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Le Tavini prêt à durcir sa ligne si l’ONU n’obtient rien de la France


De retour de New York, les élus bleu ciel, Tony Géros en tête, dénoncent encore une fois le « déni diplomatique » de la France, mais haussent aussi le ton envers les Nations-Unies, qui ne mettraient pas suffisamment la pression sur Paris. Faut-il persister à tout miser sur les instances onusiennes dans le combat pour la pleine souveraineté ? Ce sera aux militants de le décider lors du prochain congrès, en début d’année, l’autre option étant d’adopter une ligne « beaucoup plus ferme ». « La base pourrait nous dire, ça suffit comme ça, on arrête de discuter », prévient le président de l’assemblée.

Oscar Temaru l’avait déjà laissé filer la semaine dernière, malgré une étonnante « confiance » affichée concernant les intentions du nouveau gouvernement de Michel Barnier. Le Tavini n’est « pas satisfait » de l’évolution de son combat auprès de l’ONU. Cette fois c’est en groupe que les élus bleu ciel, réunis autour de leur président et surtout de leur vice-président Tony Géros, ont tiré le bilan de leur déplacement new-yorkais. Dix-sept d’entre eux – Oscar Temaru n’en faisait pas partie mais seulement parce que son médecin le lui a interdit – s’étaient exprimés, tour à tour, devant la Quatrième commission des Nations-Unies, pour dénoncer le refus de la France d’ouvrir une discussion et une planification sur l’exercice du droit à l’autodétermination. Ce qui n’avait empêché l’ambassadeur de la « puissance administrante » d’expliquer que la « ligne » de l’État n’avait pas changé. La France travaille avec la Polynésie à son développement, sans que l’ONU n’ait une quelconque place dans cette relation. En clair : le sujet de la décolonisation de Maohi Nui n’existe toujours pas à Paris.

Un Congrès pour « reconsulter la base » sur la stratégie du Tavini

Une position qui n’a pas surpris grand monde côté New York, mais qui commence à sérieusement raidir le Tavini. Pour preuve : en dehors des habituelles attaques contre la position française – son « déni diplomatique » et sa confusion, probablement pas accidentelle, entre les discussions régulières avec la collectivité territoriale polynésienne et les négociations « politiques » et « d’égal à égal » exigées par les indépendantistes -, Tony Géros a aussi adressé ses piques aux instances onusiennes elles-mêmes. Ou en tout cas des avertissements, qui n’ont pas été lancés au micro de la Quatrième commission – question de courtoisie – mais plutôt lors des rencontres qui ont fait suite à la séance.

« J’aurais souhaité interpeller la Quatrième commission en leur disant ‘encore combien d’années on va venir devant vous, avec une majorité institutionnelle dans notre pays, réclamer le dialogue que la puissance administrante refuse de mettre en place’ ? explique le président de l’assemblée. Si vous continuez à maintenir ce statut, ça veut dire qu’il y a un réel problème dans votre processus. Et si ce problème perdure, les 17 autres pays vont perdre crédit par rapport au processus de décolonisation ». Et visiblement le Tavini, lui aussi, risquerait de « perdre crédit », et donc patience, onze ans après la réinscription. « C’est sur ce sujet qu’on va reconsulter la base, lors d’un congrès en février ou mars, sur le nouveau positionnement du Tavini Huiraatira, qui peut être reconduit à l’identique ou bien avoir un positionnement beaucoup plus ferme ».

Tony Géros et les autres cadres du parti affirment qu’ils ne « souhaitent pas », en l’état, revoir leur stratégie d’accession à la souveraineté, essentiellement basée sur les instances onusiennes. « Mais la base pourrait nous dire, ça suffit comme ça, on arrête de discuter », précise le responsable. Ce qui n’est pas sans rappeler la réflexion de Moetai Brotherson, là encore lors de la réunion de la Quatrième commission à New York. Le président avait pris l’exemple des violences calédoniennes pour appeler la France et le concert des nations à ne pas « sous-estimer la détermination de ceux qui aspirent à la souveraineté lorsqu’ils sont confrontés à un cul-de-sac politique ».

Des pétitions aussi devant le Conseil des Droits de l’homme des Nations-Unies

Bref, le Tavini attend mieux de Paris, mais attend aussi mieux des Nations-Unies. Le texte de la résolution annuelle de l’Assemblée générale, qui sera votée en décembre, devrait être scruté, comme d’habitude, au mot près. Comme d’ailleurs les contacts diplomatiques entre les représentants onusiens et la France, qui n’ont jusqu’à présent jamais été très directs ou très incisifs sur le dossier polynésien. Ça n’empêchera pas le Tavini de poursuivre, en 2025, son habituel  circuit onusien. Après un séminaire régional qui doit avoir lieu au Timor oriental en mars, le C24 se réunira comme d’habitude en juin, suivi comme d’habitude d’une Quatrième commission début octobre.

Une étape supplémentaire va tout de même être ajoutée à ce parcours, et ce dès cette année : Genève, et son Conseil des droits de l’Homme, un autre organisme inter-étatique « chargé de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme dans le monde, de traiter les situations de violation des droits de l’homme et de formuler des recommandations à leur sujet ».

C’est ce conseil qui a accueilli tout récemment, parmi les 47 sièges répartis par région, son premier représentant des états insulaires du Pacifique, les îles Marshall. Et pour Richard Tuheiava, y faire porter le discours sur la décolonisation de Maohi Nui est une question de logique. « L’Assemblée générale des Nations-Unies a déjà pris une résolution à New York pour déterminer que l’exercice du droit à l’autodétermination, c’est un droit fondamental, c’est un droit humain. Et donc si un État membre ne coopère pas  dans le cadre d’un dialogue sur ce droit qui est actuellement en cours à New York pour Maohi Nui, il viole ce droit fondamental. Sauf que New York n’est pas compétente pour statuer là-dessus, et c’est à Genève qu’on va interpeller ».  

Le Tavini compte aussi poursuivre sa stratégie de « diversification » des contacts internationaux, avec des états membres de l’ONU, notamment au sein du mouvement des non-alignés, avec des ONG… Et pourquoi pas au travers de son travail avec le Groupe d’initiative de Bakou, où l’Azerbaïdjan, en plein combat diplomatique avec la France qui dénonce ses exactions contre ses minorités chrétiennes, a réuni tous les mouvements séparatistes, autonomistes ou nationalistes des outre-mer. Le Tavini, espérant se faire une place à la COP 29 qui doit justement être organisée à Bakou en novembre, avait d’ailleurs profité de la tribune onusienne, la semaine dernière, pour dénoncer le caractère « liberticide » de la loi sur les influences étrangères votée à Paris en juillet.

Dans un récent rapport, le Sénat a lui aussi conseillé de surveiller de plus près les contacts politiques de partis avec des puissances étrangères et notamment le régime autoritaire azéri. Ce à quoi Oscar Tavini avait répondu : « Vous croyez qu’on va les écouter ? »

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