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À la Fête nationale chinoise, le missile n’empêche pas de trinquer

Le consul de Chine avait invité ce mercredi soir tout le gotha tahitien pour célébrer les 75 ans de la République populaire. Une fête sous le signe de la « paix » et la « prospérité » dans laquelle le missile intercontinental tombé quelques heures plus tôt tout près des eaux polynésiennes avait de quoi jeter un froid. Il n’en a rien été. Moetai Brotherson a bien regretté de ne pas avoir été informé, et Éric Spitz a rappelé que ce tir d’essai s’était fait selon le droit international. Mais le focus est resté sur les projets de développement sino-polynésiens, « nombreux », mais toujours très flous.

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Ministres, élus rouges ou bleu ciel, tavana, parlementaires,  petits et grands patrons, hauts fonctionnaires et présidents d’associations… Bien peu de gens avaient décliné l’invitation du consulat de Chine à venir célébrer, ce mercredi soir, et quelques jours avant l’heure, les 75 ans de la République populaire. La salle de réception du Hilton de Faa’a et donc pleine et un rétroprojecteur diffuse des paysage chinois ou un drapeau rouge paré de quelques colombes. Qu’importe le décor, une fois les hymnes passés, on attend davantage du buffet que des discours, rarement révolutionnaires dans ce genre de rendez-vous à la fois festif et formel.

Et on a raison. Le consul Lixiao Tian, le président du Pays Moetai Brotherson et le Haut-commissaire Éric Spitz se relaient au micro pour parler, tour à tour, du succès du développement de la deuxième – et, probablement, bientôt première – économie mondiale ; de l’apport des familles d’origine chinoise à la construction du fenua ; du lien d’amitié de la Chine avec la France – le soixantenaire des relations diplomatiques a été célébré plus tôt cette année – et avec la Polynésie, qui a fait beaucoup d’effort pour entretenir ce lien, sous Gaston Flosse, Édouard Fritch, tous deux présents comme sous Oscar Temaru ; de la volonté, surtout, de « travailler main dans la main » pour une « prospérité partagée » entre ce « si grand pays » et les îles du Pacifique… Le ton est très cordial, le fond très convenu.

Le gouvernement pas informé et « moyennement satisfait »

Mais tout le monde, dans l’assistance le sait, un mot doit pouvoir troubler la convenance diplomatique de cette Fête nationale chinoise, célébrée partout ailleurs le 1er octobre. Missile. Car quelques heures plus tôt ce n’est pas une invitation, mais un ICBM – un missile balistique intercontinental – qu’a envoyé Pékin dans la direction du fenua. C’est d’ailleurs aussi Pékin qui l’a annoncé, une fois le projectile retombé à quelques 400 kilomètres au Nord des Tuamotu et un peu plus de 600 à l’Ouest de Nuku Hiva : « La Force des missiles de l’Armée populaire de libération a lancé avec succès (…) un missile balistique intercontinental transportant une ogive factice d’entraînement ». Une bougie détonante avant cette fête d’anniversaire, que le consul de Chine n’évoquera pas directement dans son discours, préférant axer sur le modèle de développement « pacifique » de son pays.

À Moetai Brotherson, donc, de mettre les pieds dans le plat, mais sur le ton de l’humour plutôt que du reproche. Le président du Pays confie son étonnement matinal face aux nouvelles de cet « objet volant » qui semblait prendre la direction des Marquises – pourtant dénuées d’aéroport international – et insiste, de manière plus sérieuse, sur la nécessité d’un développement du Pacifique dans la « paix », la « sécurité » et « l’harmonie ». Hors scène, le président est un peu plus grinçant : comme il l’avait annoncé sur TNTV, il a adressé un courrier au consul de Chine « pour lui dire qu’il était moyennement satisfait d’apprendre par les médias qu’un missile avait lancé non pas sur mais en direction de la Polynésie et qu’il est tombé non loin de notre ZEE ». Trop tôt pour un retour de la diplomatie du géant asiatique, bien entendu. « J’ai simplement le retour de la discussion que j’ai eu avec M. Le Consul qui me demande de ne pas me focaliser sur cet incident, continue le chef du gouvernement. Il préfère qu’on se focalise sur les projets de coopération à venir ».

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Bientôt des nouvelles de la ferme aquacole de Hao ? 

Et il y en aurait un certain nombre, même si le Pays comme le consulat restent discrets sur le sujet. Moetai Brotherson précise seulement qu’il compte se rendre en visite officielle en Chine une fois que « les projets d’investissements seront suffisamment mûrs pour être concrétisés ». C’est bien sûr dans l’hôtellerie et le tourisme, qui concentrent beaucoup d’ambitions et de promesses du gouvernement Tavini que sont attendus ces projets. Le consul de Chine parle aussi de grands potentiels de coopération dans le numérique ou la perliculture.

Et l’aquaculture ? Le chef de l’exécutif n’aurait que très peu de nouvelles du projet de ferme aquacole de Hao, officiellement torpillé par Emmanuel Macron qui l’avait jugé « ubuesque », mais qui n’est visiblement pas complètement enterré. « J’ai beaucoup plus de questions que de réponses sur ce sujet, sur l’aspect environnemental, le business plan, les emplois, tout ce que ça implique, précise le président polynésien, qui prévoit une visioconférence avec Shanghai et les porteurs du projet dans les semaines à venir. Mais aujourd’hui je ne peux certainement pas vous dire que ça va repartir ».

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Des commentaires sur le missile « le moment venu »

Quelques minutes plus tard, Éric Spitz aborde, lui aussi brièvement mais sans détour ni humour, la surprise balistique chinoise… En commençant par préciser qu’il n’est pas habilité à commenter ce dossier de niveau « ministériel ». Le Haut-commissaire apporte tout de même trois précisions importantes, déjà transmises à la presse plus tôt dans la journée : le missile était « inerte », il est tombé dans les eaux internationales et pas dans la ZEE polynésienne, et les autorités chinoises avaient préalablement notifié leurs homologues français, comme c’est d’usage.

Des précisions reprises, au mot près si ce n’était pas en mandarin, par Lixiao Tian, hors scène, mais devant les micros et caméras. Ce tir « fait partie du programme annuel d’entrainements de routine », et s’est fait en conformité avec les règles internationales. Certes, mais ce coup dans l’eau, plutôt exceptionnel pour un pays qui teste généralement ses missiles à terre, et en pleine période de tensions sécuritaire dans le Pacifique, ne troublerait-il pas le message de « développement dans la Paix », plusieurs fois mis en avant lors de cette Fête Nationale ? « Ça ne pose pas à mon avis de menace sur la voie choisie par la Chine, qui est une voie Pacifique, répond le consul par la voix de son interprète. La Chine est la seule parmi les grands pays dotés de l’arme nucléaire à s’être engagé à ne pas l’utiliser la première. La Chine est vraiment déterminée à garder la paix et l’harmonie mondiale ».

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Pas de voix discordantes, donc, dans la grande salle du Hilton. On y croise d’ailleurs les diplomates australiens, néo-zélandais ou américains basés à Tahiti, ou, côté français, le contre-Amiral Guillaume Pinget, que le consul ne manque pas de saluer. Dans son discours, le Haut-commissaire Éric Spitz a tout de même pris soin de prévenir que l’affaire du missile ne sera pas entièrement noyée dans les toasts de la soirée : les autorités françaises compétentes « ne manqueront pas de faire connaître le moment venu leur position sur ce tir ».