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Acquittement surprise pour l’ultranationaliste serbe Seselj au TPIY

La Haye (AFP) – L’ultranationaliste serbe Vojislav Seselj a été acquitté jeudi par le TPIY de toutes les accusations qui pesaient contre lui pour son rôle dans les guerres qui déchirèrent l’ex-Yougoslavie dans les années 90, une décision surprise dénoncée notamment par la Croatie.

Pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, « l’accusation n’a pas présenté de preuves suffisantes pour établir que les crimes ont été commis », a expliqué le juge Jean-claude Antonetti lors du prononcé du jugement à La Haye.

 « Avec cet acquittement sur l’ensemble des neuf chefs d’accusation, le mandat d’arrêt n’a plus d’objet: Vojislav Seselj est donc un homme libre à la suite de ce verdict », a-t-il ajouté.

Cet acquittement permet à l’ancien député, tête de liste de son parti pour les élections anticipées du 24 avril, de se présenter sans entraves.

Vojislav Seselj, 61 ans, était accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour avoir, selon le procureur du TPIY, « propagé une politique visant à réunir tous +les territoires serbes+ dans un Etat serbe homogène, qu’il appelait la +Grande Serbie+ ».

Selon l’accusation, Seselj était donc responsable de multiples meurtres, persécutions, transferts forcés et tortures notamment, commis en Bosnie, Croatie et Serbie.

Mais pour les juges du TPIY, bien que des crimes aient été commis, Vojislav Seselj n’était pas « le chef hiérarchique » des milices de son parti placées sous le contrôle de l’armée régulière, et ne peut donc pas être « pénalement responsable » de leurs actes.

– « Ferveur politique » –

Vojislav Seselj était « animé de la ferveur politique de créer la Grande Serbie », ont convenu les juges, qui ont toutefois estimé que cela « ne procédait pas d’un dessein criminel ». « La propagande d’une idéologie +nationaliste+ n’est pas en soi criminelle », ont-ils affirmé.

« Il existe une possibilité raisonnable que l’envoi de volontaires visait la protection des Serbes » et était motivé par « le soutien à l’effort de guerre », ont-ils ajouté dans une décision prise à la majorité.

Faute de preuves, ils n’ont pas pu écarter la possibilité que les discours de Vojislav Seselj « étaient destinés à renforcer le moral des troupes de son camp plutôt qu’à les appeler à ne pas faire de quartier ».

Le dossier de l’accusation est basé sur des « confusions, des imprécisions et des ambigüités », ont ajouté les juges, accusant le bureau du procureur d’avoir eu une approche « maximaliste et fourre-tout ».

Vojislav Seselj, absent pour des « raisons de santé », a salué à Belgrade le comportement « honorable » des juges: « après tant de procès dans lesquels des Serbes innocents ont été condamnés à des peines draconiennes, il y a eu maintenant deux juges honorables et justes (…) qui ont montré que le professionnalisme et l’honneur sont au-dessus de toute pression politique ».

Ce jugement intervient une semaine après la condamnation de l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, à 40 ans de prison pour génocide et neuf autres accusations de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

– Verdict « honteux » –

« De nombreuses victimes et communautés seront déçues par ce jugement », a regretté pour sa part le procureur du tribunal, le Belge Serge Brammertz.

« Nous allons examiner le raisonnement des juges et déterminer s’il y a lieu d’interjeter appel », a-t-il affirmé à des journalistes, relativisant: « ce n’est pas la première fois que nous recevons un jugement surprise ».

La Croatie, ennemi de la Serbie pendant le conflit qui a embrasé la région au début des années 1990, a dénoncé un verdict « honteux »: Seselj est l’homme « qui est l’auteur du mal et qui n’a montré aucun remords, ni à l’époque, ni aujourd’hui », a affirmé jeudi le Premier ministre Tihomir Oreskovic. 

Les autorités croates ont également réagi en interdisant à l’acquitté l’entrée sur le territoire croate.

Dans une opinion dissidente, la juge Flavia Lattanzi a affirmé se sentir « renvoyée dans une période de l’histoire, il y a des siècles », quand le droit sur les coutumes de la guerre n’existait pas. « La majorité à mis de côté toutes les règles du droit humanitaire international qui existaient bien avant le tribunal », a-t-elle affirmé.

Certains experts n’ont pas caché leur surprise: « cela me semble être une énorme erreur », a notamment affirmé à l’AFP Goran Sluiter, professeur de droit international à l’université d’Amsterdam.

Seselj, 61 ans, s’était rendu volontairement au TPIY en 2003. Son procès, ouvert en 2006 puis en 2007 après sa grève de la faim, s’était terminé en 2012.

© AFP ALEXA STANKOVICL’ultranationaliste serbe Vojislav Seselj lors d’une conférence de presse à Belgrade, le 31 mars 2016

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