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Budget : le grand soir fiscal ne sera pas pour cette année

Déjà critiqué l’année dernière pour le manque d’ambition de ses réformes fiscales, le gouvernement avait promis des mesures importantes de « rééquilibrage » pour cette fin 2024. Le projet de budget à l’étude à Tarahoi en liste quelques-unes, déjà annoncées par Warren Dexter, comme la baisse des frais d’achat immobilier, où la hausse de la TVA sur le sucre. Mais le document ne répond toujours pas aux engagements pris lors de la campagne territoriale, notamment sur la taxation des capitaux et des grosses fortunes, ou sur la baisse de la fiscalité sur la consommation et l’importation pour lutter contre la vie chère. Des projets et réflexions sont en cours, mais la grande réforme ne se fera pas avant l’année prochaine.

Fin 2023, la première réforme fiscale de la nouvelle mandature, concoctée par Tevaiti Pomare, avait reçu un accueil glacial à l’assemblée. La majorité Tavini avait demandé une marche arrière sur certaines propositions, concernant la fiscalité des véhicules neufs notamment, et en avait tout bonnement écarté d’autres, comme la nouvelle taxe sur le patrimoine, pourtant de loin la nouveauté la plus ambitieuse de ce « pack fiscal ». Qu’importe, pour le ministre des Finances d’alors, ces mesures seraient « retravaillées », remises « à la réflexion », pour être mêlées à une réforme fiscale beaucoup plus profonde. Une réforme très attendue par le camp bleu ciel et promise pour cette fin d’année.

Alors, certes, depuis, Tevaiti Pomare n’est plus au gouvernement – il est en revanche actif au Tavini, puisqu’il s’affichait aux côtés de Tony Géros et d’autres élus lors d’une récente conférence de presse sur l’ONU – et a été remplacé par son ex-conseiller Warren Dexter. Mais beaucoup d’élus de Tarahoi s’attendaient tout de même à trouver, dans le projet de budget primitif 2025, une réforme fiscale d’ampleur comme annoncé. Pas plus tard qu’en septembre, pour l’ouverture de la session, Moetai Brotherson avait d’ailleurs parlé, à l’assemblée, d’une série de mesures qui allaient « favoriser la création d’emplois », « abaisser la fiscalité indirecte, inflationniste par nature », faire gagner le pays en compétitivité, et garantir « une meilleure appréhension des revenus ».

TVA sur le sucre, frais de notaires, FRPH…

Difficile de dire que toutes ces promesses sont tenues dans le BP aujourd’hui à l’étude à l’assemblée. Le document tient certes compte de plusieurs réformes fiscales que Warren Dexter avait pris soin de présenter aux élus et aux partenaires sociaux voilà déjà plusieurs semaines, et dont les textes devraient être votés avant la fin de l’année. Le ministre y rappelle ainsi que les sodas, jus, glaces, biscuits et autres produits sucrés se verront appliquer, au 1er janvier, une TVA à 16% contre 5% aujourd’hui, rapportant au Pays pas moins de 2,4 milliards de francs. Comme annoncé, les produits importés depuis les pays d’Océanie auront, eux, le droit à un taux réduit de taxe d’importation, ce qui devrait coûter 270 millions de recettes.

Les « frais de notaire » – ou plutôt les taxes d’acquisition qu’ils collectent – vont être sérieusement rabotés, là encore comme prévu, avec pas moins d’un milliard de francs de fiscalité désarmé par le gouvernement. Ce projet de budget décrit aussi une réorientation de certaines taxes –  la taxe spécifique exceptionnelle sur certains carburants, la taxe intérieure sur les produits pétroliers et 6,5% de la taxe de consommation sur les hydrocarbures – vers les fonds de régulation et de péréquation du prix des hydrocarbures (FRPH et FPPH). Soit au total 1,6 milliard de francs qui sont retirés du budget principal pour être fléchés vers des comptes spéciaux, pour limiter les besoins de subventions de ces deux fonds et « assurer leur pérennité ». Mais sans conséquence sur les consommateurs. Des mesures concrètes, qui ont un impact, mais qui sont encore loin du « grand soir fiscal » que certains espéraient du côté du Tavini. Le groupe majoritaire rappelle fréquemment les engagements qui ont été pris durant la campagne de 2023 : lutte contre la vie chère, bien sûr, mais aussi « taxation des capitaux et des grosses fortunes », comme on pouvait le lire dans le programme bleu ciel.

La taxe sur le patrimoine pas prête mais pas abandonnée

Concernant la vie chère, le gouvernement peut toujours mettre en avant une promesse fiscale tenue, dès octobre 2023 : la suppression de la contribution pour la solidarité, qui n’a pas éteint les besoins de transferts aux comptes sociaux évalués à 40,1 milliards pour 2025, ni les demandes, de plus en plus pressantes sur ce point, des élus de la majorité. Des demandes qui resteront sur la table en cette fin d’année. Outre la baisse des frais de notaire – dont tout le monde ne profitera pas – le projet de budget se limite à rappeler le besoin de réformes des PPN et PGC, et à annoncer une réforme « à finaliser » sur l’encadrement des prix des produits agricoles et de la pêche. Ce budget ne table pas davantage sur une taxation des capitaux ou des grosses fortunes. La réforme de l’impôt sur les transactions ou la modification de l’IRCM sur les distributions ont bien été annoncées au patronat, mais ils sont datés à « fin 2025 ». Le Tavini promettait aussi, aux territoriales, la taxation des « investissements de spéculation » et de la « fuite des capitaux ». Aucune nouvelle de ce côté.

Quant à la taxe sur le patrimoine qui avait été renvoyée à la « réflexion » par Tevaiti Pomare fin 2023, aucune mention ni dans ces discussions avec les « partenaires », ni dans les documents transmis à l’assemblée. La mesure, qui avait fait bondir les grands propriétaires immobiliers, aurait-elle tout bonnement été abandonnée ? Non, avait répondu Warren Dexter sur notre plateau en septembre dernier. « Je dirais même que c’est au cœur de la stratégie sur la problématique de lutte contre la vie chère et de l’égalité fiscale », avait même ajouté le ministre. La fiscalité du patrimoine est « sous-développée » en Polynésie, mais le sujet est bien sûr difficile politiquement. « On est encore en discussion y compris au sein de la majorité, parce qu’il faut trouver le juste créneau. Tout le monde est conscient qu’il faut développer cette fiscalité, notamment sur les hauts patrimoines, Dieu sait qu’il y en a dans le pays, après il faut faire en sorte qu’on aboutisse pas à des usines à gaz qui permettent à l’administration d’être intrusive, d’aller farfouiller chez vous ». Cette taxe sur le patrimoine est donc toujours à l’étude, et Warren Dexter semblait fin septembre décidé à la flécher vers le financement de la protection sociale.

Rendez-vous l’année prochaine

Étonnamment, ce BP ne fait pas non plus mention de la taxe forfaitaire sur les voyageurs internationaux, que le gouvernement voulait pourtant appliquer « dès 2025 » aux touristes comme aux passagers résidents. Les élus de Tarahoi pourraient en débattre dans le courant de l’année prochaine, une fois que les défis techniques posés par la perception de cette taxe par les compagnies seront surmontées. Ils devraient aussi, si tout va bien, être saisis d’un projet de refonte de la fiscalité hôtelière, annoncé, lui, pour une application au 1er janvier 2026, et qui doit permettre au Pays et aux communes de récolter davantage de fruits de l’essor touristique. Enfin, le gouvernement a aussi annoncé de grands travaux sur la réforme de la taxe de développement local, qui divise depuis longtemps les employeurs. En 2025, elle sera toujours là.  Même si le projet de budget prévoit sans explication une baisse de rendement de 205 millions francs, la TDL doit rapporter sur l’année un peu plus de 2 milliards de francs.

Un autre dossier à mettre au programme de la grande réforme fiscale, encore une fois promise pour l’année prochaine.

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