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Église protestante maohi : « les fléaux d’aujourd’hui perturbent aussi la vie spirituelle »


Les temples n’étaient pas pleins, loin de là, pour les cultes du 5 mars, date anniversaire de l’arrivée des premiers missionnaires en Polynésie. Un « problème de société » pour l’Église protestante maohi, qui estime que les soucis de finances, de santé ou de famille, de plus en plus nombreux, éloignent les fidèles de la foi. L’EPM cherche donc à renouveler son message, notamment auprès des jeunes. Son président, François Pihaatae, prêche aussi pour un travail commun de toutes les congrégations chrétiennes pour « aider le gouvernement à faire avancer ce pays ».

Habits du dimanche, ce mardi à la paroisse Evaneria de Taunoa. C’est là que l’Église protestante Maohi (EPM) avait appelé tous les fidèles du cinquième arrondissement, celui de Papeete, à se réunir pour le culte du 5 mars. Mais ces célébrations de l’arrivée des premiers missionnaires anglais – en 1797, quand le Duff de la London Missionary Society mouille en baie de Matavai – n’ont pas déplacé les foules. Le grand temple était certes très animé par les chorales, mais les bancs sont restés à moitié vide pendant toute la matinée.

Pas une surprise pour le président de l’EPM François Pihaatae, qui participer au culte, et qui sait que les ouailles sont de plus en plus difficiles à déplacer… Et que les nouveaux venus sont rares. « Un des problèmes du pays, c’est qu’on ne croit plus en Dieu », lâche le dirigeant de la première congrégation religieuse du pays. Le soixantenaire de l’indépendance de l’EPM, en septembre dernier, et le synode organisé dans la foulée, avait déjà été l’occasion de tirer la sonnette d’alarme. Et surtout d’organiser les paroisses et comités pour renouveler leur message et mieux communiquer sur « l’importance de la foi ». Notamment auprès des sans-abris et des jeunes, plus nombreux dans les rues de Taunua qu’à l’intérieur du temple, ce mardi.

« Ils sont plus sur la vie de tous les jours, comment se nourrir, comment avoir de l’argent facilement »

La foi, et le « service à la communauté » faisaient d’ailleurs partie des thèmes fixés pour les célébrations du 5 mars à Evaneria. Mais le pasteur de la paroisse, installé depuis quelques mois, sait combien la mission est difficile. « Surtout ici, en ville, souligne Nelson Hioe, on va voir les jeunes, pour leur expliquer qu’ils ont la chance d’avoir une paroisse à côté, que c’est eux les fidèles de demain, qu’on est heureux de les accueillir… mais ils ont d’autres choses à penser ».

À l’entendre, ce qui éloigne les Polynésiens des bancs d’église c’est « majoritairement, ce sont des conflits personnels qui dégénèrent : certains décident de ne plus venir à cause de ça et les enfants suivent, reprend le pasteur ». Mais l’abondance de « commerces », de loisirs, de distractions et surtout de « problèmes », est l’autre grand coupable désigné. « Certains ne croient pas que la vie spirituelle peut les aider, ils sont plus sur la vie de tous les jours, comment se nourrir, comment avoir de l’argent facilement… Tous les fléaux qu’il y a actuellement perturbent aussi la vie spirituelle ».

De l’autre côté de la rue, un groupe de jeunes gens de moins de 20 ans se montre plus prosaïque. Un culte de plus de quatre heures, dans lequel une partie des prêches en tahitien pourraient leur échapper, « c’est long ».

Des réflexions œcuméniques sur le développement du pays

Mais à l’EPM, on pense pouvoir attirer en se concentrant sur les « fléaux » de la société moderne. Pauvreté, santé, obésité, violences familiales… L’Église protestante, habituée des incartades dans le débat politique – l’église considère par exemple que l’indépendance de Maohi Nui est une « volonté de Dieu » – ne pas seulement montrer qu’elle est active sur ces sujets. Elle compte aider les autorités à déterminer comment les affronter. Mais pour réellement exister auprès des élus, ce sont toutes les congrégations qui doivent faire front commun, explique François Pihaatae. Protestants, catholiques, adventistes, mormons, sanito… « On est cloisonné, il y a trop de barrières entre nous, le peuple Maohi », reprend le président de congrégation qui appelle à des réflexions œcuméniques au sein de la chrétienté polynésienne. « C’est le souhait que tout le monde se mette ensemble pour discuter non pas seulement les affaires de l’église – on reste différents comme on est – mais mettre au centre les problèmes que le peuple aujourd’hui, explique-t-il. Comment les églises peuvent apporter quelque chose pour pouvoir faire avancer ce pays ».

Un message d’unité, donc, mais qui reste encore à faire porter au sein même de l’Église protestante maohi. Ce 5 mars, cinq paroisses de Papeete étaient conviées à Evaneria, Béthel, la seule paroisse en langue française de la capitale, a choisi de ne pas répondre à l’invitation. « On ne juge pas, assure le président. On a fait le culte pour tout le monde, ceux qui sont là et ceux qui ne sont pas là ».

Le président de l’Église protestante maohi, François Pihaatae.

 

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1 Commentaire

  1. NEHAM BRICE PAUL
    6 mars 2024 à 11h37 — Répondre

    Une des raisons possibles, est peut-être que les taata tumu (les « autochtones ») réalisent que l’arrivée d’un culte étranger, en l’occurrence l’arrivée de la religion anglicane et donc de la culture anglo-saxonne, est le premier pan de la colonisation. Se renommer Eglise Protestante Maohi (E.P.M.) ne suffit pas à cacher que la 1ère colonisation réussie fut anglaise. Qu’un Peuple qui aspirerait à l’indépendance qui fête tous les ans l’arrivée de la colonisation a quelque chose d’incohérent. Cette 1ère colonisation, peut-être sans violences (quoique..) est pernicieuse, car traduire la Bible anglicane en tahitien fut le moyen le plus génial de s’imposer aux consciences locales, en particulier des chefs qui entrainaient dans leur conversion tous leurs sujets. L’arrivée des prêtres catholiques de le pré carré des pasteurs anglicans, les manœuvres politiciennes et mensongères du pasteur Prichard n’ont fait que échauffer les esprits des nouveaux convertis toujours plus ardents que ceux qui le sont de naissance, a conduit aux guerres dites Franco-Tahitiennes alors qu’elles étaient plutôt d’inspiration religieuses. ( Guerres Catho-anglicanes, devrait-on dire..).
    Le clou de cette confrontation religieuse a été scellé par la prise de position sans ambiguïté de l’Eglise Protestante « mao’hi » pour l’indépendance.
    Les prêtres français qui tentaient de s’implanter au même moment en Nouvelle-Zélande, ont étés virés jusqu’au dernier par les anglais. Là-bas il n’y a donc pas cette confrontation. Les français eux, ont voulu jouer les magnanimes. Ils n’ont viré que les pasteurs les plus virulents. Ceux qui sont restés, ont pu seriner durant des décennies, des homélies fielleuses qui ont largement entretenu une défiance à l’égard de la France. L’attitude des curés dans le passé, celle de certains expats qui se croient en terrain conquis, les essais nucléaires suivis d’une indemnisation mesquine et pitoyable, n’ont fait qu’aggraver cette défiance. Le pont du W-E samedi-mardi, n’explique pas toute la désaffection dans les églises mardi. Sinon il se serait traduit par un transfert des fidèles des lieux de résidence vers ceux des lieux de villégiature..
    Aux dirigeants de l’E.P.M. de se poser les bonnes questions et précisément de SE remettre en question.

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