Saint-Quentin-en-Yvelines (France) (AFP) – Du haut de son 1,50m, Robert Marchand glousse comme un enfant qui prépare un bon coup: lui qui, à 105 ans, commence tout juste à « prendre de la bouteille », tentera mercredi d’établir un nouveau record mondial de vitesse à vélo.
Sa tentative se déroulera de 16H00 à 17H00 au vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines, là même où il avait battu son propre record de l’heure il y a trois ans (26,927 km).
Mais, prévient-il, il ne fera pas mieux le 4 janvier : il roulera pour établir le record dans la toute nouvelle catégorie des plus de 105 ans.
« Ça ne va pas aussi bien qu’il y a deux ans, si j’étais aussi bien je serais un phénomène. Mais je suis pas un phénomène », insiste-t-il, toujours rigolard.
Ceux qui le croisent au vélodrome, le pas alerte, les jours précédant son record, ne sont pas de cet avis : « C’est un Martien », sourit Jean Ridel, jeunot de 84 ans, qui tentera dans un an de s’attaquer au record des plus de 85 ans.
« Faut tenir l’équilibre sur le vélo, pouvoir anticiper les virages », c’est « phénoménal » à 105 ans, dit-il.
Le jour J, le centenaire enchaînera les tours de piste sur un léger dénivelé, avec un vélo sur mesure et bardé de capteurs sous son maillot jaune et violet – les couleurs de L’Ardéchoise, populaire course qui organise l’événement avec la Fédération française de cyclisme.
Robert Marchand estime pouvoir parcourir 23 ou 24 kilomètres en une heure. « Si je faisais 30, on dirait que j’étais dopé ! »
– ‘Il ne doute pas’ –
Son secret alors ? Il donne quelques pistes : « Toute ma vie j’ai fait du sport », « beaucoup de fruits et légumes », « pas trop de café », « pas de cigarettes », « très peu d’alcool ».
La physiologiste et professeure d’université Véronique Billat, qui le suit depuis ses 100 ans, complète : « Sa surface corporelle est petite mais il a un cœur qui pulse autant de sang à la minute que celui de quelqu’un de plus grand. Son corps est super irrigué ».
Sa personnalité joue aussi : « Il a une forte détermination, il ne doute pas, il n’a pas peur de tenter des choses ».
Pour Gérard Mistler, président de L’Ardéchoise, Robert Marchand est un « bel exemple pour l’humanité ». « Cela aurait été dommage qu’il reste incognito dans son appartement de Mitry-Mory alors qu’il donne beaucoup de joie de vivre aux gens ».
La commune de Seine-et-Marne, près des pistes de Roissy, est le point de chute de Robert Marchand, après une vie commencée le 26 novembre 1911 à Amiens, et marquée par les deux conflits mondiaux, la guerre froide et des années à bourlinguer au Venezuela et au Canada.
Aux visiteurs de son modeste studio, l’ancien pompier de Paris (entre autres) qui « commence à prendre de la bouteille » n’hésite pas à montrer les exercices d’assouplissement auxquels il se plie tous les matins. Ou à faire une démonstration sur son appareil d’entraînement, le même que les coureurs du Tour de France.
« Va moins vite ! » lance un copain cycliste, en haussant la voix pour se faire entendre.
Cette ouïe défaillante est l’un des rares maux dont souffre le centenaire, avec un peu de tension (son « seul cachet » quotidien) et des rhumatismes dans les mains qui le gênent pour tenir le guidon.
« Mais les jambes ça va bien », dit-il en pédalant toujours. Des tests ont montré qu’il avait gagné en vélocité, mais perdu en puissance. « Tant pis je me contente de la vélocité ».
Sans se départir de son rire, il raconte ressentir depuis peu une forme de « déchéance ». Il ne craint pas la mort, assure-t-il, seulement la paralysie.
En attendant, il roule.
© AFP/Archives LIONEL BONAVENTURE
Robert Marchand, alors âgé de 102 ans, le 31 janvier 2014 lors de sa tentative du record de l’heure au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines