Montréal (AFP) – « Je n’ai jamais fumé d’herbe, j’habite à côté et je suis venue par curiosité ». Amandine, à peine 20 ans, est venue jeudi à l’ouverture d’une des huit boutiques vendant du cannabis à Montréal, quelques mois avant sa probable légalisation au Canada.
L’opération marketing fonctionne à merveille. « Le Prince de l’herbe » autoproclamé, Marc Emery, et son épouse Jodie, accueillent curieux et consommateurs ravis d’avoir enfin un magasin où s’approvisionner un peu comme lorsqu’ils vont à l’épicerie voisine acheter leurs fruits et légumes.
A l’angle d’une rue commerçante du centre de Montréal, l’enseigne « Cannabis Culture » se dessine en larges lettres de couleur verte.
Le consommateur peut patienter dans une sorte de salle d’attente sobrement décorée d’une affiche vantant la marijuana, avant d’être invité dans l’arrière-boutique où il peut faire son choix parmi des produits vendus entre 7 et 14 dollars canadiens le gramme (5 à 10 euros).
Depuis plus de 20 ans, Marc Emery défie policiers et magistrats. Le militant pro-cannabis fustige la politique du gouvernement qui a pourtant promis de déposer un projet de loi au printemps pour légaliser la consommation de cannabis.
En attendant, la loi interdit toujours le commerce et la consommation. « Si la police veut appliquer la loi, alors Justin Trudeau en personne devrait se rendre pour usage et trafic de cannabis », lance Jodie Emery à la presse.
M. Trudeau avait confié, avant de devenir Premier ministre il y a un an, avoir fumé quelques joints avec des amis.
Marc Emery reproche aux hommes politiques d’avoir « laissé le crime organisé contrôler le commerce de la marijuana ».
Extradé aux Etats-Unis en mai 2010, il avait été condamné à un peu moins de 5 ans de prison pour avoir vendu via son site internet plus de quatre millions de graines de marijuana.
– ‘Tolérance zéro’ –
Depuis son retour au Canada en août 2014 à sa libération, l’homme de 58 ans garde toute sa fougue militante à la grande satisfaction des quelques usagers qui applaudissent chacune de ses déclarations.
Jo, dans la vingtaine, propose de « déposer son CV » pour travailler dans une des huit boutiques. « C’est une industrie profitable », soutient-il en estimant que « la désobéissance civile » pourrait « accélérer » la légalisation.
« La loi actuelle n’a pas sens », souligne Wong, dreadlocks et fumeur depuis plus de 20 ans. « Que le cannabis soit légal ou non, les fumeurs continueront à fumer. Il faut juste qu’ils soient respectueux des autres, ce n’est pas quelque chose pour tout le monde. J’ai des enfants, et ils ne m’ont jamais vu fumer », confie à l’AFP ce Canadien d’origine jamaïcaine.
Anass, un fumeur marocain de cannabis depuis une dizaine d’années, se dit « surpris que le cannabis soit moins criminalisé au Canada que dans d’autres pays comme la France ou la Suisse ».
« Si on pouvait acheter du cannabis légalement, on connaîtrait l’origine du produit et ce serait d’une meilleure qualité », poursuit-il.
La police se fait discrète non loin du magasin. Le maire de Montréal, Denis Coderre, promet cependant une « tolérance zéro » et va utiliser « tous les outils administratifs (…) pour que cesse un usage illégal ».
A Vancouver, à Toronto ou dans une dizaine d’autres villes canadiennes, ces magasins ont souvent été verbalisés ou ont fermé leurs portes quelques jours avant de rouvrir.
© AFP Julien BESSET
Le militant Marc Emery créateur de la chaîne de distribution et autoproclamé « prince de l’herbe », dans une des boutiques à Montréal, le 15 décembre 2016