Le projet agrisolaire Vanī-Rā, porté par la mairie de Taputapuatea et la société Akuo a été officiellement présenté, ce mercredi, au gouvernement. Il vise, d’ici la fin 2022, à créer une grande exploitation de vanille sous des serres photovoltaïques, qui produiront assez d’électricité pour plus d’un millier de foyers.
Thomas Moutame aurait aimé pouvoir poser la première pierre « depuis déjà plusieurs mois ». La crise Covid a « bien ralenti le choses », et les « démarches administratives » obligeront le maire de Taputapuatea à attendre encore un peu. Mais « le bail et les contrats sont signés » insiste le tavana, « le projet est vraiment lancé ». Vanī-Rā, c’est son nom, a même été présenté, ce mercredi, aux membres du gouvernement réunis à Raiatea pour un conseil des ministres délocalisé. Le concept, qui permet d’allier développement agricole et transition énergétique, aurait reçu un accueil chaleureux des ministres, en présence de plusieurs maires des îles sous-le-Vent. “Ça commence ici, à Taputapuatea, mais on se lance avec tout le monde, reprend l’élu. L’objectif c’est d’élargir le projet à Huahine, à Taha’a, Uturoa et Tamara’a et même Bora Bora ».
Protéger les récoltes à moindre coût
Encore faudra-t-il faire sortir cette première exploitation de terre. D’ici la fin 2022 devrait se dresser, sur un terrain de 3,3 hectares loué par la mairie à l’OPH près de la pointe d’Utufara, de grandes serres équipées, sur un des deux pans de leur toit, de panneaux photovoltaïques. Deux hectares de structures anticycloniques de cinq mètres de hauteur qui devraient faciliter la production des précieuses gousses noires. « On m’avait déjà proposé de faire un champ de panneaux solaires classique, mais pour moi c’est dommage d’utiliser le foncier et de ne pas exploiter en dessous », reprend le tavana. D’autant que « les porteurs de projets sont nombreux dans la vanille et ils veulent des serres pour que ça marche bien ». Des serres qui, contrairement aux ombrières, protègent les récoltes des pluies et donc de certaines maladies. Mais elles représentent souvent un investissement rédibitoire. « Avec cette proposition, on pourra bien maîtriser l’humidité, et protéger le moment de la floraison », détaille l’élu. L’exploitation, doublée de zones de stockage et d’ateliers de préparation, doit créer « au moins une dizaine d’emplois« , et permettre de développer le marché d’export de la vanille de Raiatea.
Thomas Moutame, parle d’un coût « de plus d’un milliard de francs » pour la construction des serres. Mais sa mairie, où les exploitants qui seront choisis pour faire vivre le projet, n’auront pas à le supporter. Si la collectivité apporte le foncier et devra équiper l’exploitation Vanī-Rā, c’est le promoteur du projet, et exploitant des panneaux photovoltaïque, qui fera l’investissement. Akuo Energy, société choisie après un appel à projet sur-mesure et qui restera en charge de la partie électrique et photovoltaïque, se rémunérera uniquement sur la revente de l’électricité, pendant les 25 ans de durée de vie des installation. La société française n’en est pas à son coup d’essai : ce concept d’agrisolaire – ou « d’Agrinergie », selon la marque est déposée – a été développé dès 2007 et les premières serres ont été installées en 2011 à la Réunion.
800 000 litres de diesel économisés sur 25 ans
Dix ans plus tard, des exploitations agricoles sont équipées en Corse, à la Martinique, en Guadeloupe, mais aussi en Nouvelle-Calédonie où une troisième exploitation vient d’ouvrir et une quatrième est en projet. Akuo traite souvent avec les collectivités – pour les élus, l’agrisolaire répond souvent à plusieurs objectifs des programmes de campagne -, parfois avec des propriétaires privés. « C’est un concept qui a été pensé spécialement pour les territoires insulaires, explique le directeur des opérations de la filiale Pacifique d’Akuo, Keveen Meurlay. Sur des territoires où on est contraint par les espaces, ça nous permet à ne pas avoir à choisir entre se nourrir et s’éclairer ».
Du point de vue énergétique, le projet de Taputapuatea n’est pas démesuré : 2,1 MW de puissance en crête. Ce qui devrait permettre de produire assez d’électricité pour couvrir la consommation de 1 100 foyers (3,3 GWh/an). Une fraction de la consommation totale de l’île. « Mais c’est déjà beaucoup » pour la mairie, qui relève que la ferme agrisolaire devrait économiser 800 000 litres de diesel et 50 000 tonnes d’émissions de CO2 sur 25 ans.
« Et le coût de revient de l’électricité est moins cher qu’avec un généralteur diesel », assure Akuo, qui n’avance pas pour l’instant de tarif de revente précis. Des négociations doivent avoir lieu, dans les prochaines semaines, en vue d’un contrat de raccordement avec le gestionnaire du réseau, EDT. Avec ses batteries de 1.7 MW, Vanī-Rā sera aussi, en l’attente des appels à projets à Tahiti, la première exploitation photovoltaïque avec stockage de Polynésie. Nécessaire pour intégrer au mieux cette énergie très intermittente sur le réseau. « On ne peut pas faire de l’agrinergie partout, concède Keveen Meurlay. Mais en adaptant les outils de production au territoire il y a toujours des solutions solaires à trouver ». Akuo est loin d’être seule sur ce marché : plusieurs acteurs, dont EDT-Engie qui a créé une filiale spécifique voilà quelques mois, attendent impatiemment le bouclage de la réforme de la règlementation électrique du Pays pour se lancer.