ACTUS LOCALESÉCONOMIE À Nuku Hiva, les débuts de la plus grande scierie du fenua Charlie Réné 2025-01-29 29 Jan 2025 Charlie Réné C’est ce jeudi qu’est inaugurée la nouvelle scierie du plateau de Toovi. Un massif domanial immense, d’où la SEBM veut extraire chaque année plus de 1 200 conteneurs de bois scié. De quoi couvrir 20 à 25% des besoins en bois de construction de la Polynésie, aujourd’hui très dépendante des importations. Gérard Siu, propriétaire de la société, a encore des projets, notamment celui d’une centrale biomasse alimentée par les résidus de bois, et il se dit bien décidé à faire décoller cette « filière industrielle 100% locale et durable ». Il demande pour ça un appui supplémentaire du Pays. Cinq mille hectares plantés voilà plus de 40 ans au fenua, dont au moins 2 000 hectares à maturité sur du foncier domanial. C’est un constat de longue date : le pin des Caraïbes est une ressource largement sous-exploitée en Polynésie. Pour y remédier, le Pays avait attribué par appel d’offres, entre 2021 et 2023, un bail de 25 ans et des permis d’exploitation sur un des plus importants gisements du territoire : le massif du plateau de Toovi, qui couvre plus de 650 hectares sur les hauteurs de Nuku Hiva. Les candidats ne s’étaient alors pas bousculés, et pour cause. Si la ressource est abondante, et l’espace largement suffisant pour installer une grande scierie, l’isolement de ce site, à 900 mètres d’altitude, 22 kilomètres du quai, et plus de 1 400 kilomètres de Tahiti, complique l’exploitation et la commercialisation. C’est finalement la Société d’exploitation de bois marquisienne (SEBM), fraichement intégrée au groupe de Gérard Siu (Sin Tung Hing) qui s’est lancée dans l’aventure. Et après de longs mois de développement sur place, la scierie, qui a obtenu sa conformité dans les derniers jours de l’année dernière, va être officiellement inaugurée ce jeudi, en présence d’une bonne partie du gouvernement, qui avait justement délocalisé son conseil des ministres hebdomadaire à Nuku Hiva. 20 à 25% des besoins du Pays en matière de bois de construction Les scies, elles, ont déjà commencé à tourner sur le plateau, comme le confiait Gérard Siu au micro de Radio1 vendredi. « Nous avons commencé à débiter du bois, à faire former les équipes, à démarrer graduellement sur la production de bois scié », se félicite le chef d’entreprise. La scierie de Toovi est loin d’être la première en Polynésie à exploiter le Pinus Caribaea : la scierie de Papara en avait débité un peu moins de 5 000 mètres cubes en 2023, l’activité a été lancée à Tubuai, et certaines îles, comme Mangareva, ont aussi de petites installations. La SEBM elle-même a une autre scierie, déjà active, à Hiva Oa. « Mais c’est une unité qui n’est pas à taille industrielle, reprend Gérard Siu. Aujourd’hui pour pouvoir rentabiliser et avoir cette capacité de traiter le volume de bois d’une manière pérenne aux Marquises, il faut produire avec un outil industriel : là on sera capable de traiter 15 000 mètres cubes de bois par an, ça va donner à peu près 7 500 mètres cubes de produits finis ». Soit plus de 1 200 conteneurs de 40 pieds qui pourront être exportés chaque année depuis Nuku Hiva vers Tahiti et dans le reste de la Polynésie. « On va couvrir à peu près 20 à 25% des besoins du pays en termes de bois de construction, reprend l’entrepreneur. On importera beaucoup moins et surtout on sera beaucoup plus réactif : quand on achète à l’étranger, ça peut prendre jusqu’à quatre mois pour pouvoir faire venir une commande, alors que là tu peux la recevoir en un mois, même moins. C’est trois jours de mer, et vous pouvez avoir du bois qui arrive chez vous traité. Il faut juste, je dirais, lancer la machine et disposer du stock ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2025/01/GERARD-SIU-BOIS-1.wav « Toute la valeur ajoutée de cette filière, elle reste en Polynésie » Et une fois le stock constitué, il faudra bien sûr l’écouler. Une domaine que Gérard Siu connait bien puisque Sin tung hing importe des matériaux de construction depuis 1969. Le marché polynésien est ainsi dominé par des essences de Nouvelle-Zélande et surtout des États-Unis, notamment du pin Douglas. Un bois auquel le pinus polynésien n’a rien à envier. « Il a une résistance mécanique similaire à celui du chêne, et il est aussi dur que le chêne, reprend le patron de la nouvelle scierie. Certains ne sont d’ailleurs pas habitués. Certains de nos gros clients, par exemple l’OPH, nous disent : ‘je ne peux pas le clouer’. Oui, c’est un bois dur, qu’il faut percer avant, mais ça vous donne bien là l’indication que c’est un bois qui est beaucoup plus résistant ». La SEBM met aussi en avant ses qualités de production : deux fours de séchage de bois – des nouveautés pour la Polynésie – doivent être mis en fonctionnement dans les prochains mois, en plus de l’autoclave de traitement « dernière génération » déjà sur place, et en cours d’installation. Le Pin des Caraïbes aurait, par rapport au Douglas et à ses autres concurrents une capacité d’absorption du traitement supérieur, qui évite à la scierie de devoir l’inciser, le griffer, conservant ainsi un aspect naturel sur le bois scié. Construction, charpente, solivage (pour soutenir un plancher), pourquoi pas mobilier… Les applications sont multiples, les prix « concurrentiels sur certains segments », malgré les frais importants d’exploitations aux Marquises. Mais le principal argument de la SEBM pour écouler sa production reste les bienfaits locaux du développement de cette filière, qui emploiera dès cette année 36 personnes en Terre des hommes. « Toute la valeur ajoutée de cette filière, elle reste en Polynésie. C’est une ressource propre qui est déjà là, reprend le propriétaire, rappelant que les pins seront replantés à mesure du déboisement, et que le rythme de coupe a été calculé pour assurer le renouvellement de la forêt. Elle a été développée par les Polynésiens et aujourd’hui elle va être coupée sciée en forêt, ramenée en scierie transformée sur place par des Polynésiens, transportée après par les navires de Polynésie, l’Aranui ou le Taporo pour revenir vers nos marchés et être directement vendus par les commerces. Toute la valeur reste en Polynésie ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2025/01/GERARD-SIU-BOIS-2-economie-circulaire.wav Aides à l’énergie et projet de biomasse Seuls achats extérieurs : des machines et pièces, et surtout l’énergie, gros poste de dépense pour le transport et pour faire tourner la scierie. Les installations sont pour l’instant alimentées par une centrale hybride – 270 panneaux solaires, 200 kWh de batteries, et des groupes électrogène au fioul – mais Gérard Siu veut aussi s’appuyer sur la biomasse. Les résidus et chutes de bois devraient être utilisés pour alimenter les fours de séchage, mais aussi, pourquoi pas, être transformés en énergie électrique dans une centrale unique en son genre en Polynésie, pour alimenter le site. Un projet ambitieux pour lequel la SEBM demande l’appui du Pays. Lors de l’inauguration de ce jeudi, il s’agira aussi de remettre sur la table les demandes d’aides à l’achat de carburant, dont bénéficient d’autres professionnels comme les pêcheurs. « Lancer cette fililère industrielle 100% locale et durable mérite un accompagnement » insiste Gérard Siu. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)