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À Nukutavake, un projet pour redonner vie aux fosses de culture des Tuamotu

Porté par des hydrologues, soutenu par des fonds européens et en collaboration avec des associations locales, le projet Komo Maite veut remettre au goût du jour une pratique agricole ancestrale : les fosses de culture, ou maite. Ingénieux et durables, ces aménagements permettaient autrefois aux habitants des atolls des Tuamotu de cultiver des plantes vivrières malgré des terres coralliennes et l’eau douce rare. Aujourd’hui, le projet démarre sur l’atoll de Nukutavake, avec un objectif ambitieux : restaurer ces maite pour renforcer la sécurité alimentaire des Paumotu. 

Et si la clé de l’autonomie alimentaire aux Tuamotu se trouvait dans leur propre histoire ? C’est le pari audacieux Vai Natura, cabinet d’étude en hydrologie et en hydrogéologie, qui, en cette fin d’année, se lance dans un défi : restaurer les maite, ces fosses de culture qui permettaient autrefois aux Paumotu de cultiver sur leur atoll. À l’époque, les maite fonctionnaient « en symbiose avec les lentilles d’eau douce des atolls » autour « d’un écosystème complexe mais efficace » .  Les populations parvenaient finalement à cultiver sur des terres coralliennes grâce à ces larges fosses (d’environ 5 mètres par 10), creusées jusqu’au niveau de la nappe d’eau souterraine.

Croiser tradition et modernité

Là était alors reconstituée une couche de terre végétale – mélangeant terre sableuse et fragments de plantes ou de feuilles – où étaient cultivés des tubercules et probablement des bananiers et des auti . « Les habitants des atolls ont aujourd’hui complètement abandonné cette pratique ancestrale, et leur dépendance aux importations les rend particulièrement vulnérables en cas de crise », explique dans un communiqué Matthieu Aureau, cogérant de Vai Natura. À travers le projet Komo Maite, la société entend donc réintroduire ce savoir-faire tout en l’adaptant aux besoins modernes grâce aux connaissances scientifiques actuelles. « Nous souhaitons croiser les connaissances traditionnelles avec de nouvelles études empiriques en botanique, socio-anthropologie et hydrologie », précise le scientifique, ancien doctorant de l’UPF.

« Recréer l’écosystème naturel » qui entoure ces fosses

Et c’est l’atoll de Nukutavake qui a été choisi comme « site pilote » pour ce projet qui s’appuie sur une collaboration avec des associations locales, comme Pu Tahi Haga No Ganaa de Maxime Hauata, et des experts comme le botaniste Jean-François Butaud ou l’anthropologue Frédéric Torrente. Komo Maite bénéficie surtout du soutien financier de Bestlife2030, un programme européen animé localement par l’Office français pour la biodiversité et de la Socredo.

La société coordonnera les études hydrologiques et les travaux de terrain, tout en recrutant un habitant de l’atoll pour assurer un suivi local des opérations. Car « restaurer un maite, c’est aussi recréer l’écosystème naturel qui l’entoure, avec des actions comme la mise en pépinière ou la réhabilitation des forêts naturelles », souligne le gérant. Mais au-delà de la technique, l’un des piliers du projet reste l’implication et la transmission locale: « si nous prouvons qu’il est toujours possible de cultiver grâce à cette méthode aux Tuamotu, nous voulons partager largement ces connaissances pour que les Paumotu puissent se réapproprier cette pratique agraire ancestrale », explique enfin les porteurs du projet.