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À Papara, un sas d’entrée et une arche de Noé pour les végétaux


La future extension de l’Agropol doit accueillir, d’ici 18 mois, le « stock stratégique » de semences que le Pays veut avoir à disposition en cas de catastrophe naturelle. Le bâtiment sécurisé, dont la première pierre a été posée ce matin, doit surtout servir de quarantaine végétale. Objectif : éviter les importations de champignons, bactéries, insectes ou virus, qui pèsent sur la production agricole du fenua… Et même sur le pouvoir d’achat.

Une première pierre pour un outil « indispensable » qui « manquait jusque-là au Pays ». Le ministre du Secteur primaire Taivini Teai, entouré d’élus et de représentants agricoles, a donné le coup d’envoi ce mercredi des travaux d’extension de l’Agropol de Papara. D’ici 18 mois, le centre de recherche et d’innovation de la Direction de l’agriculture verra sortir de terre un troisième bâtiment, conçu avant tout pour stocker des graines et des plants. Premier objectif : y constituer le « stock stratégique » du Pays en matière de semences. Tubercules, fruits, légumes… Cette arche de Noé réfrigérée pour végétaux pourra ainsi être mobilisée en cas de catastrophe, comme un cyclone ou une sécheresse extrême qui ravagerait les cultures locales. « Ça nous permettra de pouvoir fournir aux agriculteurs des semences qui auront été protégées », et ainsi relancer au plus vite la production, précise Taivini Teai, qui parle d’un outil de « sécurité alimentaire ».

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Mais à l’Agropol, qui abrite déjà plusieurs laboratoires spécialisés dans la protection et la valorisation de la production locale, c’est surtout l’autre fonction de cette extension qui est attendue : la quarantaine végétale.

Les tomates plus rares et plus chères à cause d’un virus

Car une fois que le bâtiment à 300 millions de francs – cofinancé par l’État – sera terminé, c’est vers ce « sas d’entrée » que seront théoriquement dirigés toutes les plantes, graines, fleurs et autres végétaux importés. La quarantaine doit permettre de s’assurer que ces nouveaux arrivants ne sont pas porteurs de pestes (maladies, microbes, insectes…) potentiellement dangereuses pour les cultures ou la biodiversité du fenua. « Chaque nouvelle peste qui entre dans le pays handicape la production, coûte énormément d’argent pour s’en débarrasser, et parfois on n’y arrive même pas, s’alarme Maurice Wong, chef de la cellule recherche, innovation, valorisation à la DAG. Il faut qu’on puisse importer correctement des plantes, en évitant de faire entrer les maladies avec ». Les exemples sont nombreux : mouche des fruits, tristeza ou le moins célèbre mais tout aussi redoutable « Tylc ». En 2014, ce « virus des feuilles jaunes en cuillère » s’est répandu en moins de trois mois dans toutes les îles de la Société, et y a ravagé la production de tomates. « On se rappelle qu’avant son introduction, on pouvait trouver de la tomate en abondance sur les marchés sur les mois de juillet août septembre, à 100 francs le kilo voire un peu moins. Aujourd’hui, les producteurs ont une vraie difficulté à produire à cause de cette maladie-là, reprend Maurice Wong. Depuis que le virus est arrivé, ça a coûté à la Polynésie trois milliards de francs en termes de manque à gagner ».

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Difficile de dire comment le Tylc est entré dans le Pays. Mais les importations non déclarées de graines, plants, ou nouvelle variétés maraichères ou vivrières sont très probablement en cause.

Pas d’importation sans déclaration

Les spécialistes de la biosécurité le savent : certains particuliers, à la recherche de nouvelles couleurs pour leur jardin ou de nouveaux goûts pour leur fa’a’apu, esquivent souvent les règles de déclaration – et donc les contrôles. Et les professionnels, dans l’horticulture notamment, ne sont pas plus exemplaires. La nouvelle quarantaine, adossée aux laboratoires existants de l’Agropol, doit donc aider le Pays a mieux faire appliquer les règles, et même à les faire évoluer. Parmi les modèles, les contrôles, plus stricts qu’en Polynésie, pratiqués en Nouvelle-Calédonie, ou ceux, encore plus rigoureux, de la biosécurité néozélandaise.

En attendant, Taivini Teai rappelle que les plantes indigènes de Polynésie, qui ont évolué à 4 000 kilomètres des côtes continentales, ont développé très peu de mécanismes de défense contre les pestes extérieures, toutes importées par l’homme. « On se retrouve avec des virus, des éléments pathogènes, des bactéries, qui ensuite se propagent dans la végétation qui n’est pas protégée, et on se rend compte qu’on est à la merci de ces intrusions extérieures, explique le ministre. Il est donc important de faire ces déclarations au niveau de la biosécurité, et ensuite de coopérer avec la Direction de l’agriculture ». Seul objectif : préserver la sécurité alimentaire et la biodiversité du fenua.

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