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A Taravao, pas de nouvel hôpital, mais un pôle de santé « public-privé »


Le ministre de la Santé a confirmé ce mercredi que l’hôpital neuf un temps promis à la Presqu’île n’était plus d’actualité. Son coût – jusqu’à 28 milliard de francs, qui s’ajoutent à celui de la rénovation du CHPF ou de l’hôpital d’Uturoa – a poussé le Pays a imaginer une alternative publique-privée. Un appel à manifestation d’intérêt doit être lancé pour faire construire et exploiter une maternité, deux blocs de chirurgie et un service d’imagerie sur un terrain attenant à l’hôpital actuel, dont la rénovation a été lancée.

C’était le tout premier point de la longue liste de demandes, questions et projets présentés au gouvernement par les élus de Taiarapu-Est à l’occasion du conseil des ministres délocalisé de ce mercredi matin. Il faut dire que l’avenir du pôle de santé de Taravao est discuté depuis de longues années : l’hôpital actuel est délabré, les besoins de la Presqu’île ont augmenté avec la croissance de la population et de l’activité, le site de Afaahiti, tout proche de la mairie, peut difficilement, sans extension, accueillir les nouveaux services nécessaires, notamment une maternité… Bref, la demande sur la table depuis de longues années, c’est la construction d’un hôpital neuf pour le Sud de Tahiti. Et l’idée avait fait son chemin, puisque le gouvernement d’Édouard Fritch l’avait confirmé en conseil des ministres en 2018 et des études avaient été menées par TNAD (devenu G2P) les années suivantes.

Maternité, blocs d’obstétrique et de chirurgie générale, imagerie

Reste que le nouvel exécutif n’a pas hérité, en 2023, de projet ficelé. Et sans surprise, l’hôpital « neuf » de Taravao a fait partie de la grosse fournée de grands projets « réétudiés »… Et désormais officiellement annulés. C’est le ministre de la Santé qui l’a confirmé ce matin à Taiarapu-Est, même si le mot s’était déjà passé depuis plusieurs mois déjà. Car le gouvernement « ne veut pas abandonner » l’idée d’un renforcement du soin dans ce qu’il convient désormais d’appeler le « pôle économique Sud ». « La déconcentration vers Taravao reste une priorité », insiste Cédric Mercadal. Son projet, déjà affiné, entre autres, par des rapports de l’Arass : la transformation de l’hôpital actuel en pôle « public-privé », déjà évoqué par le gouvernement en août lors du conseil des ministres délocalisé de Punaauia.

« Un partenariat qui permet de mutualiser les moyens, de faire construire par le privé sur les terrains du public, à côté de de l’hôpital existant, qui est en cours de rénovation pour à peu près un milliard aujourd’hui, détaille le ministre. Le partenariat se fera, avec une maternité, deux blocs, sûrement de l’imagerie et un certain nombre d’autres possibilités… Ça sera une vraie innovation puisqu’on fera une vraie collaboration publique-privée, avec une mise à disposition par le privé des blocs et par le public des chambres. »

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L’idée est donc de conserver les infrastructures existantes – mais rénovées – et de demander à des investisseurs et gestionnaires privés de faire naitre à côté des modules complémentaires de l’offre de santé. Le ministère compte lancer le marché avant la fin du premier semestre 2025 pour un arbitrage et une validation du projet dans l’année. Mais plutôt qu’un appel à concurrence classique dans lequel les autorités auraient défini tous les contours de ce nouveau pôle, c’est un appel à manifestation d’intérêt (AMI) qui est en préparation. Et qui laissera le soin aux investisseurs privés – dont Cédric Mercadal assure qu’ils sont potentiellement nombreux à Tahiti, et d’ores et déjà intéressés par le projet – de faire leurs propositions en termes d’envergure, d’architecture et d’offres de soins. Le Pays fixe seulement le minimum requis : maternité, donc, au moins deux blocs chirurgicaux, pour les interventions obstétriques, généralistes, et certaines urgences, et de l’imagerie.

Le privé, « plus rapide » et dans le budget 

Le ministre ne s’en cache pas : l’intérêt de cette nouvelle formule est avant tout financière. Il faut dire que la santé publique a un programme d’investissement déjà chargé : la rénovation du CHPF, qui pourrait s’avérer très coûteuse, la transformation de l’hôpital d’Uturoa promise de longue date, les dispensaires à réhabiliter… « La construction d’un nouvel hôpital, ça nous aurait coûté entre 17 et 28 milliards de construction et ça pourrait mettre autant de temps que le pôle de Santé mentale, lancé en 2011 et qui sera livré en 2025. On sait quand on commence mais on sait jamais quand on finit, regrette Cédric Mercadal. Par contre le privé, mine de rien, a une autre capacité à mobiliser leurs moyens et à gérer leur budget, c’est une solution qui ira plus vite et qui sera à la charge des investisseurs pour la réalisation des travaux ».

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Côté médical, ce partenariat public privé « fait sens » pour le ministre : « Paofai, Cardella, Te Tiare marchent très bien. Et le privé fait déjà 50% de soins hospitaliers, pour les soins classiques » rappelle-t-il.

Anthony Jamet a des « doutes » et attend de voir du concret

Le projet n’a pas engendré de levée de boucliers lors de sa présentation au conseil municipal de Taiarapu-Est. Anthony Jamet prend acte, se satisfait de voir le projet de maternité toujours à l’ordre du jour, mais expose quand même ses craintes sur le montage public-privé. « J’ai un peu de doutes, parce que le privé, il y a une notion importante, c’est la rentabilité, alors que dans le public, on parle d’efficacité, de répondre au service qui est demandé, note le tavana. Ça ne veut pas dire que la solution ne mérite pas d’exister, mais maintenant quid de l’avenir : est-ce que ça va se faire ou pas ? »

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Les investisseurs ne sont bien sûr pas des mécènes : ils se rémunéreront sur l’exploitation de la partie privée de l’établissement, comme c’est le cas dans les cliniques de Papeete. Mais le gouvernement semble voir aussi l’intérêt de ne pas avoir à faire gonfler la masse salariale du Pays pour exploiter les nouveaux services de Taravao.

Cette idée de coopération pourrait d’ailleurs rapidement faire des petits. Pour compléter la couverture sanitaire de Tahiti, et après l’abandon du pôle de santé privé un temps promis à Punaauia, le Pays réfléchit à la création de deux autres pôles de moindre envergure de part et d’autre de la zone urbaine. Du côté Ouest d’abord, pour un hôpital de jour qui pourrait pourquoi pas naître sur le terrain Panek en cours d’acquisition pour un milliards de francs à Punaauia. Rien n’est acté, d’autres possibilités sont à l’étude, précise-t-on côté gouvernement. Côté Est, à Mahina, un grand Fare Ora est en projet, à côté duquel un autre pôle de santé – dont les missions restent à être définies par l’Arass – devrait aussi sortir de terre. Quant à Taravao, les terrains un temps réservés au futur hôpital neuf au dessus du centre commercial Carrefour seront réaffectés « à d’autres projets du Pays ».