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À la stèle de Tavararo, Éric Spitz appelle à « ne pas oublier le passé, mais ne pas s’y enfermer »


Le Haut-commissaire a participé ce jeudi soir, à Faa’a, à une commémoration des morts des combats franco-tahitiens qui ont précédé l’annexion du fenua. Une première, un « geste fort », et peut être même un tournant dans les relations avec l’État, applaudissent les dirigeants indépendantistes, qui veulent y voir les prémices d’une évolution de la position de la France sur le dossier polynésien à l’ONU.

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Petit comité, mais grand moment, ce jeudi, en fin d’après-midi à Faa’a. Devant la stèle de Tavararo, on croisait des élus du Conseil municipal, des dirigeants bleu ciel dont Oscar Temaru et Anthony Géros, le président Moetai Brotherson… Mais surtout le Haut-commissaire. Une première sur ce site aménagé en 1985, l’année même où Gaston Flosse décidait de célébrer l’Autonomie tous les 29 juin. Pour répondre à ce qui alors considéré comme une « provocation » – le 29 juin étant la date anniversaire de l’annexion du Pays par la France en 1880 – le Tavini marque sur place, tous les ans et cette année encore, le deuil des morts de la colonisation.

Deux visions « complémentaires » du 29 juin

Cette cérémonie, très politique et durant laquelle les discours ne sont traditionnellement pas tendre avec l’État, Éric Spitz n’y a pas participé ce jeudi. Le Haut-comissaire s’était en revanche mis d’accord avec le président du Pays et le maire de Faa’a pour venir déposer une gerbe, quelques heures avant, devant la stèle érigée « à la mémoire des héros de Faa’a morts en 1844 pour avoir défendu leur île et leur liberté, contre les soldats français ». Une façon pour le représentant de l’État, présent, le matin même, à la célébration de l’Autonomie organisée par des maires Tapura à Paofai, de montrer que ces deux visions du 29 juin « ne sont pas contradictoires mais complémentaires ». « Oui, au nom d’un idéal dévoyé, la France a fait couler le sang, ici, le 17 avril 1844, mais cet épisode tragique ne doit pas occulter, avec le recul du temps, l’affection mutuelle et profonde qui s’est développé entre la France et la Polynésie depuis plus de 150 ans » a ainsi déclaré le Haussaire.

Le 17 avril 1844, alors que la France avait déjà imposé son protectorat sur Tahiti, des combats éclatent entre l’armée française et des combattants locaux, défenseurs de la monarchie tahitienne et partisans, pour certains d’une alliance avec le Royaume-Uni plutôt qu’avec Paris. 117 personnes sont tuées, dont une centaine de Tahitiens. Un des épisodes les plus sanglants la guerre franco-tahitienne, qui ne prendra fin qu’en 1847, et le retour de la reine Pomare IV qui accepte de régner sous le protectorat. En 1880, le 29 juin donc, son fils Pomare V finit par céder ses pouvoirs et son patrimoine à la France qui annexe donc Tahiti.

Ce passé, insiste Éric Spitz, il « nous faut maintenant ne pas l’oublier, mais ne pas s’y enfermer ». Rappelant que l’histoire française est faite de batailles, certaines étant « sanglantes », « peu glorieuses » ou « inutiles », et d’autant de réconciliations, citant le cas de Verdun et ses 300 000 morts, il met en garde « ceux qui voudrait que le passé ne passe pas, alors que l’histoire de la Polynésie française ne saurait être réduite à une oppression, elle est autrement plus riche et complexe ». Le Haut-commissaire appuie notamment sur les « innombrables liens créés », « les multiples échanges culturels qui perdurent », « l’histoire d’un territoire qui a su progressivement faire reconnaitre son identité et sa culture, tout en s’inscrivant dans une République » au travers du statut d’autonomie… Bref, le représentant de l’État souhaite que « cette journée soit celle d’une mémoire apaisée mais empêchée ». « Une nouvelle page de l’histoire polynésienne reste à écrire, insiste-t-il. Une société d’espérance et non de rancœur ».

Un « geste fort » autorisé par Paris

Un discours très applaudi par le petit groupe de dirigeants et de militants indépendantistes présents sur place. « Avant d’être un discours, c’est un acte très fort qui vient d’être fait aujourd’hui, précise Moetai Brotherson, aux côtés d’Éric Spitz pendant toute la cérémonie. Fait par le Haut-commissaire et par l’État, puisque s’il est là aujourd’hui, c’est qu’au plus haut de l’État sa présence a été autorisée devant cette stèle de Tavararo ». Ce qui est confirmé par l’intéressé : si il a lui même la conviction « qu’on ne peut cheminer ensemble que dans la voie du dialogue apaisé », il a évoqué ce sujet avec le ministre de l’Intérieur lors de son passage récent à Paris. Comme d’ailleurs Moetai Brotherson : « ça faisait également partie des sujets qu’on avait abordés avec M. Darmanin, explique-t-il. C’est un acte fort et je remercie vraiment l’État et je remercie personnellement Éric Spitz ».

 

L’ex-député note tout de même qu’aucun président autonomiste en exercice n’est venu participer aux commémorations de Faa’a le 29 juin. « Ça aurait été bien que certains autonomistes se joignent à nous, mais on va y aller par petit pas » sourit-il, quelques heures après son passage à la célébration de l’Autonomie organisée par les maires Tapura.

Après Tavararo, l’ONU ?

Oscar Temaru, lui, se limitera à remercier le Haut-commissaire, qui a tenu son engagement, « contrairement à d’autres », notamment des ministres en visite officielle qui avaient évoqué un passage par Faa’a. Même remerciement, empreints d’émotion chez Tony Géros, qui estime que ce « geste fort va marquer l’esprit de tous les Polynésiens » et même au-delà. « Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais les beaux discours qu’on vient d’entendre sont là pour nous rassurer sur notre lendemain, précise le président de l’Assemblée. Espérons seulement que les engagements que nous avons pris ici puissent se traduire au mois d’octobre à l’Onu par l’ouverture du dialogue que l’on attend depuis 2013 ».

Car c’est toujours l’objectif majeur du Tavini : faire revenir l’État à la table des discussions sur la décolonisation de la Polynésie à l’ONU. Paris, qui avait contesté la décision de réinscription, a choisi la politique de la chaise vide depuis lors. Et cette commémoration par le représentant de l’État augure pour certains d’un changement de cap lors de la prochaine réunion à New York en octobre. Éric Spitz renvoie sans surprise le dossier vers le gouvernement central, y compris quand Tony Géros lui demande de jouer le rôle d’émissaire sur leur « request » : « Ils n’ont pas besoin de moi pour se faire entendre à Paris », note le Haut-commissaire.

Des « discussions » sur une autre date que le 29 juin

Interrogé sur le maintien, dans les années à venir, du jour férié du 29 juin, qui célèbre dans le calendrier officiel la Fête de l’autonomie, Moetai Brotherson a indiqué des discussions sur le sujet allaient être lancées. « La date du 29 juin avait été le fait d’un parti. On pourrait nous aussi avoir aujourd’hui cette tentation et dire ‘la majorité c’est nous, donc on va prendre le 2 juillet’ et relancer la polémique, note le président du Pays. Mais je ne suis pas un homme de polémique, donc je pense qu’il faut lancer des ateliers de réflexions. On va prendre le temps et on va essayer de trouver une date qui fasse consensus ».

Le matin même, Édouard Fritch rappelait que la famille autonomiste était attachés à cette date du 29 juin, « célébrée dans toutes les communes de Polynésie ». L’ancien président se dit toutefois ouvert à la discussion et rappelle qu’il était « à deux doigts », avec son ministre de la Culture Heremoana Maamaatuaiahutapu, de créer une nouvelle fête officielle aux alentours du 20 novembre pour Matari’i i Ni’a. Certains groupes proches du Tavini avaient proposé d’y « déplacer » la fête du 29 juin, qui serait centrée sur le Pays et sa culture. « Une possibilité », mais pas une option encore actée, précise Moetai Brotherson.

 

 

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