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À l’assemblée, Teriipaia le boxeur et Mercadal le conteur

Vivement interpellés lors des questions au gouvernement, les ministres ont mis les formes pour répondre, chacun dans son style. Cédric Mercadal a joué la carte de l’émotion pour affirmer son soutien au corps médical, après les propos tenus par l’élue Tavini Sylvana Tiatoa fin mai. Un peu plus tôt, Ronny Teriipaia s’était montré très offensif, au moment de répondre à une question d’Édouard Fritch sur la réforme des rythmes scolaires. Sur le fond, le ministre de la Santé a vaguement évoqué un futur plan d’action, quand le ministre de l’Éducation a détaillé point par point la méthodologie employée pour mener à bien la réforme.

Les questions au gouvernement étaient particulièrement attendues, ce jeudi à Tarahoi, où les élus étaient réunis pour la 5e séance de la session administrative. Interpellé sur son remaniement et sur son bilan, Moetai Brotherson a simplement rappelé à Nuihau Laurey qu’il comptait bien lâcher les portefeuilles du Logement, du Foncier et de l’Aménagement dans six mois.

Il a ensuite laissé le micro à son prédécesseur à la présidence, Édouard Fritch, qui s’est adressé avec sa casquette de tavana de Pirae au ministre de l’Éducation Ronny Teriipaia. Dans son intervention, le président du Tapura a souhaité savoir « quels moyens avez-vous prévu pour que les maires de Polynésie puissent mettre en oeuvre le plan de modification des rythmes scolaires ». Il pointait notamment « que je n’aurai pas d’autre choix que d’acquiescer et de financer les conséquences de vos décisions non concertées avec les responsables communaux qui sont appelés à organiser les activités extrascolaires », y voyant là « un manque de respect des maires et un manque de responsabilité de votre part ». Edouard Fritch avait d’ailleurs commencé son allocution en expliquant vivre « une sorte de frustration parce quand vous avez tout simplement refilé la patate chaude aux maires de Polynésie », à qui « vous avez renvoyé le dossier sans discussion ni concertation ».

« Nous avons reçu des propositions horaires de 41 communes, mais pas de la vôtre », répond le ministre de l’Éducation à Édouard Fritch

Du pain béni pour le ministre, tout de rouge vêtu et très offensif dans une réponse particulièrement fournie. « Je suis très inquiet », a-t-il ironisé, « car la frustration peut vous pousser vers le bas, et dans votre cas il faudra commencer à creuser ». Visiblement pas fan de patate chaude, le ministre a accusé son opposant de « comparer une réforme à un vulgaire légume ». Et a ensuite sorti l’économe pour peler les critiques de l’ancien président. « Ma démarche a pour objectif de respecter chaque tavana et l’ensemble de la communauté éducative. Ce respect s’est traduit par la concertation la plus large possible des différents acteurs, que sont les parents, les enseignants et les élus de terrain ». Expliquant ensuite n’avoir jamais constaté une réelle implication du maire de Pirae dans ces échanges : « Dès mai 2023 j’ai reçu plusieurs maires et des associations de parents d’élèves qui m’ont demandé de surseoir d’un an à cette réforme que votre propre gouvernement avait initiée, et que vous aviez voulu mettre en place coûte que coûte à la rentrée 2023. Je ne vous ai pas vu a ce moment-là », a répondu le ministre, qui a énuméré de nombreux manquements à l’appel du maire de Pirae, à qui il a reproché des problèmes de mémoire : « nous avons reçu des propositions horaires de 41 communes, mais pas de la vôtre », « vous n’avez pas assisté aux réunions, peut-être avez-vous encore oublié ».

Sur la question de l’occupation des élèves une fois la journée de cours terminée, Ronny Teriipaia a tenu à souligner que « la question cruciale des moyens périscolaires n’est pas dans notre champ de compétence au ministère de l’Éducation ». Mais, a-t-il ajouté, « contrairement à votre gouvernement, j’ai consulté les fédérations d’associations de jeunesse pour leur exposer la réforme et les inciter à proposer des activités. Ils ont déjà conçu des modules et n’attendent plus que les mairies ». Vivement applaudi par son camp, il a finalement invité le leader du Tapura a « participer aux futures concertations que je compte lancer après la rentrée sur notre projet éducatif polynésien, ce qui vous évitera de nouvelles frustrations. » N’ayant pas obtenu de réponse quant à la question du financement de ces activités, Edouard Fritch a objecté que « le problème n’est pas résolu », avant de céder la parole, sous les huées de la majorité.

Un hommage appuyé aux médecins, en attendant des annonces plus concrètes 

C’est ensuite sa collègue la plus proche, Tepuaraurii Teriitahi, qui a pris le micro. Elle a réchauffé une polémique, pas si ancienne mais éclipsée ces derniers jours par les déplacements du Tavini en Azerbaïdjan, celle concernant les propos tenus à l’assemblée par Sylvana Tiatoa. Le 24 mai à Tarahoi, cette dernière avait remis en cause l’efficacité de la médecine sur les Polynésiens, et donc sur la supposée inefficacité des fonds alloués au CHPF. Dans son intervention, Tepuaraurii Teriitahi a aussi pointé du doigt un autre représentant Tavini, Ueva Hamblin, lui reprochant d’avoir déclaré que « l’argent que nous votons ne sert pas aux malades mais aux médecins, aux infirmières, aux pharmacies, aux masseurs-kinésithérapeutes qui ont fait de leurs activités des entreprises qui s’enrichissent sur le dos des Polynésiens. »

Pour la représentante Tapura, « ces propos inacceptables, scandaleux et injustes ont fini d’achever le personnel de l’hôpital de Taoone et en particulier les chefs de services dont 19 sur 26 vous ont déposé leur démission, criant au manque de moyens et au manque d’écoute ». Elle a donc demandé sa position au ministre, qui ne s’était jusque-là pas montré bavard sur le sujet. S’il n’a pas explicitement condamné les propos de l’élue de son camp, se rangeant derrière les précédents rattrapages de Tony Géros et Moetai Brotherson, Cédric Mercadal a d’abord assuré qu’un « plan d’action et des actions concrètes de terrain » sera présenté à l’avenir sur des thématiques telles que « l’alimentation saine, l’activité physique ou la médecine intégrative », sans donner de calendrier. Avant d’embarquer l’assemblée dans un retour en arrière, « une petite histoire brève destinée à illustrer ma réponse » au sujet des propos tenus par les élus de la majorité, celle d’un accidenté de la route, victime d’une chute en scooter à seize ans, contraint de passer des mois en réanimation puis en rééducation et de subir une trentaine d’opérations.

« C’est une histoire qui se passe tous les jours pour beaucoup de patients. En tant que ministre de la Santé, je soutiendrai toujours le corps médical, celui qui m’a permis d’être présent ici et de marcher. C’est mon engagement, celui de mon gouvernement et celui de ma majorité », a-t-il assuré, non sans avoir manié l’ironie en remerciant la représentante « pour votre question qui n’a, je pense, pas de but polémique ».

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Jt Vert 07/06/2024

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