, ce sont eux »

Quelques jours après la rentrée des classes, le ministre de l’Éducation revient sur les chantiers et les défis à venir pour l’école polynésienne. Nouveaux rythmes scolaires qui ne sont « pas figés », place du reo ou de la culture polynésienne qui va dès cette année se « renforcer », calendrier qui pourrait être, à terme, retourné avec une rentrée scolaire en début d’année civile… Ronny Teriipaia est bien décidé à réformer « en profondeur » le système éducatif. Et il dit avoir besoin, pour cela, de l’aide de tous, y compris des parents, accusés d’être de moins en moins impliqués dans la scolarité de leurs enfants. 

La rentrée « ça n’est pas qu’une journée », mais une « période cruciale ». Et pas seulement pour le ministre de l’Éducation, qui enchaîne les visites et les rencontres depuis la semaine dernière. Entre deux réunions, Ronny Teriipaia a pris le temps d’expliquer sa vision de l’année scolaire à venir, telle qu’il l’a déjà développée dans sa lettre de rentrée, diffusée le 8 août, à la veille de sa mise en examen pour provocation à la haine raciale. Le débat judiciaire, il préfère le laisser à son avocat. Lui veut se concentrer sur ses grands projets pour l’école. Et s’adresser, après les enseignants, aux parents d’élèves. Aucun doute pour le ministre : les familles ont un plus grand rôle à jouer dans ce système éducatif qu’il veut « réformer ». Et les choses vont selon lui plutôt dans le mauvais sens : l’ancien instituteur, devenu premier agrégé de reo tahiti, note une  baisse globale « d’implication » des parents dans la scolarité de leurs enfants.

La culture pour faire revenir les parents dans les écoles

Un constat pas vraiment nouveau dans le monde enseignant où « de plus en plus de conseils de classe se font sans parents », faute de candidats. Et la période de la rentrée permet d’après Ronny Teriipaia de confirmer cette baisse d’intérêt : « on voit des parents qui n’entrent même plus dans les maternelles avec leurs enfants pour leur premier jour, ou qui rentrent et qui restent sur leur portable pendant tout ce temps. C’est fou ! Ça n’est pas tout le monde, mais il y en a de plus en plus, insiste-t-il. On a l’impression que certains ne s’intéressent plus du tout à l’école, que c’est seulement le travail des enseignants de s’occuper des enfants, que l’école c’est une garderie. Non ! Les parents ont un rôle important, notamment à la rentrée, où il faut faire en sorte que les enfants se sentent bien et prennent plaisir à aller à l’école, tout simplement. »

D’où son appel à la « remobilisation » : « il faut rappeler aux parents que les premiers éducateurs, ce sont eux. Ça ne peut pas être à chaque problème la faute des enseignants ». D’où, aussi, l’idée de « remettre la culture polynésienne au centre de l’école ». « Ça doit permettre de réconcilier les familles qui sont en rupture avec l’institution, pour des raisons qui leur sont propres, et de véritablement mettre en place un partenariat entre les écoles et les parents. »

Là n’est pas la seule justification de son projet pour l’école polynésienne, qu’il veut faire avancer à grands pas vers la différenciation avec la métropole. Ou plutôt « l’adaptation à notre pays », dit-il. L’adaptation des programmes scolaires, qui doit être toujours plus poussée, et de manière interdisciplinaire, « pour faire en sorte que l’élève polynésien se connaisse mieux ». L’adaptation du cadre linguistique avec une « concrétisation », dès cette année, de certains axes annoncés à sa prise de fonction. Après le pôle des langues et cultures polynésiennes qui fournit des « palettes d’outils » aux enseignants du primaire pour « faire parler un maximum les élèves », le « plan reo » doit développer des formations massives, à partir de 2025, à tous ceux qui sont, dans le corps enseignant, en « insécurité linguistique ». Le ministre a aussi demandé, dès cette rentrée, à faire passer à de 2 à 3 heures hebdomadaires la pratique du reo ma’ohi dans le primaire, et de 1 à 2 heures les cours de langue en sixième pour les quelques collèges qui ont les enseignants nécessaires.

Quant au projet de donner au reo ma’ohi un caractère obligatoire jusqu’à la terminale – c’est pour l’instant le cas en primaire, puis une LV2, et donc un choix, à partir de la 5e – il est « discuté », comme d’autres sujets, avec l’État. « Tout est une question de postes, de budget », explique Ronny Teriipaia qui parle d’une communication « qui passe très bien » avec les services nationaux en charge des ressources humaines de l’éducation, mais de rapports « plus difficiles » avec le vice-recteur Thierry Terret, « qui est censé nous accompagner dans la mise en place de notre politique éducative. »

Réforme du calendrier : « On préfère que les enfants aillent en classe quand il fait plus frais »

« L’objectif principal, c’est d’offrir à nos enfants le contexte éducatif le plus adapté possible à la réalité culturelle et géographique, mais aussi à la réalité climatique », ajoute le ministre, en référence au chantier annoncé du calendrier scolaire. Un chantier qui est en fait plus large : il s’agit de « repenser » la charte de l’éducation, renouveler « en profondeur » le système éducatif, offrir un « changement sociétal ». Le calendrier, « ça n’est pas le principal, mais c’est un élément qui contribue fortement à cette réforme », pointe l’ancien enseignant, qui refuse « une réforme en sprint ». Des groupes de travail se mettent en place « en interne » en ce moment même et le ministre prévoit une « grande consultation » sur le sujet en début d’année prochaine « avec tous les partenaires sociaux ».

Pas question de s’étendre sur « des choix qui ne sont pas encore faits ». Mais l’idée d’inverser le calendrier scolaire, avec une rentrée entre janvier et mars, comme en Nouvelle-Calédonie, est bien sur la table. « Quand un élève est en classe et il fait très chaud, forcément il a pas très envie de travailler et l’enseignant non plus, appuie Ronny Teriipaia. On préfère que les enfants aillent en classe quand il fait plus frais, et les enseignants prendront beaucoup plus plaisir à travailler avec leurs élèves. »

Comment gérer, en cas de basculement du calendrier en 2026, le semestre de cours en plus (ou en moins) dans tous les établissements ? Que faire des bacheliers partant étudier hors de Polynésie et qui devront attendre six mois pour passer certains concours où intégrer leur université ? Quels impacts sur les mises à disposition d’enseignants métropolitains ? Sur les corrections d’examens ? Les vacances scolaires ? Ou même sur les fêtes du Tiurai, qui y sont liées ? « S’il y a quelques chose qui est décidé, toutes ces questions seront explorées », assure Ronny Teriipaia qui répète que c’est avant tout le cycle de consultation qui donnera les orientations de cette réforme du calendrier. Les dates de congés scolaires seront quoiqu’il arrive réétudiées, entre autres pour correspondre au « calendrier culturel » et à l’officialisation de Matari’i i nia comme une fête territoriale.

La réforme des rythmes scolaires : « rien n’est figé »

Une « grande consultation », le ministre en avait déjà mené une concernant les rythmes scolaires l’année dernière. Ce qui n’avait pas empêché beaucoup d’acteurs – à commencer par les communes, qui ont à leur charge les transports et les activités périscolaires – de dénoncer un manque de préparation et de concertation. Les nouveaux horaires sont en application depuis quelques jours, et le ministre, qui note tout de même ne recevoir que « très peu de remontées négatives », ne veut pas tirer de bilan hâtif.

Non seulement « les activités périscolaires vont se mettre en place au fur et à mesure », mais les enseignants doivent aussi, dans les trois heures de travail hors classe prévue par les statuts, assurer un quota de « prise en charge des élèves en difficulté ». Une « organisation interne qui doit se faire dans chaque école » rappelle le ministre. Surtout, il insiste sur le fait que cette réforme est évolutive : « Il y a toujours des améliorations à apporter sur un projet de société. On se donne jusqu’à décembre pour avoir des remontées, ajuster à partir du mois de janvier. Rien n’est figé. »

 

Article précedent

Avec Harbour Side, la gentrification du quartier de la gare maritime se poursuit

Article suivant

Conflits à l'aéroport : enfin la fin

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Ronny Teriipaia : « il faut rappeler aux parents que les premiers éducateurs, ce sont eux »