Radio1 Tahiti

À Kaukura, la détresse face aux remboursements des aides Covid

« Stop aux aides empoisonnées », c’est le mot d’ordre du collectif qui s’est créé à Kaukura pour demander l’annulation du remboursement des aides du Fonds de solidarité des entreprises, le dispositif d’État mis en place durant la crise Covid. Mais l’ignorance sur le fonctionnement de ces aides que met en avant le collectif n’est pas recevable, répond-on du côté de l’État, qui n’a aucunement l’intention d’effacer la dette.

Le 10 novembre dernier, un courrier était adressé au haut-commissaire par un collectif formé sur l’atoll de Kaukura, qui a compté durant la crise sanitaire « près d’une centaine » de bénéficiaires du Fonds de solidarité des entreprises. Ce dispositif d’État, mis en place dès le début 2020 pour soutenir rapidement les entreprises affectées par le confinement, prévoyait un mécanisme de contrôle a posteriori pour les plus petites d’entre elles. « Quand on en a entendu parler, dit Natacha Taerea du collectif, c’était pendant la campagne des municipales, de la bouche d’un conseiller de l’ancienne équipe. Au début, ce n’est pas nous personnellement qui avons rempli les formulaires. » Les formulaires en ligne demandaient aux bénéficiaires de confirmer leur compréhension des conditions d’octroi, « mais nous, peut-être bêtes que nous sommes, dit-elle, ce qui a été écrit en petits caractères, on n’a pas lu. On se doutait que c’était pas gratuit, mais on s’était dit aussi que peut-être parce qu’on était dans une phase exceptionnelle… »

Le contrôle a posteriori s’est mis en place à partir de juin 2021, raconte Natacha Taerea. Et beaucoup – ils sont pêcheurs, coprahculteurs ou artisans – n’ont pas été en capacité de fournir sous deux semaines les justificatifs demandés. « La plupart d’entre nous a donc été déclarée ‘non conformes’ », et depuis avril 2022, les courriers de demandes de remboursement s’accumulent, l’échelonnement de la dette sur une durée supérieure à un an est refusée, et plusieurs comptes bancaires ont été gelés en octobre.

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2022/12/KAUKURA-01.wav?_=1

« Nous sommes aujourd’hui dans l’impossibilité de vivre décemment, » dit le courrier au haut-commissaire. Et si la Direction générale des finances publiques a conseillé aux personnes endettées de faire appel à leurs banques, Natacha Taerea souligne que « sans salaire, nous n’obtiendrons jamais de prêt bancaire. La situation aujourd’hui est pire qu’en période de crise sanitaire car même les allocations familiales sont saisies. »

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2022/12/KAUKURA-02.wav?_=2

Ils ne sont pas seuls, dit Natacha Taerea : d’autres collectifs aux objectifs similaires se seraient créés à Tahiti et dans les îles.

Une responsabilité partagée, disent les habitants de Kaukura

Natacha Taerea reconnaît que l’administration d’Etat peut regarder certains cas comme des fraudes. « Mais on n’a pas fraudé seuls, dit-elle, ils nous ont appâtés, ils nous ont piégés. »

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2022/12/KAUKURA-03.wav?_=3

Il y aurait eu à l’époque des pics de demandes suite aux tournées gouvernementales dans les archipels. Le collectif accuse aussi les services du Pays, « qui ne se sont pas investis et qui semblaient uniquement être les intermédiaires, non formés sur le sujet, entre l’État et les demandeurs. »

Du côté de l’État, on explique effectivement que des irrégularités ont été décelées, à Kaukura et ailleurs – absence de justificatifs des chiffres d’affaires déclarés en ligne, doublons, sociétés radiées ou même fictives créées dans l’unique objectif de percevoir des aides, sans compter quelques dénonciations. Pas question d’annuler la dette – d’une part les comptables publics engagent leur responsabilité pécuniaire et personnelle lorsqu’ils émettent un titre de recettes, et d’autre part l’État, au cas où une autre pandémie paralyserait la vie économique, a besoin que le bilan soit bon. Autant dire que le « on ne savait pas » et le « c’est bientôt Noël » du collectif risque fort de ne pas être recevable.