ACTUS LOCALESJUSTICE Accusée de privations de soins, elle est relaxée faute d’éléments probants Pascal Bastianaggi 2022-01-11 11 Jan 2022 Pascal Bastianaggi @Florent Collet / Radio 1 Une femme comparaissait ce mardi pour privations de soins ou d’aliments compromettant la santé d’un mineur dont elle avait la charge. Un enfant lourdement handicapé dont les services sociaux lui avaient confié la garde. Elle a été relaxée. W.T. a 57 ans et un long passé de mère de substitution pour des enfants atteints de lourds handicaps. Plus d’une vingtaine d’années. Ce n’est pas un choix personnel au départ de s’occuper de ce qu’elle appelle affectueusement « ses bébés », mais plutôt les circonstances. En 1995, alors qu’elle décide de se consacrer à accueillir des enfants, le premier qu’elle se voit confier en urgence par l’IIME ( l’Institut d’insertion médico-éducatif) est un enfant de 13 ans lourdement handicapé et ayant subi de surcroît des attouchements sexuels. Malgré l’absence de formation, elle s’en sort plutôt bien puisqu’elle se verra confier, toujours par le biais de l’IIME, quatre autres enfants. Sur les quatre, deux décéderont des suites de leur handicap. L’un, Loïc, qu’on lui avait confié alors qu’il n’avait que deux mois, est mort en 2014 des suites d’une malformation du cœur, à l’âge de 17 ans. Quant à l’autre, Jean, aveugle et épileptique, il décédera lors d’une crise d’épilepsie. Elle n’a été mise en cause dans aucun de ces drames. « Personne n’en voulait. » C’est le dernier enfant qu’on lui a confié alors qu’il avait trois ans, Terearii, qui est la cause de sa présence au tribunal ce mardi. Lui aussi lourdement handicapé, il fait partie de ce que l’on appelle les « bébés secoués ». C’est en 2010 qu’elle l’accueille dans son foyer, où selon des témoignages, tout est mis en œuvre pour recevoir ces enfants polyhandicapés. Voiture équipée etc…. « Il est arrivé chez moi, plein de bobos, de pus, personne ne voulait de lui. Il n’était pas bien quand il est arrivé chez moi, et moi je voulais l’aider, le sauver », confie-t-elle à la barre. Jusqu’alors tout allait bien, les relations avec l’IIME étaient plutôt bonnes et personne ne se plaignait de personne. Mais en 2016, l’IIME décide de lui retirer l’agrément de famille d’accueil expliquant avoir remarqué « une dégradation de la santé de l’enfant, des problèmes de croissance » et des absences répétées à l’institut. On lui reproche notamment des soins tardifs qui ont amené à l’ablation d’un testicule et à la perte de vision d’un œil à la suite d’une cataracte. Ce que W.T. conteste. « Je suis allée voir plusieurs fois les médecins de l’institut, car je ne trouvais pas normal qu’il pleurait toute la nuit, tous me disaient que c’était normal, que c’était un ‘bébé musique’ et ils rigolaient. » Témoignages à charge et à décharge De dépit elle est allée consulter un autre médecin qui a vu plusieurs fois Terearii, et qui lors de sa déposition a déclaré n’avoir eu « aucun soupçon de maltraitance. » Même chose pour une visiteuse qui s’est rendue plusieurs fois à l’improviste chez W.T. où elle a constaté que tout « est bien, l’enfant est propre et choyé, la maison est équipée et la voiture pour le transport aussi » ajoutant, « je ne comprends pas le problème qu’il y a avec l’IIME. » Pourtant le rapport de l’institut est sans équivoque : pas de consultation ophtalmologique qui aurait pu éviter la perte de vision ; régression motrice ; troubles du sommeil ; hématome et œdème au nez. Pour ce dernier, W.T affirme que c’est lors de crises qu’il se cogne, ce qu’infirme l’IIME qui assure « que c’est incompatible avec les problèmes de motricité » que rencontre Terearii. Histoire d’enfoncer le clou, l’institut indique que depuis que l’enfant a été retiré à W.T., en 2016, celui-ci « s’est calmé, et a bon appétit » Le portrait de W.T. dressé par un psy laisse entendre qu’elle serait « narcissique », qu’elle aurait le « syndrome de la persécution et qu’elle attendrait sciemment que l’enfant souffre pour aller chez le médecin » et qu’elle « s’estime être la seule capable de s’occuper de l’enfant. » Vu de l’extérieur, ce petit bout de femme ne ressemble pas vraiment au portrait dressé par les experts, si ce n’est peut-être pour le coté narcissique, cette phrase à la barre, « j’aime emmener les enfants se promener dans les grandes surfaces. Les gens les regardent bizarrement, mais moi, cela ne me gêne pas. » « C’est la parole de madame contre celle de l’IIME. » Pour la partie civile, « c’est la parole de madame contre celle de l’IIME » et que « dans ce dossier on peut parler de privations et les retards dans la prise en charge qui sont avérés. » De son coté la procureure assure à l’accusé qu’elle n’est pas là pour « coups et blessures mais pour privation de soins » et qu’elle encourt 7 ans d’emprisonnement, et qu’il y a des « éléments à charge, mais aussi à décharge. » Et d’envisager « plus que des maltraitances, un manque d’empathie pour Terearii. » À sa décharge, « elle n’a pas eu de formation et il est étonnant que les services sociaux lui aient confié autant d’enfants handicapés », supposant, « à un moment donné, elle a du rendre bien service à ces services sociaux », elle requiert quatre ans de prison dont deux avec sursis. Quant à la défense, elle trouve exagéré que « l’on reproche à ma cliente des manques de soins alors qu’elle a emmené l’enfant une fois par mois voir le médecin. » Pour l’avocate, « il y a eu une perte de confiance de ma cliente vis-à-vis de l’IIME, elle est allée les voir plusieurs fois car elle se posait des questions sur la dégradation de la santé de l’enfant et cela sans résultat. D’ailleurs lorsqu’il a été hospitalisé, deux bilans ont été faits. L’un disait que la santé de l’enfant se dégradait suite aux complications de sa maladie et le deuxième indiquait que l’amaigrissement de l’enfant était dû à son alimentation qui était à revoir, mais pas à cause d’un manque de nourriture. » Elle demande la relaxe. W.T. qui est la dernière à prendre la parole assure que « si j’avais voulu faire du mal à tous les bébés dont j’ai eu la garde chez moi, je l’aurais fait et je ne serais pas allé voir les médecins et il ne serait plus de ce monde. » Le tribunal estimant que « les éléments du dossier étaient insuffisant pour motiver la condamnation » a relaxé W.T. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)