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Hydrocarbures : des grévistes jugés pour vol

La grève dans le secteur des hydrocarbures, qui avait duré six semaines entre décembre 2023 et janvier 2024, avait été marquée par une plainte pour sabotage de la société STDO, au tout début du piquet. Ce jeudi, trois grévistes parmi lesquels un délégué du personnel et un délégué syndical, reconnus par les caméras de surveillance, comparaissaient devant le tribunal correctionnel pour vol en réunion, en l’occurrence des boulons sur le pipeline, et des chariots indispensables au déchargement des pétroliers. Un quatrième complice était entendu pour recel.

Entre mi-décembre 2023 et fin janvier 2024, le secteur des hydrocarbures avait été touché par une forte grève. Un mouvement porté par la CSIP et l’Union des travailleurs des hydrocarbures (UTHP), qui portait notamment sur des revendications salariales dans les sociétés Pacific Shell, Petropol, STDO, STDP, SOMSTAT et Total. Si le piquet avait duré près de six semaines, des premières tensions s’étaient faites ressentir dès les premiers jours, après qu’une plainte ait été déposée par la STDO, pour sabotage. A l’arrivée d’un pétrolier à Fare Ute, les cadres de la société, non-grévistes, étaient mobilisés pour assurer la continuité du ravitaillement, et avaient constaté le « déboulonnement d’un tronçon sur le réseau de pipeline » et le « vol de matériel indispensable au déchargement » du mazout, en l’occurrence des chariots. La plainte déposée contre X avait alors fait « rire » les grévistes, comme l’expliquait le chef de file de la CSIP Cyril Le Gayic. Celui-ci réfutait les accusations de sabotage, expliquant les difficultés de déchargement par « le manque d’effectifs » liés à la grève et « l’incompétence » des cadres non-grévistes.

« Faire ressentir la pénibilité du travail aux cadres » non-grévistes

Des rires, il n’y en a pourtant pas beaucoup ce jeudi au tribunal correctionnel, où quatre hommes comparaissent devant une juge unique. Parmi eux, trois des grévistes, dont un délégué du personnel et un délégué syndical, également secrétaire général de l’UTHP, jugés pour vol en réunion. A leur côtés, un complice convoqué pour recel.
Les trois premiers cités s’étaient introduits à deux reprises sur leur lieu de travail, la nuit du 14 au 15 décembre, alors qu’ils faisaient grève depuis deux jours. Leur idée ? Démonter quelques boulons, pour « remettre l’outil de travail à zéro » disent-ils. En effet, un pétrolier était attendu le lendemain, et la mise en place des tuyaux nécessaires au pompage des cuves avait déjà débuté. « On voulait se faire entendre et faire ressentir la pénibilité du travail aux cadres », non grévistes, condamnés à tout remonter au matin, poursuivent les mis en cause.

L’objectif, assurent-ils, était de laisser les boulons sur place. Ce que n’a pas respecté le délégué du personnel, désigné par les relevés téléphoniques comme le meneur. Une fois rentrés « boire une bière » à la centrale syndicale, celui-ci a alors avoué son larcin à ses complices. Vilipendé par ceux-ci, ainsi que par leurs compagnes mises au courant, les mis en cause sont retournés sur site pour reposer les fameuses pièces. Et se sont alors décidé à subtiliser les chariots, des planches de bois montées sur des roulettes. Leurs entrées et sorties, captées par les caméras de vidéosurveillance, avaient alors permis de les identifier. Entendu comme témoin dans ce dossier, Cyril Le Gayic avait expliqué aux enquêteurs s’être « énervé » en apprenant l’affaire, et n’avoir « rien ordonné ». Ce sabotage, conjugué à la grève, avait alors entraîné un léger retard dans le déchargement du pétrolier.

Une amende ou des TIG

Face à la juge, tous reconnaissent les faits, en expliquant que leur intention n’était pas mauvaise, dans un contexte de revendication sociale. « Nous n’avions pas l’intention de faire du mal à la société, nous ne voulions rien saboter »… « Un peu, quand même », répond la juge. « Nous avons ramené les chariots après la grève, en les améliorant car ils étaient bons à jeter, et en les remettant aux normes, ce qui n’a jamais été fait par la direction », assurent-ils. De son côté, l’avocate de la STDO reproche à la bande d’avoir agi « avant même le début des négociations », et dans le seul but « de vouloir bloquer le déchargement d’un pétrolier, engendrant le risque de pénurie ». Elle demande 36 000 francs pour le remboursement des boulons, 160 000 francs pour les quatre chariots et 2,4 millions en raison des pénalités de retard engendrées par cet incident. Une requête balayée par la défense, puisque ces pénalités sont à la charge du pétrolier (déjà indemnisé par l’assurance) et non pas pour la STDO. Tout en rappelant le contexte social, l’avocat Dominique Antz plaide que ses clients n’ont « jamais eu l’intention de s’approprier du matériel, mais de mettre les cadres en conditions, avant de le restituer, et même de le réparer », dans le cas des chariots. De son côté le procureur requiert 100 000 francs d’amende ou 156 heures de TIG pour les quatre pieds nickelés. La décision du tribunal est attendue le 18 octobre.

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