ACTUS LOCALES

À Nuku Hiva, clôture d’un Matavaa « des Marquisiens pour les Marquisiens »

Le 14e Matavaa o te Henua Enana s’est achevé ce mercredi à Nuku Hiva, avec la remise du Tokotoko Pioo, le bâton d’honneur, aux organisateurs de la prochaine édition, en 2025 à Ua Huka. En attendant, et alors que la fête bat encore son plein à Taiohae, beaucoup de participants soulignent la qualité du festival cette année et, encore une fois, la ferveur avec laquelle les Marquisiens ont célébré leurs arts ancestraux. Retour sur ces cinq journées de culture vibrante.

Textes et photo : Selelina Pakaïna

4H30 du matin ce samedi 16 décembre. Le premier rendez-vous avait été donné sur le Tohua Temehea, un site patrimonial situé sur la baie de Taiohae à Nuku Hiva. Toutes les places étaient prises pour assister à la cérémonie ancestrale où un Nato et un Puè ont été interprétés. Ces deux chants ancestraux étaient à l’origine interprétés exclusivement par des hommes. Cette cérémonie matinale permettait aux Marquisiens de l’époque ancestrale de célébrer l’aube, certaines festivités et parfois même elle précédait les rites funéraires. Et ce samedi, ces deux chants plongèrent le public dans une atmosphère profondément mystique, faisant honneur au thème de cette 14e édition, Auìi Tupuna, l’énergie ancestrale.

Ancrer la culture marquisienne dans la vie de tous

Une fois l’aube célébrée, le public s’est lentement dirigé vers la pointe de Paahatea, où la grande pirogue « Vaka Nui » de la délégation de Hiva Oa était attendue. La pirogue transportait à son bord l’équipage ainsi que le président de la Polynésie Française Moetai Brotherson, les six Hakaìki des îles Marquises, des membres du Comothe (Comité Organisateur du Matavaa o te Henua Ènana) et des représentants de chaque délégation.

Vaka Nui a été accueillie par des chants, des danses et les sons des pahu, ce qui a suscité une émotion intense parmi les spectateurs. Les passagers de Vaka nui ont ensuite été portés à terre lors d’une cérémonie solennelle, créant ainsi des moments inoubliables. Ces moments mémorables ont donné le ton du festival. Loin des aspects folkloriques que peuvent revêtir certaines célébrations, le festival Matavaa O Te Henua Ènana réalise consciencieusement son programme avec une volonté de fer, celle d’ancrer la culture marquisienne dans la vie de tous, un patrimoine reconstitué grâce aux écrits d’anthropologues et autres navigateurs qui ont foulé le sol de la Terre des hommes. Longtemps oubliées et cachées, ces rites revoient le jour lors du festival et sont performées selon un encadrement de la Commission Culture du Comothe qui s’assure de faire respecter les rites et traditions d’antan.

La culture aussi dans l’assiette

Le soir, le Tohua Temehea laisse place au premier koìka pō, les soirées performances où toutes les délégations proposent leur interprétation du thème. Ce soir-là, trois délégations se sont succédées et on a pu assister à différents rikuhi, mahaù (danse du cochon) et haka manu (danse de l’oiseau). Les trois journées qui ont suivie laissaient place à plusieurs activités. Le Ùmu kai dans la vallée de Taipivai célébrait la journée culinaire du festival. Les fours traditionnels des six îles Marquises ont été ouverts en respectant les étapes du Nunu’u. Chaque couche était soulevée selon une incantation précise qui a fasciné le public.

©Kamehameha Teikiteetini

Le lendemain a eu lieu les danses ancestrales dans la vallée de Hatiheu sur le site restauré de Kamuihei. Dans cette vallée éloignée, une journée « intime » et discrète a permis d’offrir aux délégations le lieu propice à la performance des koìka kakiu, les danses ancestrales des Marquises. Cette journée se voulait restreinte car elle nécessitait de déplacer toutes les délégations à une heure de Taiohae, une logistique complexe pour l’ensemble du Comothe. Cette volonté intimiste a cependant été retranscrite le lendemain sur le site de Koueva, où toutes les performances ancestrales ont pu être exécutées par l’ensemble des festivaliers et appréciés du public.

©Kamehameha Teikiteetini

Le Tokotoko Pioo part vers Ua Huka

Pour la dernière journée, l’apprentissage du mahaù et rikuhi prévue la veille pour être exécutés lors des cérémonies de clotûre, a eu lieu au tohua Mauia. C’est donc à 11 heures que toutes les délégations ont défilé, vêtues du t-shirt à l’effigie de leur île, à l’exception des délégations de Ua Huna et Nuku Hiva qui, elles, ont défilé en tenue traditionnelle. S’en est suivit la présentation du projet de l’association Matatiki (anciennement appelée Patutiki), qui pour l’occasion a invité deux tatoueurs des Samoas afin de partager leurs connaissances sur le tatouage traditionnel. Ainsi durant près de deux semaines, Alaivaa Tikeli Loli et Faleinu Misitikeri ont tatoué de manière traditionnelle deux résidents de Nuku Hiva qui ont présenté fièrement leur Pea devant une assistance émerveillée.

Les discours officiels se sont enchaînés ainsi que la prestation du mahaù et la passation du Tokotoko Pioo, où Heretu Tetahiotupa, président du Comthe de cette 14e édition a remis le bâton d’honneur à Ranka Aunoa, son successeur pour le prochain matavaa qui aura lieu à Ua Huka. Après cinq jours de célébrations des arts de l’archipel « par les marquisiens et pour les marquisiens », et de partage entre un peuple qui souhaite réellement s’émanciper et rendre à sa culture ses lettres noblesses, la journée de dimanche s’est terminée – nouveauté de ce festival – par un grand concert de musique contemporaine. L’occasion de réfléchir à la place que la culture traditionnelle et ancestrale peut prendre dans un monde moderne.

Échanges politiques en marge du festival

Plusieurs membres du gouvernement, dont son président et sa vice-présidente, ont suivi les cinq jours de festival à Nuku Hiva. Mais la délégation n’a pas fait que suivre les prestations traditionnelles. Hier Moetai Brotherson, Eliane Tevahitua et Chantal Galenon, qui avaient déjà participé à une ordination de prêtre la veille et à plusieurs hommage à des personnalités de l’île, étaient invités à une table ronde avec des acteurs socio-économiques de Nuku Hiva. L’occasion pour des représentants institutionnels, associatifs et des chefs d’entreprise d’exprimer leurs besoins en terme de financement ou d’infrastructure, d’identifier les freins à leur développement, de dessiner leur vision de l’avenir touristique ou économique de l’île. Accompagné du député Steve Chailloux, les membres du gouvernement ont participé à des ateliers portant sur l’agriculture, la pêche, l’artisanat, la culture, l’environnement, la jeunesse, le sport, la vie sociale, le tourisme ou encore le transport aérien international. Ont notamment été identifiés des défis en termes de formation, de violences intra-familiales, d’infrastructures sportives… Le sujet de l’aéroport international, qui fait l’objet d’une étude conjointe du Pays et de l’État a été abordé, de même que celui de l’agrandissement des débarcadères de Nuku Hiva, de la construction de nouveaux hébergements touristiques, du développement du logements chez l’habitant et des pensions de famille. Beaucoup de sujets de réflexion pour l’exécutif, donc, et une annoce, de la part de la vice-présidente Éliane Tevahitua : le Fare des artisans de Taiohae sera bien rénové par le Pays pour un montant de 50 millions de francs.

Avec communiqué

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