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Tourisme : le Pays toujours incapable de « planifier des opérations d’envergure »

La chambre territoriale des comptes a transmis au gouvernement son rapport sur la politique touristique du Pays depuis 2018, et il met le doigt sur le fossé entre les ambitions affichées et les réalités du terrain. Les recommandations de la CTC se bornent à la mise en place d’outils d’analyse et de planification. Mais même si le développement promis était au rendez-vous dans dix ans, le prix à payer sur le plan de l’environnement et de l’emploi est sans doute inacceptable pour les Polynésiens. 

Pour la CTC, le Pays qui travaille sur la base des données de l’ISPF gagnerait à mieux doter l’Institut pour une analyse plus fine. La chambre estime notamment que le chiffre avancé de 47 milliards de Fcfp – les dépenses des non-résidents au fenua minorées des dépenses à l’étranger des Polynésiens – n’est pas un bon indicateur de la « création de richesse réelle apportée par le tourisme ». Si l’on soustrait de ce chiffre les importations des entreprises touristiques, il serait plus proche de 24 milliards, soit moitié moins.

La chambre territoriale des comptes pense aussi que « la perception du tourisme par la population locale mériterait d’être mieux prise en compte en amont dans la définition de la politique publique, notamment son degré d’acceptation/rejet social, a fortiori en considérant l’objectif nouveau d’accueillir 600 000 touristes en 2034 » alors que le fenua n’en a accueilli que 262 000 en 2023.

600 000 touristes ? « une trajectoire à l’encontre d’un tourisme durable et inclusif »

Elle relève également les contradictions de la politique de Moetai Brotherson, qui avait choisi de placer l’objectif à 600 000 visiteurs annuels dans l’optique de compenser les 200 milliards de transferts annuels de l’État. Promesse électorale ? Cet objectif à 10 ans a été ramené à 454 000 touristes, pour une recette de 140 milliards, indique à présent le rapport. La CTC conteste de toute façon ces chiffres : « toutes choses égales par ailleurs, ce serait a minima un million de touristes qu’il faudrait accueillir pour obtenir une recette nette de 200 milliards de Fcfp » dans le meilleur des cas. « Cette trajectoire est susceptible d’aller à l’encontre d’un tourisme durable et inclusif tel qu’affirmé par le Pays dans son plan Fare Manihini 27 » Un plan à la méthode « insuffisamment aboutie », empilement d’actions sans priorités définies, dont la CTC estime qu’il a surtout servi à capter les financements de l’Union européenne.

« Un gros effort de planification à long terme »

Malgré « un volontarisme politique certain », la chambre territoriale des comptes estime qu’il faudrait « à tout le moins un gros effort de planification », et alerte sur « les risques de provoquer ou d’accentuer des déséquilibres internes profonds ». Envoyer les nouveaux visiteurs dans les îles les moins fréquentées « pourrait d’ailleurs se révéler un trompe-l’œil », estime la chambre, qui cite l’approvisionnement en eau et la gestion des déchets, déjà difficile pour les résidents, comme un obstacle supplémentaire, sans compter « la difficulté historique du Pays à organiser un marché du travail efficace dans le domaine du tourisme qui réponde aux besoins des employeurs et des salariés », qui pourrait amener la Polynésie à « faire rapidement appel à une main d’œuvre extérieure ». Et quand bien même on en prendrait le chemin, il semble à la CTC impossible d’y parvenir dans dix ans.

Des doutes sur les capacités du Pays à « attirer des investisseurs fiables et réellement engagés »

Les dix années écoulées, en tout cas, ne permettent pas d‘être optimiste. L’échec du Mahana Beach malgré les tentatives répétées du Pays ne rassure pas « sur ses capacités à attirer des investisseurs fiables et réellement engagés ». En attendant, le compteur des investissements du Pays pour l’aménagement de l’emplacement du projet a déjà coûté 3,5 milliards, au bas mot, à la collectivité. Un peu cher pour un espace vert, certes très apprécié des habitants de la zone urbaine.

La chambre territoriale des comptes conclut que le Pays doit « améliorer son pilotage opérationnel pour tenir compte du caractère éminemment transversal du tourisme », et conduire une politique publique alliant « protection des écosystèmes, des sites archéologiques et des monuments, services publics disponibles et performants et gestion reconnue des espaces tels que parcs naturels terrestres et maritimes. Tous ces prérequis se font toujours attendre. »

Les recommandations de la CTC

  1. Doter l’ISPF en moyens adéquats afin qu’il développe et publie un compte satellite du tourisme à partir de 2025
  2. À partir de 2024, conduire et publier une enquête de satisfaction tous les deux ans à partir de sondages auprès de clientèles touristiques
  3. S’assurer dès 2024 du caractère opérationnel et évaluable de chaque action inscrite dans la stratégie du tourisme (chef de projet, calendrier, rang de priorité, indicateurs cibles renseignés, budget)
  4. Poursuivre la mise à jour de la réglementation relative aux activités et professions touristiques en Polynésie française à partir de 2024
  5. Mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans le secteur du tourisme à partir de 2024.

 

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