ACTUS LOCALESENVIRONNEMENTSOCIÉTÉ

Loi anti-plastique : les professionnels s’attendent à des « couacs monumentaux »

Interdiction du plastique jetable, vaisselle réutilisable dans les fast-foods et roulottes, fin des barquettes et films plastiques… Votée l’an passée, la loi sur les produits à usage unique commence à dérouler son implacable calendrier, et fait grimper l’inquiétude des professionnels. Restaurateurs et industriels dénoncent des mesures contre-productives pour l’environnement et le portefeuille, et prédisent un « souk » général. Pas question de lâcher du lest pour la Diren qui promet des contrôles serrés.

C’est une « fusée à plusieurs étages » qui avait été votée l’an passé et qui a commencé à décoller. La loi du Pays relative à la réduction de l’utilisation des produits à usage unique, qui avait été approuvée à l’unanimité par le Cesec comme par l’assemblée, oblige les restaurants et bars, depuis ce 1er janvier, à indiquer à leurs clients la possibilité de demander de l’eau potable gratuitement, limitant ainsi la commande de bouteilles en plastique. Des début plutôt symboliques, pour un texte qui prévoit des évolutions beaucoup plus nettes des pratiques dans les prochains mois.

À partir du 1er juillet, plus aucun gobelet, assiette, touillette paille ou couverts jetables, qu’ils soient en alu ou en plastique, ne pourra être importé, fabriqué ou utilisé au fenua. Six mois plus tard, en janvier 2026, les snacks et roulottes seront contraints d’utiliser, pour leurs plats consommés sur place, de la vaisselle lavable et réutilisable. Exit donc les gobelets en carton, les boîtes à burger dans les fast-foods, les bols de poké en fibre végétal, si ce n’est pour les repas à emporter. Nouvelle salve d’interdictions, et pas des moindres, en juillet 2026 :  les plats préparés, comme les sushis vendus en magasins ou les préparations des traiteurs, devront se passer de barquette plastique ou aluminium. Enfin, les emballages plastiques des fruits et légumes seront bannis début 2027, un an avant les films plastiques alimentaires.

Le syndicat des restaurateurs dénonce une mesure « contre productive »

Tout un programme, qui fait grimper l’inquiétude des professionnels à mesure que l’horloge tourne. Au Syndicat des restaurants, bars et snack-bars, qui compte 250 adhérents dont près de 80 % snacks et de roulotte, on se dit particulièrement « ennuyé » par l’échéance du 1er janvier 2026, dans moins d’un an. Son président du  Maxime Antoine-Michard est même « dans l’incompréhension ». « Les restaurateurs sont tout à fait d’accord pour réduire l’utilisation de plastique, il y a de la bonne volonté, mais ils ne comprennent pas cette double règle » d’imposer la vaisselle réutilisable sur place et le jetable sur la vente à emporter.

Celui qui est aussi le dirigeant des McDonalds du fenua prédit « une augmentation des coûts », que ce soit pour la vaisselle en elle-même mais aussi pour l’acquisition de lave-vaisselles spécialisés ou pour l’embauche de personnel dédié. Ce qui entraînera, in fine, une augmentation sur le ticket de caisse. Il l’estime aussi « contre-productive » d’un point de vue environnemental, « puisqu’il faudra utiliser de nombreux produits détergents, de l’énergie supplémentaire et de l’eau ». Un argument qui a fait mouche en Europe, où les fabricants d’emballages et les enseignes de restauration rapide sont parvenus à convaincre une majorité d’eurodéputés de rejeter l’interdiction des emballages jetables dans les restaurants, lors d’un vote sur une règlementation de l’UE en la matière. Pour la Diren, « c’est un faux débat, le réemployable est toujours mieux que le jetable », assure le chef de projet de la cellule déchets.

« Les professionnels sont dans la passivité » tacle la Diren

En métropole, la règlementation a bien été adoptée, pour les établissements de plus de vingt couverts, mais peine à s’appliquer partout. Au fenua, la Diren promet « des contrôles inopinés » et mise aussi sur « les signalements » de particuliers, pour sanctionner les contrevenants, conformément aux préconisations du CESEC, qui demandait en avril dernier « que les contrôles soient renforcés et que les sanctions soient prévues et appliquées dans les meilleurs délais sur le principe de pollueur – payeur ».

Maxime Antoine-Michard explique avoir alerté l’Assemblé et « espère qu’on pourra se réunir à nouveau pour rediscuter », car selon lui, les adhérents du syndicat sont « loin » d’être prêts. Pas de quoi émouvoir la Diren. « Ça suffit », s’agace le chef de projet de la cellule déchets Ryan Leou. Il tacle des « professionnels qui sont dans la passivité, qui repoussent l’échéance. Ils savent que ça va se faire, mais ils ont peut-être sous-estimé le fait qu’on puisse faire passer ce genre de texte, qui est tout de même discuté depuis 2021 ». Et pas question de promettre de la souplesse dans l’application.

La Diren, qui a récemment serré la vis au sujet de l’utilisation des sacs en plastique, officiellement interdits depuis deux ans, mais qui dans les faits ont encore cours dans certains commerces ou au marché, prévient qu’il n’y aura, cette fois, pas de période de prévention. Les professionnels sont déjà suffisamment au courant, reprend Ryan Leou. « Nous avons déjà fait de la sensibilisation et de l’information sur nos réseaux sociaux, nous diffusons, via la CCISM,  des brochures qui vulgarisent les règles pour les professionnels. Donc à sera très regardants », prévient-il, alors que les contrevenants s’exposent, après une première mise en demeure, à des amendes administratives allant de 178 000 francs pour une personne physique, à 894 000 francs pour une personnes morale (par infraction constatée), et à des sanctions pénales.

Les interdictions suivantes inquiètent d’autant plus

Du côté des industriels, on juge cette règlementation « mal ficelée », comme le dit le président du syndicat des industriels Sipof, Bruno Bellanger, lequel s’inquiète surtout à plus long terme. « les premiers étages de la fusée », en juillet 2025 et janvier 2026 ne sont « pas forcément les plus explosifs ». La disparition des barquettes de la mi-2026, dans moins d’un an et demi, ne serait « pas du tout préparée », pas plus que la fin des emballages plastiques des fruits et légumes non transformés et celle des films alimentaires en plastique. « Il va y avoir des couacs monumentaux », assure l’industriel, pour qui les solutions de remplacement ne sont pas viables.

Bruno Bellanger dénonce « un manque de concertation » avec les professionnels du secteur, une écoute relative au Cesec, et qualifie cette la loi de « dictature de l’écologie ». Nous aurons l’occasion d’en reparler en temps voulu, « laissons d’abord décoller le premier étage de la fusée : avec les couverts on va déjà voir le souk que ça sera ».

Article précedent

Marché, food court, centre évènementiel... À quoi va ressembler le centre-ville de Pirae ?

Article suivant

Ceci est l'article le plus récent

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Loi anti-plastique : les professionnels s’attendent à des « couacs monumentaux »